Finances - Trois politiques publiques à revoir en priorité : logement, formation professionnelle et "intervention sociale"
Gérarld Darmanin a présenté ce jeudi 20 juillet en séance plénière à l'Assemblée nationale, dans le cadre du débat d'orientation budgétaire, "la feuille de route" devant permettre "d’atteindre tous les objectifs qui conditionneront le quinquennat".
La ligne aux vagues allures de syllogisme développée par le ministre de l’Action et des Comptes publics a été claire : "Tout est lié à la réduction du poids de nos dépenses publiques. Parce que nous réduirons le poids de nos dépenses publiques (…), nous parviendrons à diminuer les impôts et les charges, nous libérerons le pouvoir d’achat de nos concitoyens et nous libérerons l’entreprise. Parce que nous réduirons le poids de nos dépenses publiques, nous réduirons le déficit et, partant, la dette." Une "révolution copernicienne", assure-t-il.
Les "économies en dépenses" seront donc l'unique moteur de la "consolidation budgétaire". Des économies qui, a-t-il rappelé, "seront réparties sur l’ensemble des administrations publiques, Etat, administrations de sécurité sociale et collectivités locales". Le gouvernement mène actuellement "un très gros travail" là-dessus, en vue de la préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de programmation quinquennale qui "fixera un objectif de dépenses" pour toutes ces administrations publiques.
La méthode choisie : "identifier les politiques qui méritent le plus d’être réformées", avec "un critère très simple consistant à déterminer dans quel domaine nous dépensons comparativement plus que nos voisins à qualité de service équivalent".
Le trio de tête des secteurs d'ores et déjà identifiés : "le logement, la formation professionnelle et les dépenses d’intervention sociale au sens large". En conséquence, a annoncé Gérald Darmanin, "toute l'action réformatrice du gouvernement se concentrera, du moins au cours des premiers mois, sur l’amélioration concrète de l’efficacité de ces politiques publiques pour les usagers tout en parvenant à limiter leur coût". Il n'est pas revenu sur le contenu des réformes prévues ni sur ce qu'il faut entendre par "intervention sociale au sens large".
Le ministre a en revanche rappelé les diverses mesures prévues pour alléger le poids de la fiscalité. S'agissant de la taxe d'habitation, il a déclaré que sa "disparition" – le terme peut surprendre – sera "amorcée" dès janvier 2018 "à hauteur de 3 milliards d'euros". Pour un gain de "550 euros de pouvoir d’achat en moyenne". Le sujet a suscité beaucoup d'interrogations lors des échanges qui ont suivi (voir encadré ci-dessous).
Il a par ailleurs fait part de la volonté de l'exécutif de "rendre la loi de finances initiale plus sincère", a assuré que le gouvernement "mettra un terme aux sous-budgétisations initiales" et qu'il n'y aura plus de décrets d'avance de grande ampleur.
"Davantage de dépenses publiques ne signifie plus davantage de services rendus aux Français", a-t-il redit. Pratiquement au même moment, Emmanuel Macron, en déplacement à Istres, faisait savoir qu'"aucun budget autre que celui des armées ne sera augmenté" en 2018.
Beaucoup de questions sur la taxe d'habitation : morceaux choisis
Eric Woerth, président de la commission des finances (LR) – "Vous voulez supprimer la taxe d’habitation, privant ainsi les communes de ressources propres. Allez-vous compenser les 10 milliards qui manquent par la hausse de la CSG ?"
Laurent Saint-Martin, vice-président de la commission des finances (LREM) - "La compensation intégrale des pertes de recettes aux collectivités territoriales a été présentée, à juste titre, comme un principe intangible. Cependant, pourriez-vous nous donner plus de précisions sur les modalités de cette compensation ? Quelle sera l’année de référence de la compensation ?"
Marc Le Fur (LR) – "Une ou deux questions n’ont pas été abordées. La première concerne l’effet de seuil. Vous dites que 80% des contribuables seront épargnés et que seuls 20% paieront la taxe. On déterminera donc, au plan national, un revenu en deçà duquel on ne la paiera pas et au-delà duquel on la paiera. À quelques euros près de revenu, on paiera ou l’on ne paiera pas la taxe d’habitation, qui peut être de 400, de 500 euros, voire de 1 000 ou de 1 500. L’effet de seuil sera donc considérable – et incompris des contribuables. Pour l’éviter, vous n’avez pas d’autre solution que de prévoir un dispositif de lissage. On épargnera certes 80 % des ménages, mais il faudra de fait imaginer pour 10 % des redevables un mécanisme qui permettra d’éviter un ressaut lié à l’effet de seuil. Je regrette que vous n’en ayez pas du tout parlé. Une seconde question relative à la taxe d’habitation concerne la liaison entre les taux de la taxe d’habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la cotisation foncière des entreprises. Cette liaison indispensable avait été créée pour éviter que les collectivités locales n’augmentent exagérément l’impôt : la taxe d’habitation était l’élément régulateur, car, comme elle concerne un grand nombre de contribuables, les élus locaux y sont sensibles et évitent d’augmenter exagérément des taxes dont les taux sont liés. Dès lors que, désormais, la taxe d’habitation touchera très peu de contribuables, ce mécanisme disparaîtra et une certaine démagogie pourra se donner libre cours. Les impôts locaux seront augmentés d’autant plus massivement que vous baisserez les dotations aux collectivités locales."
Charles de Courson (Les Constructifs) - "Vous ne tiendrez d’ailleurs pas sur ces 80 % : toute la taxe d’habitation y passera. Si la taxe d’habitation est un impôt injuste et inadapté, je vous rappelle que la taxe sur le foncier bâti a la même assiette. Soyez donc logiques jusqu’au bout, supprimez aussi la taxe sur le foncier bâti ! Mais ce que je vous reproche, c’est de supprimer la taxe d’habitation pour 80 % – et, à terme, 100 % – de nos concitoyens sans inventer d’impôt nouveau, de substitution."
Marie-Cyhirtsine Dalloz (LR) - "Vous avez prévu de compenser la disparition de cette recette, qui représente 20 milliards d’euros pour les collectivités territoriales, à hauteur de 3 milliards pour la première année, en 2018. Comment ? Qui en bénéficiera ? Quels sont les calculs ?"
Christine Pires Beaune (Nouvelle Gauche) - "C’est vrai : la taxe d’habitation est un impôt injuste qui ne tient pas assez compte de la capacité contributive de chacun. Les valeurs cadastrales sont d’ailleurs l’une des principales causes de cette iniquité. Or vous venez d’annoncer qu’elles ne seraient pas révisées. Quant à la suppression pure et simple de la taxe d’habitation, elle ne réglera évidemment pas la question des inégalités territoriales. Se pose en outre la question de sa légalité au regard du principe constitutionnel d’autonomie des collectivités locales."