Transports collectifs en Ile-de-France : la Cour des comptes propose de diversifier les financements
Des recettes supplémentaires sont nécessaires pour rétablir l'équilibre des finances des transports en commun d'Ile-de-France mis à mal par la crise sanitaire, a souligné la Cour des comptes dans son rapport annuel publié ce 16 février. Les Sages proposent comme pistes prioritaires une hausse des recettes tarifaires et des contributions des collectivités membres d'Ile-de-France Mobilités. Ils appellent aussi à mobiliser de nouvelles ressources en captant une partie de la valorisation foncière liée à la densification du réseau et en faisant participer les automobilistes au financement des transports collectifs.
Le système de transports collectifs d'Ile-de-France, qui assure 22% des déplacements dans la région, a été fortement touché par la crise sanitaire dès 2020. Son activité, brutalement réduite, n'a pas retrouvé son niveau d'avant la crise, et son autorité organisatrice, Ile-de-France Mobilités (IDFM), qui dépend principalement de la région, a enregistré de lourdes pertes de recettes, relève la Cour des Comptes dans son rapport annuel publié ce 16 février. Si l'Etat a renfloué IDFM en 2020 et 2021 - en lui apportant respectivement 1,3 milliard et 800 millions d'euros, outre un trop perçu de 274 millions remboursable cette année -, sa contribution s'est essentiellement faite sous forme d'une avance remboursable, qui engage l'autorité organisatrice jusqu'en 2036. Or, "la soutenabilité de la dette d'IDFM au-delà de 2026 ne pourra être assurée sans recettes supplémentaires", écrit la Cour des Comptes, notant que les dépenses d'exploitation doivent augmenter avec l'ouverture de nouvelles infrastructures.
Equilibre financier à rétablir
"Des mesures doivent donc être prises, en dépenses et en recettes, pour rétablir à court terme l'équilibre financier du modèle économique des transports publics franciliens, puis le stabiliser à moyen et long terme", jugent les Sages de la rue Cambon qui estiment difficile de reporter les investissements. Selon eux, seuls des retards dans la mise en exploitation des futures lignes de métro automatique du Grand Paris Express, ainsi qu’un lissage des investissements prévus par IDFM sur la période de 2026 à 2030 (10 milliards d'euros, dont 8,5 milliards d'euros de renouvellement ou modernisation de matériel roulant) sont envisageables. L’ajustement fin de l’offre de transport et la poursuite de l’amélioration de la productivité des opérateurs leur paraissent "indispensables" mais ils ne généreront pas non plus d'économies importantes, soulignent-ils.
Pour faire des économies, ils réclament donc "une réduction globale de l'offre" ciblée en fonction de la fréquentation, "tout en préservant la qualité de service". "Les opérateurs de transports doivent accentuer leurs efforts de productivité", soulignent-ils aussi, visant la RATP et la SNCF.
Hausse des tarifs et des contributions des collectivités
Côté recettes, ils prônent une hausse des tarifs justifiée au moins par "des extensions substantielles du réseau, en cours et à venir, et l'amélioration corrélative de la qualité de service". Le tarif du passe Navigo pourrait être augmenté, "le cas échéant moyennant une tarification sociale prenant en compte le critère des revenus". En outre, ajoutent les Sages, "rien n'interdit de cibler certains usagers, notamment les touristes qui bénéficient aujourd'hui d'un traitement privilégié au regard d'autres grandes métropoles".
Autre piste jugée prioritaire à leurs yeux : une "participation accrue des collectivités membres d'IDFM" (la ville de Paris, les départements et la région). Celles-ci pourraient également "assumer une augmentation, le cas échéant différenciée, de leurs contributions". En revanche, on ne peut selon eux pas demander plus aux entreprises qui fournissent déjà, via le versement mobilité, 45% des ressources d'IDFM.
Nouvelles recettes à explorer
La Cour juge par contre nécessaire de mobiliser de nouvelles recettes. A tout le moins, "la fréquentation (des transports en commun) pourrait être accrue grâce à l'amplification des mesures (...) dissuadant l'usage de la voiture", écrit-elle. "Cela passe par l'amélioration de la qualité de service et le développement des équipements et dispositifs favorisant l'intermodalité, à l'instar des voies dédiées aux bus ou des stationnements sécurisés pour les vélos, notamment aux abords des gares ou des stations", précise-t-elle. Surtout, "deux pistes méritent d'être explorées" côté recettes, insiste-t-elle. Les automobilistes franciliens pourraient ainsi être mis à contribution, la Cour des comptes citant un péage urbain, une vignette ou la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE). La Cour suggère également de "faire profiter IDFM de la valorisation d'une partie de la plus-value immobilière que les collectivités territoriales et les entreprises tirent de la mise en service des gares et stations des nouvelles lignes de RER, métro et tramway". "Plusieurs leviers, notamment fiscaux, sont envisageables, comme par exemple les taxes foncières, les droits de mutation, l'imposition des plus-values, etc.", avance-t-elle.
Pas de nouvelle taxe, répond le Premier ministre
"Il appartient à IDFM, dans l'exercice d'une compétence qui lui est dévolue, d'explorer les leviers, aussi bien en recettes qu'en dépenses, pour tendre vers l'équilibre financier du système de transports collectifs franciliens", répond à la Cour le Premier ministre Jean Castex. Refusant toute nouvelle taxe, il rejette tant la hausse suggérée des contributions des automobilistes franciliens qu'une éventuelle contribution immobilière.
"Il conviendrait d'offrir à Ile-de-France Mobilités de nouvelles ressources fiscales pour financer l'exploitation des projets en cours de réalisation et à venir, notamment le Grand Paris Express, comme le Premier Ministre s'y était engagé dans un courrier du 21 janvier 2020", écrit la présidente de la région Ile-de-France et d'IDFM Valérie Pécresse. "C'est la seule voie vers un modèle de financement des transports franciliens pérenne et équilibré", ajoute-t-elle, refusant une augmentation des contributions des collectivités locales. Quant au directeur général d'IDFM Laurent Probst, il rejette toute augmentation des tarifs "à très court terme, tant que le niveau de fréquentation des transports en commun ne (se sera) pas rétabli à son niveau d'avant la crise".