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Territoires zéro chômeur : le Sénat adopte la proposition de loi sans accord unanime  

La proposition de loi relative à la poursuite de l’expérimentation Territoires zéro chômeur a été adoptée par le Sénat mardi 13 octobre. Le gouvernement s’est opposé à plusieurs modifications apportées par la chambre haute, en chœur avec des sénateurs minoritaires dénonçant des atteintes à la philosophie du projet.

L’adoption de la proposition de loi élargissant à 50 nouveaux territoires l’expérimentation "Territoires zéro chômeur" et renforçant l’insertion par l’activité économique n’a pas atteint l’unanimité constatée à l’Assemblée nationale. Des sénateurs socialistes, communistes et écologistes se sont abstenus, contestant des modifications apportées en commission validées en séance publique "loin de la philosophie de la démarche initiale", comme l’a par exemple souligné le sénateur de la Nièvre Patrice Joly (groupe Socialiste Ecologiste et Républicain).

Opposition sur le co-financement par les départements

Reste désormais à franchir l’étape de la CMP pour concilier les versions du Sénat et de l’Assemblée nationale, qui sur certains points, s’opposent. En commission, les sénateurs avaient déjà supprimé le caractère obligatoire de la participation financière des départements. "Le principe d’une participation obligatoire pose plusieurs difficultés, dont la principale est sans doute qu’on ne connaît pas son montant, ses modalités de calcul étant renvoyées à un décret sur lequel nous n’avons à ce stade aucune information", a souligné la rapporteure Frédérique Puissat (Isère, Les Républicains).

Mais pour la ministre du Travail Elisabeth Borne, "la mobilisation des départements doit logiquement se traduire par une contribution au financement du dispositif" en fonction des emplois créés, notamment du fait des dépenses passives économisées par les départements. "On ne peut concevoir une expérimentation sans le regard du chef de file en matière d’insertion, des initiatives de cette nature doivent s’intégrer dans une logique territoriale. Sa contribution financière permet aussi de sécuriser cette expérimentation", a renchéri la ministre chargée de l’Insertion Brigitte Klinkert.

Le Sénat demande aussi au gouvernement de remettre un rapport précisant "les moyens financiers mis en œuvre afin d’assurer la bonne conduite de l’expérimentation", dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi. En particulier, les besoins de dépenses d’ingénierie des comités locaux pour l’emploi – des dépenses qui resteront facultatives pour les départements, a assuré le gouvernement – devront y être évoquées. Alors que la mobilisation au minimum de 3 équivalents temps plein (ETP) en ingénierie serait nécessaire, ce premier pas est salué par l’association Territoires zéro chômeur de longue durée.

La "tutelle" de l’État retirée

Autre motif de satisfaction pour l’association mais aussi pour le gouvernement, le Sénat a finalement retiré le copilotage du fonds d’expérimentation territoriale par le préfet, ajouté en commission. Dans ce même esprit de laisser la main libre aux territoires, la "tutelle" - dénoncée par l’association TZCLD - de Pôle emploi sur le choix des personnes pouvant être recrutées en EBE (entreprises à but d'emploi), ainsi que celle des Direccte sur les activités développées par les territoires d’expérimentation, a aussi été retirée du texte final. Un retour en arrière des sénateurs appuyé par le gouvernement.  

En revanche, la question de la durée effective de l’expérimentation, remise sur le tapis, n’a pas abouti à une nouvelle solution législative. Certains sénateurs estiment que les territoires qui entreraient de manière différée dans le dispositif ne bénéficient pas de cinq années pleines pour le tester. Mais les propositions d’amendements à ce sujet ont été jugées "peu praticables" par la ministre du travail Elisabeth Borne. Elle avance que les cas de territoires au milieu du gué au moment de l’extinction de l’expérimentation, seront traités au moment de l’évaluation du dispositif prévu par le texte.  

Plus de souplesse sur les contrats d’insertion

Le Sénat a par ailleurs entériné une série de modifications adoptées en commission concernant l’insertion par l’activité économique.

Le texte issu du vote prévoit ainsi la possibilité pour les associations intermédiaires et les entreprises d’insertion de prolonger à titre exceptionnel, au-delà de 24 mois, le contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) d’un salarié âgé de cinquante-sept ans et plus, alternativement à la conclusion d’un "CDI inclusion senior", autre mesure phare de la proposition de loi. Une mesure justifiée par la volonté de ne pas mettre brutalement fin à des parcours une fois dépassé l’âge des 57 ans pour les profils les plus fragiles.

Le contrat passerelle, destiné à mettre à disposition, dans une entreprise de droit commun, un travailleur en fin de parcours au sein d’une entreprise d’insertion ou d’un atelier d’insertion, a également été retouché par les sénateurs. En cas de recrutement par l’entreprise, dans un emploi en correspondance avec les activités qui lui avaient été confiées, "il est dispensé de toute période d’essai", précise désormais le texte. Par ailleurs, les sénateurs créent la possibilité de cumuler un CDDI et un autre contrat de travail à temps partiel.

Contrats de professionnalisation

En outre, les structures d’insertion par l’activité économique pourront enfin se saisir des contrats de professionnalisation. Le décret qui était attendu à ce sujet depuis l’adoption de la loi Avenir professionnel en 2018, devrait paraître "dans les prochaines semaines" a assuré la ministre chargée de l’Insertion Brigitte Klinkert. Surprise de dernière minute, une instance de "dialogue social spécifique permettant une représentation des salariés en parcours d’insertion au sein de la structure" sera mise en place dans les SIAE (structures d’insertion par l’activité économique) sur proposition du gouvernement et dont les modalités seront déterminées par décret.

Assurance-chômage : opposition sur le bonus-malus

Parmi les "diverses mesures d’ordre social" également prévues dans le texte, les sénateurs ont retoqué l’article correspondant au projet gouvernemental de mettre en place un "bonus-malus" pour les employeurs qui abuseraient de contrats à durée déterminée dans leurs embauches. Ce mécanisme est jugé "pénalisant pour de nombreux secteurs d’activités et ne garantit en rien une limitation des recours abusifs aux contrats courts", par la commission des affaires sociales, relayant les préoccupations patronales. Le sujet n’en finit pas de diviser gouvernement et partenaires sociaux : dans une lettre adressée au chef du gouvernement Jean Castex ce mercredi 14 octobre, les cinq organisations syndicales représentatives (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC) appellent aussi à l’abandon de la réforme qui durcit par ailleurs l’accès et les conditions d’indemnisation des actifs.