Transition écologique : les dirigeants territoriaux volontaires mais encore limités

Une enquête sur la transition écologique, présentée lors d'un colloque national du CNFPT tenu à Bordeaux ces 14 et 15 mars, met en avant la volonté d'agir des dirigeants territoriaux dans ce domaine. Mais de nombreux obstacles entravent encore leurs actions, qu'ils soient d'ordre financier ou concernent le manque de compétences.

La question de la transition écologique a déjà modifié l'action de la quasi-totalité des collectivités mais une très large majorité de dirigeants territoriaux éprouvent des difficultés à conduire cette transition. Voilà, à grands traits, le principal enseignement de la première enquête d'opinion menée auprès des dirigeants de collectivités à propos de la transition écologique, présentée ce 14 mars à Bordeaux lors du premier colloque national du CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) consacré à la transition écologique. Ce désir d'action des dirigeants territoriaux, mis en exergue par l'enquête, a d'ailleurs trouvé un fort écho sur les bords de la Garonne : près de huit cents participants étaient présents, soit bien plus que ce qu'espéraient les organisateurs.

Un chiffre a donc résumé l'impact de la transition écologique dans les collectivités : 9 dirigeants territoriaux sur 10 estiment que cette transition a modifié l'action de leur collectivité. Le degré de priorité de cette question est même jugé "élevé" par 35% des répondants, tandis que 54% le considèrent "moyen" et 12% "peu important".

Sensibiliser aux enjeux et aménager autrement

Comment cette action se traduit-elle ? Elle revêt en vérité différentes formes qui, souvent, se cumulent entre elles. Ainsi, 71% des répondants expliquent que la transition écologique s'est déjà traduite pour eux par "la sensibilisation aux enjeux", 68% évoquent une "gouvernance politique" par la nomination d'élus dédiés à cette question, 66% parlent de "redéfinition des politiques publiques". La "gouvernance administrative", citée par 63% des répondants, et les "formations métiers et techniques", mises en avant par 49%, démontrent que l'action s'étend également dans des strates plus "quotidiennes" de la vie des collectivités.

Quels domaines politiques ou administratifs les dirigeants territoriaux entendent-ils prioriser pour conduire la transition écologique ? Ici encore, les réponses sont multiples et démontrent que des actions peuvent et doivent être menées dans plusieurs directions, par exemple autour de l'alimentation de demain (39% des réponses), l'implication de tous les citoyens (34%), les planification et prospective post-carbone (32%) ou encore l'administration territoriale (31%). Toutefois, une réponse sort du lot : 63% des répondants pensent qu'il faut donner la priorité à "aménager autrement".

Obstacles financiers et manque de compétences

Si les actions sont déjà au rendez-vous et si des priorités sont clairement énoncées, la conduite de la transition écologique n'est pourtant pas exempte de difficultés. Et de nouveau, on retrouve un faisceau d'entraves qui se cumulent. Les dirigeants territoriaux interrogés sont ainsi 81% à affirmer qu'il est difficile de "concilier les enjeux de la transition écologique et les enjeux financiers, économiques ou sociaux", tandis que 73% d'entre eux jugent difficile d'"analyser les impacts croisés de la transition écologique entre les politiques publiques" et que 72% éprouvent des difficultés à "mobiliser les acteurs publics et privés du territoire pour articuler les actions". Les obstacles financiers ne sont pas en reste : 71% des répondants ont du mal à "modifier rapidement les stratégies d'investissement" et 68% à "disposer des capacités d'investissement" qui seraient nécessaires.

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Ces obstacles ne sont pas les seuls à entraver la volonté manifeste des dirigeants territoriaux de conduire la transition écologique. Eux-mêmes ressentent leurs propres limites. Si 65% estiment disposer de "suffisamment d'informations", ils ne sont plus que 50% à estimer "bénéficier de conseils ou appuis suffisants de la part des acteurs nationaux et territoriaux". Plus inquiétant : seuls 30% "disposent déjà des méthodes nécessaires" et surtout à peine 11% "maîtrisent déjà toutes les compétences afin de conduire la transition écologique".

Former tous azimuts

Sans surprise, les dirigeants territoriaux souhaitent donc être accompagnés. Et leur accompagnement devra porter sur de nombreux points : 80% veulent par exemple en savoir plus sur les "critères d'arbitrages et méthodes d'évaluation", 72% demandent des "processus managériaux et un projet d'administration", 69% désirent une "redéfinition des politiques publiques et du projet de territoire"… et, de façon plus surprenante si l'on en juge par les réponses précédentes, ils sont 62% à souhaiter une "sensibilisation aux enjeux du changement climatique et de la transition écologique".

Dans cette affaire, les dirigeants territoriaux souhaitent également que leurs agents soient accompagnés, et ce, sur des sujets aussi divers que l'"évolution des pratiques professionnelles propres à leurs métiers" (pour 93% des répondants), la "sensibilisation aux enjeux du changement climatique et de la transition écologique" (84%) ou encore les écogestes (79%). Quant aux principaux métiers qui nécessitent de développer de nouvelles compétences, il s'agit de la conception, rénovation et maintenance des bâtiments (pour 71% des répondants), des mobilités (40%), de l'urbanisme (36%), mais aussi de l'alimentation/restauration et de l'aménagement du territoire/développement économique (33% chacun).

Pour parvenir au développement de nouvelles compétences dans le domaine de la transition écologique des quelque 250 métiers qui constituent la fonction publique territoriale, les dirigeants territoriaux envisagent, pour 81%, une "montée en compétence interne", comptent, à 51%, "en faire une priorité de leur plan de formation" ou, pour 50%, "modifier en interne les processus".

"Saut qualitatif et quantitatif" des formations

Et les dirigeants territoriaux n'oublient pas les élus… auxquels ils ne prêtent d'ailleurs pas un niveau de sensibilisation très élevé : pour 80% d'entre eux, les élus devraient être sensibilisés aux enjeux du changement climatique de la transition écologique. Mais la demande la plus forte vis-à-vis des élus, pour 90% des répondants, consiste à ce qu'ils soient accompagnés sur les "approches et critères de décision fondés sur les impacts environnementaux", et, plus largement, sur la "gouvernance, les partenariats et la participation citoyenne" (84%).

Ce que seront les actions pour sensibiliser les élus, François Deluga, président du CNFPT, n'en a rien dit. En revanche, il a assuré qu'il souhaitait "procéder à un saut qualitatif et quantitatif dans les offres de formation du CNFPT en matière de transition écologique". Une façon de reprendre au bond la balle lancée par Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, qui, en ouverture du colloque, avait affirmé que "l'actuelle génération d'agents publics a sur les épaules une responsabilité considérable".

 

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