Transport aérien : une stratégie pour un nouvel envol
À l’occasion de la clôture des Assises nationales du transport aérien ce 8 mars, Élisabeth Borne a présenté la "stratégie nationale du transport aérien", qui constituera la feuille de route des politiques publiques pour ce mode de transport à l'horizon 2025.
"Assurer le développement durable d’un transport aérien français performant au niveau mondial, et outil de connectivité pour chacun de nos territoires", tel est l'objectif de la "stratégie nationale du transport aérien" (SNTA) à l'horizon 2025 qu'a présentée ce 8 mars la ministre des Transports, Élisabeth Borne, à l'occasion de la clôture des Assises nationales qui ont associé l’ensemble des acteurs du secteur - compagnies aériennes, aéroports, constructeurs, fédérations, associations, organisations professionnelles, élus et administrations.
Valorisation de la biodiversité aéroportuaire
Cette stratégie se décline en quatre axes. Le premier consiste à faire participer "pleinement" le transport aérien à la transition écologique. Parmi les premières mesures, l'État s'engage à sanctuariser son soutien à l’innovation à hauteur de 135 millions d’euros par an sur cinq ans, dans le cadre du grand plan d’investissement, pour construire les avions de demain (appareils à énergie optimisée, notamment). Deux feuilles de routes sont également prévues. L'une sur les biocarburants aéronautiques, aura pour objectif de structurer une filière de carburants alternatifs et de se doter d’une "trajectoire de déploiement réaliste" avec un premier objectif de substitution de 2% en 2025. L'autre sur la biodiversité, devra "mieux prendre en compte la protection et la valorisation de la biodiversité aéroportuaire", dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité.
Limiter les nuisances pour les riverains d'aéroports
Pour aider les riverains des aéroports à être plus rapidement protégés du bruit, l'État s'engage à mettre dix millions d'euros supplémentaires par an sur la table pour accélérer le traitement des demandes d'aide à l'insonorisation. Certains dossiers à Roissy Charles de Gaulle ou au Bourget mettent quatre ans à être instruits. C'est "trop long", a dit la ministre.
Lancé par la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de la DGAC dans le cadre des Assises, un site interactif de visualisation des conditions de survol de l'ensemble des communes de la métropole sera en outre mis à disposition du grand public en 2020. "Cet outil renforcera le dialogue avec les riverains et permettra la visualisation et l’analyse de la circulation aérienne", a précisé le ministère. Une refonte de l’article R 227-7 du code de l’aviation civile relatif à l’enquête publique préalable à une modification de la circulation aérienne doit aussi permettre une meilleure cohérence lors de la consultation des communes, afin de cibler celles qui vont connaître des modifications significatives de leurs conditions de survol et, d’autre part, de prendre en compte la diversité du trafic des flux modifiés. Selon le ministère, "ces changements amélioreront l’information délivrée aux communes et aux riverains nouvellement survolés, ou survolés de façon différente".
Un renforcement du dispositif juridique applicable à l’information des nouveaux arrivants (locataires et acquéreurs) dans les plans d’exposition au bruit (PEB) sera également introduit dans le projet de loi d’orientation des mobilités en cours de discussion au Parlement.
La généralisation des descentes continues à Paris Charles de Gaulle, à l’horizon 2023, doit aussi contribuer à réduire le bruit. Après Bordeaux et Marseille, des aéroports comme ceux de Cannes et d'Ajaccio oeuvrent également en ce sens en s'appuyant sur de nouvelles procédures de navigation aériennes. La stratégie prévoit en outre d'établir et de diffuser des inventaires d’émissions des polluants et des gaz à effet de serre plus complets et plus précis en renforçant notamment la coopération avec les associations agréées surveillance qualité de l’air (Aasqa).
Aménagement de la taxe d'aéroport
Le deuxième axe de la stratégie vise à "assurer les conditions favorisant la performance du transport aérien français". Les services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) vont déployer cette année un observatoire des coûts de touchée des plates-formes aéroportuaires françaises, en comparaison de leurs homologues européennes. "L’objectif est de mieux comprendre les facteurs compétitifs liés à la fiscalité et aux coûts des aéroports et des services terminaux de navigation aérienne (redevances aéroportuaires et de navigation aérienne), explique le ministère. L’autre objectif est de situer le positionnement concurrentiel des aéroports métropolitains, par rapport à leurs homologues européens. L’analyse de l’attractivité comparative de nos aéroports nationaux appréhendera la problématique des ouvertures et des fermetures des lignes et des bases aériennes".
Pour permettre aux compagnies aériennes françaises de proposer des prix compétitifs, le gouvernement a entrepris de baisser leurs charges, qui représentent "l'équivalent de près de 50% du prix du billet", a indiqué Élisabeth Borne en clôture des Assises. Les baisses annoncées représentent un allègement de près de 220 millions d'euros entre 2018 et 2019, a précisé la ministre. L'aménagement de la taxe d'aéroport (TAP) doit permettre à elle seule une baisse de charge de 118 millions d'euros au profit des compagnies opérant en France. Déjà inscrit dans la loi de finances pour 2019 adoptée fin 2018, il prévoit à la fois une réduction de la charge pesant sur les passagers en correspondance sur des plates-formes françaises, notamment celles de Paris-CDG, Paris-Orly, Lyon Saint-Exupéry et les principaux aéroports situés en outre-mer, et une prise en charge par les exploitants des plus grands aéroports de 6% des coûts des missions de sécurité et de sûreté aéroportuaires lorsque ceux-ci dépassent un certain seuil. La baisse de charge correspondante (68 millions d'euros) s’ajoutera à la baisse au 1er avril 2018 du tarif de la majoration de TAP sur l’ensemble des aéroports français et des tarifs de la TAP sur les grands aéroports régionaux d’un montant de 50 millions d'euros.
Le gouvernement s'engage par ailleurs à réformer par ordonnance l'Autorité de supervision indépendante (ASI), chargée d’homologuer les tarifs des redevances des aéroports accueillant chaque année plus de cinq millions de passagers et de rendre un avis conforme sur les projets de contrats de régulation économique (CRE) conclus entre l’État et les exploitants d’aéroport. L’objectif est de renforcer son indépendance et ses pouvoirs de régulation aéroportuaire.
Favoriser les liaisons vers les villes européennes
La SNTA a aussi pour objectif de "connecter efficacement" les territoires aux flux du trafic aérien. L’État s'engage à agir dans ce domaine en partenariat étroit avec les collectivités territoriales. La loi Notr a en effet tout particulièrement désigné les régions comme cheffes de file pour l’aménagement du territoire et le développement économique. "Celles-ci ont donc naturellement vocation à s’associer à toute politique de développement du transport aérien en co-construisant des politiques aéroportuaires et des liaisons d’aménagement du territoire équilibrées", souligne le ministère. Parmi les premières mesures annoncées pour 2019, l'État a décidé d'accorder un financement complémentaire de 15 millions d'euros aux lignes d'aménagement du territoire (LAT). Fin 2018, l’État a décidé de financer à nouveau les liaisons Tarbes-Paris et Agen-Paris et le 13 février 2019, des conventions de délégations de service public ont été signées pour les liaisons entre Limoges et Paris et Limoges et Lyon.
À l’occasion des Assises, plusieurs collectivités locales ou régions, ainsi que l’Union des aéroports français (UAF), ont fait part de leur souhait que les collectivités territoriales ou toute autre personne publique intéressée, puissent aussi se voir déléguer la possibilité d’organiser des liaisons vers des villes européennes, au départ de leur territoire. Cette mesure nécessitant un vecteur législatif pour modifier le code des transports, le gouvernement s'est engagé à insérer une disposition en ce sens dans le projet de loi d’orientation des mobilités. "D’ores et déjà des négociations bilatérales conduites avec la Chine, la Russie et l’Inde ont permis d’aboutir à une augmentation du nombre de points sur le territoire pouvant être desservis pour des liaisons avec ces pays, a en outre indiqué la ministre. D’autres négociations sont également programmées qui permettront, elles aussi d’élargir les possibilités pour la connectivité des territoires concernés vers d’autres destinations."
L'État compte également soutenir les régions souhaitant déployer des stratégies aéroportuaires. Pour cela, une note et un "guide méthodologique en matière d’exploitation des aérodromes et d’organisation des services de transport aérien public" seront élaborés à destination des collectivités locales. Il s'engage aussi à "accompagner les évolutions de la gouvernance sur les grands aéroports d’État lorsque, par exemple, la région souhaite augmenter sa part au capital de l’exploitant aéroportuaire."
Développer les mécanismes de coopération pour l'outre-mer
Pour les territoires d’outre-mer, l’État entend "veiller à la qualité des liaisons aériennes avec la France continentale", mais aussi encourager "la mise en place de mécanismes de coopération, y compris technique et de renforcement des liaisons aériennes avec les pays du bassin régional de chacun d’entre eux".
Une fois par an, une conférence consultative réunira, par bassin (Antilles-Guyane, d’une part, et océan Indien d’autre part), les acteurs en mesure de partager un diagnostic et de proposer des orientations afin d’améliorer l’attractivité du bassin concerné grâce notamment à une meilleure connectivité aérienne du territoire. Cette conférence se tiendra sous la double présidence du préfet et de la collectivité organisatrice. Elle réunira, outre les différents services de préfecture concernés dont les services en charge de l’aérien, les instances représentatives du tourisme, les collectivités territoriales, les CCI et les acteurs socio-économiques (dont les aéroports et les compagnies aériennes) et leurs représentants, ainsi que les agences concernées de l’Agence française de développement.
Par ailleurs, une étude va être lancée pour la mise en place d’obligations de service public (OSP) pour motif de santé publique, entre Mayotte et La Réunion et entre Mayotte et Paris. Aujourd’hui 90% des évacuations sanitaires au départ de Mayotte sont à destination de La Réunion et 10% de la métropole. Or, comme ces évacuations ne sont pas couvertes par des OSP, elles sont parfois confrontées aux contraintes d’exploitation de l’opérateur, justifie le ministère.
Le gouvernement entend aussi favoriser la structuration de filières aéronautiques dans les territoires ultra-marins pour faciliter l’accès aux ressources financières et d’optimiser la gestion des compétences professionnelles. Une initiative est d’ores et déjà en cours à la Réunion qui compte 52 entreprises et 2.000 emplois autour de 5 secteurs d’activité (compagnies aériennes, auxiliaires de transport, hélicoptéristes, ULM et drones). La zone Antilles-Guyane est elle aussi intéressée et un diagnostic pour caractériser la filière sera lancé.
Une instance d’échanges techniques avec les autorités aéronautiques voisines doit aussi être mise en place pour l'arc antillais (Guyane comprise), à l'instar de ce qui existe déjà pour les îles du sud-ouest de l'Océan indien.
Pour favoriser le développement touristique des territoires ultramarins, l’État s'engage en outre à instaurer un visa unique pour les ressortissants de certains pays (Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Bahreïn, Biélorussie, Chine, Inde, Indonésie, Koweït, Oman, Qatar, Russie et Thaïlande) à destination de la métropole et souhaitant rejoindre l’outre-mer.
Enfin, le quatrième axe de la stratégie nationale a pour objectif de favoriser l’innovation technologique et opérationnelle à l’instar du programme "vision sûreté 2". Il s'agit d'améliorer le niveau de sûreté et la qualité de service tout en préservant la compétitivité des acteurs opérant en France en déployant des solutions innovantes dans les domaines du contrôle des bagages de soute, du contrôle du fret et du courrier, mais également du contrôle des personnels, selon les documents du ministère.