Très haut débit : le département du Loiret acclame l’alternative THD radio
Pour atteindre l’objectif gouvernemental du très haut débit pour tous d’ici 2022, 18 millions de prises fibre ont été déployées en France, soit plus de la moitié. Mais pour au moins 40 départements ruraux, la fédération InfraNum estime que le THD radio et le satellite sont les seuls recours... en attendant la fibre. Démonstration dans le Loiret, département pionnier en la matière.
Le guichet pour le THD radio a été prolongé jusqu'en septembre 2020. "Mais la fenêtre de tir pour les départements reste très courte !", prévient Julien Delmouly, délégué général adjoint (DGA) d’InfraNum. Cette fédération "des entreprises partenaires des territoires connectés" avait organisé le jeudi 16 janvier, avec l’équipementier We Access et le département du Loiret, une visite en ses terres, à Montcresson et à Cortrat, cinq maisons dans le bourg. Fixé en haut du mur de la mairie, le récepteur THD radio se fait discret. François Hedin, PDG de We Access le pointe du doigt pour confirmer à la soixantaine de personnes présentes, des élus des alentours principalement, qu’il s’agit là du récepteur. "Il est dirigé vers Solterre", précise la maire de Cortrat, pour recevoir les ondes de l’antenne fixée au sommet du château d’eau que l’on devine, au loin derrière les champs. Une chance ce château d’eau pour cette technologie hertzienne. Et pour ces habitants privés d’internet depuis décembre.
Une solution pour assurer la transition
"En fait, quand on a pas l’internet mobile, et attendant la fibre, il existe trois alternatives : le satellite, le THD radio et la 4G fixe, sachant que la dernière peut être rapidement saturée, notamment en cas de consommation de vidéo par les utilisateurs, car le débit est partagé entre usages fixes et mobiles ; elle ne régule pas le trafic", nous résume Julien Delmouly dans le car qui roule vers Cortrat.
Ses quatre-vingt-deux habitants profitent des choix du département du Loiret qui a misé, depuis février 2018 sur la technologie THD radio pour atteindre l'objectif du bon débit pour tous fin 2020.
"Si la généralisation de la fibre sur tout notre département est pour bientôt, il n’empêche que 3 ou 4 ans, c’est long quand le bon haut débit n’est même pas au rendez-vous", a rappelé Frédéric Néraud, vice-président du conseil départemental du Loiret, dans son discours. Alors même si ce dernier est presque en mesure d’annoncer qu’il va pouvoir "finaliser le fibrage bien avant 2025 et que 163 000 foyers sont éligibles à la fibre", "il fallait une solution pour assurer la transition" entre une situation où plusieurs milliers de foyers étaient encore en deçà du seuil des 8 Mbits, le seuil du bon débit.
Une réponse à la "souffrance numérique"
Lorsque le guichet s’est ouvert pour les licences THD radio, c’est tout naturellement que le Loiret s’est tourné vers l'équipementier We Access, déjà présent sur le territoire. "L’échec industriel" du Wi-max a échaudé les esprits, vis-à-vis des technologies hertziennes terrestres. Même le conseil départemental dit avoir été prudent au départ.
C’était en partie le but de l’expédition dans le Loiret : témoigner que le THD radio est une technologie fiable. Et "le résultat est même au-delà de nos espérances", se réjouit Frédéric Néraud, "puisque le THD radio était censé apporter du bon haut débit (au-delà de 8 Mbits) alors [...] que l’on mesure souvent plus de 30 Mbits/s aux utilisateurs et parfois près de 60 à 70 Mbits", témoigne le vice-président du conseil départemental. Le tout pour un prix raisonnable : 27,90 euros par mois pour internet et de la téléphonie fixe en illimité, ainsi qu’une box TV comme on peut en trouver chez les grands opérateurs.
"Le THD radio sur nos territoires, c’est la solidarité territoriale", a entonné Marc Gaudet, le président du département. Pour Étienne Dugas, président d’InfraNum, "il est important que l’ensemble des Français sachent que ça fonctionne". Il considère qu'il est normal que la montée en débit ne soit pas que sur cuivre, "elle peut aussi être en radio". "C’est le seul moyen, avec le satellite, pour atteindre l’objectif de bon débit pour tous d’ici 2020", poursuit-il.
Cela dit, le département concède quelques prédispositions. Un patrimoine de "points hauts", des pylônes ou des châteaux d’eau, et un réseau optique irriguant quasiment chaque commune.
Bilan des courses : localement, on recense 25 émetteurs en service et une quarantaine de communes qui étaient "en souffrance numérique" bénéficient d'un débit supérieur à 30 Mbit/s, le seuil du très haut débit. Les 13 derniers émetteurs seront mis en service d'ici juin 2020, pour un projet qui aura mis 24 mois à être déployé. 70.000 foyers seront alors couverts par le signal THD radio et pourront bénéficier d'une "offre triple play" (VoIP, Data illimitées, TV). "De quoi attendre confortablement l'arrivée de la fibre dans quelques années", conclut le Loiret, InfraNum et We Access dans leur communiqué commun du 16 janvier.
Une quarantaine de départements identifiés
Du côté d’InfraNum, on estime qu’une quarantaine de départements (voir carte de France ci-dessous), représentant 2,2 millions de citoyens, pourraient ne pas avoir le fameux "bon débit pour tous" d’ici 2020 et voit dans le "mix technologique" (THD radio et satellite), l’un des gros enjeux cette année. Pour ce faire, il faut adresser un projet au guichet THD radio, ouvert jusqu’en septembre 2020, permettant aux départements de déposer leurs dossiers de demande de fréquences auprès de l’Arcep.
Reste à savoir ce qu’il adviendra de ces équipements après 2025. "Vont-ils être démontés ?", interroge une personne dans la salle à Montcresson. "La fibre, ça reste un investissement d’avenir", tempère Frédéric Néraud qui prône l’anticipation. D’autant plus dans le domaine des télécoms, où le temps s’écoulerait comme "des années chiens", selon Olivier Legros, responsable du service Innovation numérique et SIG du département. La question reste en suspend. Pour l'heure, une seule certitude : We Access bénéficie de sa licence auprès de l’Arcep jusqu’en 2026.