Tri à la source des biodéchets : un cap de 40% de population couverte en 2024 

On peut y voir le verre à moitié vide ou à moitié plein : environ 20 millions d'usagers seront desservis par une solution de tri à la source des biodéchets fin 2023, et 27 millions devraient l’être en 2024, soit 40% de la population. À l’approche de l’échéance fixée par la loi Agec, plutôt que tenir les comptes, les pouvoirs publics insistent sur le panel de solutions, souvent complémentaires, qui s’offrent aux collectivités au regard des réalités territoriales, pour mettre en oeuvre auprès des usagers le tri à la source des biodéchets.

Alors que l’échéance fixée par la loi Agec pour la généralisation du tri à la source des biodéchets approche à grands pas, l’Ademe sonne la mobilisation des troupes sur ce levier majeur "pour valoriser ces ressources encore trop gaspillées", à savoir 80 kg par habitant et par an, soit un tiers des ordures ménagères résiduelles. À compter du 1er janvier 2024, les collectivités territoriales devront en effet mettre à disposition de leurs administrés une solution de tri à la source de leurs déchets organiques (déchets verts, déchets alimentaires) pour que ceux-ci soient valorisés en compost ou en biogaz. Un atelier presse était organisé sur le sujet par l’Ademe, ce 18 octobre, permettant entre autres de faire l’état des lieux du déploiement du tri à la source des biodéchets. Une façon de temporiser face aux associations environnementales montées au créneau en septembre dernier pour tacler la "procrastination" des collectivités, en faisant valoir que "seules une centaine proposent une collecte séparée des biodéchets aux ménages" - sur les 1.200 EPCI compétents sur la collecte des déchets - (voir notre article du 22 septembre 2023). Outre que ces données portant sur l’année 2019 - issues de l’enquête de l’Ademe - sont quelque peu datées, comptabiliser le nombre d’EPCI "n’est pas vraiment révélateur", estime Vincent Coissard, sous-directeur des déchets et de l’économie circulaire au ministère de la Transition écologique, qui considère plus utile de se focaliser sur le nombre d’habitants couverts pour jauger la montée en puissance du tri à la source des biodéchets. 

Une photographie partielle 

Environ 20 millions d'usagers seront ainsi desservis par une solution proposée par leur collectivité fin 2023, soit près de 1 Français sur 3. Ils étaient 16 millions au 30 juin dernier. Le volume de biodéchets trié est quant à lui estimé par l’Ademe "à plus de 600 kilotonnes, qui ne sont donc pas enfouies ou incinérées mais bien valorisées". L’objectif affiché est de couvrir 27 millions de Français en 2024, soit 40% de la population. Et ce sans compter, le quart de la population qui agit déjà individuellement (composteurs de jardins, etc.). "On est dans une vision volontairement pessimiste pour 'challenger' tout le monde et s’assurer que l’on ait le moins de trous dans la raquette", explique Vincent Coissard. En outre, "il s’agit encore de déclaratif, sur une partie seulement des collectivités, (…) si la collectivité ne communique pas auprès de l’Ademe sur ce qu’elle a mis en place, elle n’est pas comptabilisée". Une nouvelle étude plus poussée devrait bientôt permettre de fournir une "photographie plus complète".

"Pour certaines collectivités cela pose de réelles questions de mise en oeuvre", reconnaît-il. Le lissage par rapport au coût que cela peut représenter conduit donc pour une partie d’entre elles "à faire le choix d’un déploiement plus progressif". Aucune collectivité n’y est toutefois à sa connaissance totalement réfractaire. "Quasiment toutes sont actives sur une solution de tri à la source mais à des degrés de maturité différents", appuie Muriel Bruschet, référente nationale biodéchets à l’Ademe, sans nier l’inégale préparation des territoires. 

Quid des critères de tri à la source des biodéchets

Des zones de flou subsistent. Comment considérer que le tri à la source est bel et bien mis en œuvre par les collectivités ? Le ministère de la Transition écologique a engagé des travaux avec les différents acteurs pour définir des critères, en termes de distance des contenants notamment. Cette concertation devrait aboutir "d’ici la fin de l’année", assure Vincent Coissard. Toutefois, "l’objectif n’est pas forcément d’avoir des critères opposables, et dans un premier temps, on sera plutôt sur des valeurs guide, indique-t-il. La distribution de composteurs individuels ne sera pas suffisante pour considérer que la collectivité a rempli son obligation, clarifie le ministère. Il faudra "un accompagnement derrière et une campagne de sensibilisation des habitants sur ce nouveau geste de tri", précise Vincent Coissard. "L’objectif est que ce soit efficace et que ce soit utilisé, et là c’est plutôt aux politiques nationales en matière de gestion de déchets d’envoyer un signal-prix pour que ce soit économiquement moins intéressant d’emmener des biodéchets en incinérateur et en décharge", ajoute-t-il. 

Pas de solution unique

Pour relever le défi, chaque territoire est "libre de définir l’organisation qui lui convient le mieux", insiste Karine Filmon, cheffe du service de valorisation des déchets à l’Ademe : collecte séparée en porte à porte ou en point d’apport volontaire, proposition de composteurs individuels pour ceux qui le souhaitent, mise en place de composteurs de quartiers ou en pied d’immeuble, etc. La solution de tri à la source n’est pas unique et doit être "adaptée" au contexte local et aux spécificités des territoires. Par exemple, le compostage à domicile ne peut pas fonctionner en milieu urbain dense. Des retours d’expériences ont d’ailleurs montré que la gestion de proximité (compostage individuel, de quartier, en pied d’immeuble…) est plutôt déployée sur des zones pavillonnaires ou en milieu rural, tandis que la collecte séparée est principalement mise en place en secteur urbain (où la place et l’utilisation locale du compost sont plus limitées). En général, il faut combiner plusieurs solutions. Ces deux options – gestion de proximité et collecte séparée – sont le plus souvent "complémentaires". Pour limiter les surcoûts liés à la gestion d’un nouveau flux, certaines collectivités en profitent par ailleurs pour optimiser le fonctionnement de la totalité du service, en adaptant la fréquence de collecte des ordures ménagères, voire en introduisant de la tarification incitative, relève Roland Marion, directeur économie circulaire de l’Ademe. 

Concernant les exutoires, pas non plus de solutions clé en main, l’enjeu premier étant de sortir les biodéchets de la mise en décharge et de l’incinérateur pour les valoriser en compost ou biogaz. L’intérêt est ici aussi de s’appuyer sur ce qui existe au niveau local, par exemple les synergies entre collectivités et agriculteurs, la présence d’une plateforme de compostage ou d’unités de méthanisation, les besoins en biogaz pour alimenter un réseau de chaleur, etc. 

Accompagner plutôt que sanctionner

Pour que les collectivités mettent un coup d’accélérateur, des aides financières (études, investissements et aides au changement de comportement) ont été débloquées. L’Ademe, via le plan de relance - à hauteur de 100 millions d’euros - a accompagné et financé plus de 500 projets. Plus de 350 dossiers ont également été déposés en vue d’obtenir une aide de soutien au tri à la source dans le cadre du fonds vert. À ce titre, 40 millions d’euros sont en cours d’engagement ou déjà engagés. Et ce volet de financement devrait se poursuivre sur 2024. L’objectif dans un premier temps "n’est pas de pénaliser mais d’accompagner", insiste le ministère. En dehors des pénalités habituelles liées au tri des déchets en général, il n’y a d’ailleurs pas de sanction spécifique dans l’arsenal répressif pour les collectivités n’ayant mis en place aucun plan d’action en la matière. 

 

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