Transition énergétique : les collectivités listent les freins
Lors d'une audition le 9 mai à l'Assemblée nationale devant la mission d'information relative aux freins à la transition énergétique, plusieurs collectivités sont intervenues pour détailler les difficultés rencontrées dans les territoires.
Imbroglio administratif, bâtons mis dans les roues du moindre projet d'énergie renouvelable, lenteur (de cinq à dix ans) pour les faire émerger, manque de stabilité juridique… Les freins habituellement pointés à la transition énergétique ont été réaffirmés par les élus entendus le 9 mai à l'Assemblée nationale dans le cadre d'une mission d'information relative à cet enjeu et dont les travaux s'achèvent au mois de juin.
Retrouver une capacité d'initiative
Pour Philippe Pichery, à la tête du département de l'Aude, "la transition énergétique est une préoccupation quotidienne des départements, à fortiori du nôtre où nous accueillons des établissements nucléaires (production et stockage de déchets), de l'éolien et du biogaz mais aussi du photovoltaïque et même de l'extraction d'hydrocarbures". La loi Notre représente, selon lui, un puissant frein et nécessiterait un toilettage pour "en corriger les rigidités" et l'adapter aux exigences de la transition énergétique : "Les montages se sont complexifiés. Nous passons notre temps à en échafauder pour soutenir des projets, trouver des moyens et les faire transiter par des tiers. Ces rigidités rallongent les délais. Le but était de réduire les financements croisés mais on en n'a finalement jamais fait autant ! Le préfet est même obligé de contourner la loi pour faire avancer les choses. Les collectivités ont besoin qu'on leur fasse confiance et de retrouver leur capacité d'initiative."
Lâcher la bride
Autre obstacle dans le viseur, la logique de contractualisation avec l’État et d'appel à projets, qui présenterait aussi ses limites. "C'est dommage mais ce foisonnement d'appels à projets tend à mettre les territoires en concurrence", observe ainsi Laurent Gaudicheau, directeur général des services de Le Mené. Cette commune rurale des Côtes-d'Armor a entamé sa transition dès 1995. Avec peu de moyens mais un fort niveau d'engagement des habitants, elle a développé la méthanisation, la filière bois-énergie et l'éolien participatif. Elle travaille avec La Poste pour faire rouler plus de véhicules au biogaz produit à partir du lisier. "Nous développons même le photovoltaïque avec des maisons solaires. Et ça marche car c'est bien connu, en Bretagne il fait beau plusieurs fois par jour !", taquine son maire Jacky Aignel, en ajoutant que "si son territoire n'avait pas pris ce virage, il serait aujourd'hui à la remorque". Pour cet élu également, il faut lâcher la bride et déverrouiller des blocages. La loi Notre ne fait pas râler que pour la clause générale de compétence qu'elle a supprimée aux départements. "Le principe de subsidiarité qu'elle renforce génère aussi des blocages", complète Laurent Gaudicheau.
Effets d'affichage
Le contrat de transition écologique (CTE) de la centrale EDF d'Aramon dans le Gard a fait aussi l'objet d'un éclairage. Un projet de CleanTech Vallée s'y met en place pour répondre à la fermeture anticipée d'une centrale thermique. Le territoire a pu intégrer un des tout premiers CTE de France, mais "au-delà des bonnes volontés et de l'ambition affichée, nous attendons qu'il nous apporte un bénéfice concret notamment sur le plan économique", espère Didier Vignolles, conseiller municipal en charge de l’urbanisme de la commune d’Aramon. La difficulté du dialogue avec de grands groupes ou opérateurs comme EDF, la SNCF ou même Météo France, a été soulignée par ces élus. Aramon attend ainsi depuis des années la réouverture de sa gare. Tout comme le CTE, ces projets suscitent selon Didier Vignolles "des espoirs et en même temps beaucoup de scepticisme chez les élus et les habitants". Au fond le principal frein, conclut-il, "reste bien le décalage entre les intentions affichées et les moyens mis en œuvre pour les atteindre".