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Transport fluvial : une loi pour l'aider à refaire surface ?

Lors d’un débat le 5 juin au Sénat sur le transport fluvial, la ministre des Transports, Elisabeth Borne, a expliqué par quelles voies l’enjeu de modernisation et de compétivité de ce secteur en difficulté s’invitera dans le projet de loi sur les mobilités (LOM) bientôt présenté en conseil des ministres.

Le constat est connu et inquiète les parlementaires : la France dispose du plus grand réseau navigable d’Europe mais le fret n'en profite pas vraiment. Une inquiétude confirmée par les derniers chiffres de Voies navigables de France (VNF) et à tempérer car la situation varie selon les bassins (voir son dernier bilan du trafic fluvial). Elle dépend par ailleurs, et c'est là tout le drame du fluvial, de la bonne santé d'autres secteurs et des conditions de navigation (phénomène de basses eaux sur le Rhin). Le 5 juin, la ministre des Transports est revenue devant les sénateurs sur les raisons de ce quasi-naufrage, en partie dû à la faiblesse du réseau et des équipements.

Des besoins de régénération

Elle leur a également indiqué que cet enjeu de modernisation et de compétitivité du fluvial s’invitera dans le projet de loi sur les mobilités (LOM) qui doit être présenté courant juin en conseil des ministres. Notamment dans son volet programmation et financement des infrastructures qui s’appuiera sur les travaux du conseil d'orientation des infrastructures (COI). La comparaison avec nos voisins européens est peu flatteuse : la France transporte huit fois moins de marchandises par voie d'eau que l'Allemagne, six fois moins que les Pays-Bas et s'est fait doubler par la Belgique et la Roumanie. S’appuyant sur les conclusions de ce conseil d’experts, la ministre souligne les besoins de financement du secteur qui atteignent plusieurs centaines de millions d’euros supplémentaires par an à trouver pour régénérer et moderniser l’infrastructure.

Faut-il sacrifier une partie du réseau ?

Une proposition du COI suscite des inquiétudes : fermer à la navigation les 20% du réseau fluvial les moins circulés. Ce qui ne serait pas sans impact, craignent des sénateurs, sur l'aménagement du territoire, notamment en zone rurale et au niveau touristique. La ministre a tenté de les rassurer en précisant que cela ne se ferait pas sans analyser au préalable les besoins des territoires. Et que cette proposition d’une "politique de dénavigation" ne reviendrait pas à réduire les efforts d’investissements de VNF mais à concentrer les dépenses sur la sauvegarde des voies d’eau vitales et les plus dégradées, et à les ouvrir, comme le prévoit déjà VNF, au trafic de fret ou de tourisme faible voire inexistant "en fonction de la saisonnalité ou à la demande". Nul doute qu’elle fera débat si elle retenue dans le projet de loi. Tout comme feront débat la trajectoire financière de VNF, sa vulnérabilité pointée de longue date, ses besoins réels délicats à apprécier er le contrat d'objectifs et de performance avec l’État. La LOM devrait aussi procéder à des retouches relatives au domaine public fluvial et introduire la possibilité pour les communes de déléguer à VNF leur droit de préemption urbain (DPU) pour l’aider à être plus offensif sur la gestion de la voie d'eau.

Pérenniser les aides

Au Sénat, la ministre a aussi souligné l’importance de la mise au gabarit des liaisons Bray-Nogent sur la Seine ou encore celle de Compiègne-Creil sur l’Oise. Elle est également revenue, tout comme l’a fait il y a deux mois la secrétaire d'État Brune Poirson devant les députés (voir notre article dans l’édition du 5 avril 2018), sur les travaux du canal Seine-Nord et le processus de régionalisation de la société de projet chargée de réaliser cette infrastructure, qui passera par la LOM. Concernant les dispositifs d’aide existants au transport fluvial, Elisabeth Borne s’est félicitée du récent feu vert reçu de la Commission européenne pour prolonger deux régimes d’aides, le plan d'aide à la modernisation et à l'innovation de la flotte fluviale (Pami) et le plan d'aide au report modal (Parm), que les collectivités peuvent abonder au niveau local (voir notre article dans l’édition du 20 septembre 2016). Tous deux ont été reconduits pour la période 2018-2022 : "Le premier permet d’accompagner la transition énergétique de la flotte fluviale de marchandises et le second d’accompagner les nouveaux trafics jugés stratégiques jusqu’à leur phase de maturité. Quant à la troisième aide connue, l’aide à la pince, elle sera prochainement confortée et s’appliquera tant au ferroviaire qu’au fluvial", conclut la ministre.