Distribution d'électricité - Tensions entre réseaux d'élus sur le nouveau modèle de contrat de concession
Le renouvellement des concessions de distribution d’électricité est un enjeu qui attise les tensions. Deux réseaux de collectivités s'opposent sur le sujet : la Fédération nationale des collectivités concédantes et des régies (FNCCR), qui vient de valider le nouveau modèle contractuel élaboré avec Enedis, et l'association d'élus France urbaine, qui le désapprouve.
Le climat s'électrise dans le paysage de la distribution d'énergie ! Depuis plus de trois ans sont engagées des négociations visant à dépoussiérer le cadre national et à établir un nouveau modèle de contrat de concession pour la distribution et la fourniture au tarif réglementé de l’électricité. Autour de la table : Enedis (anciennement ERDF), sa maison mère EDF et "des collectivités représentées par deux associations - la FNCCR et France urbaine [née de la fusion de l'Association
des maires de grandes villes de France et de l'Association des communautés urbaines
de France, ndlr] - mais pas Amorce, qui n'est pas directement associée", déplore-t-on chez cette dernière.
Pourquoi ces collectivités, déjà propriétaires du réseau de distribution d'électricité, veulent-elles négocier avec leur gestionnaire ? Qu'espèrent-elles en tirer ? "La compétence distribution d’énergie leur est déjà confiée mais leurs marges de manœuvre sont limitées en raison du monopole légal du gestionnaire", éclaire-t-on chez Amorce. La renégociation imminente de leurs contrats locaux de concession, souvent signés pour de longues durées (trente ans en moyenne), tombe donc à pic pour qu'y transparaisse mieux le rôle des collectivités dans la gestion des réseaux.
Renouveler son contrat
Sur le papier, tout est clair : ces contrats à renouveler localement ont pour modèle un cahier des charges national, qui leur sert de base. C'est ce document qui fait l'objet d'âpres négociations. Pourtant, "par rapport aux contrats actuels, ce document dans sa forme finale prévoit des améliorations structurantes de la relation contractuelle avec Enedis et EDF", s'étonne la FNCCR dans un communiqué publié le 6 juillet. Au-delà du socle de base qu'il constitue, "il permet de négocier des conventions locales pour prendre en considération les enjeux spécifiques des territoires", ajoute cette fédération.
Satisfaite à l'issue des négociations, cette fédération regroupant des autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité, syndicats départementaux ou interdépartementaux, métropoles et communautés urbaines, estime que ce nouveau modèle contractuel élaboré permettra "de déployer en tout point du territoire une desserte électrique de qualité".
Mais France urbaine ne voit pas les choses ainsi. Elle estime avoir été prise à contre-pied : avec Enedis, un accord avait été "co-signé" et les discussions "devaient être prolongées", déplore l'association. Constituée d'une petite centaine de membres, des élus de grandes villes, d’agglomérations ou de métropoles, elle voulait voir intégrer au contrat des principes "témoignant de la spécificité des territoires urbains membres de France urbaine". Des points restaient donc en suspens. Et un programme établi fixait à fin juin 2017 l'échéance des travaux. Problème : selon l'association, ils auraient été précipitamment stoppés "début juin"…
Une logique de programmation
Le nouveau modèle de contrat prévoit la mise en place d'un schéma directeur des investissements et de programmes pluriannuels d'investissement (PPI). Cette logique de programmation est nouvelle pour le secteur. La FNCCR y voit "une innovation contractuelle majeure", une vraie nouveauté en terme de gouvernance de la distribution d'électricité. Dans le contexte "extrêmement évolutif" de la transition énergétique, poursuit l'association, "ces outils permettront aux territoires, urbains comme ruraux, de disposer d’éléments de prospective concourant directement à l’élaboration de leurs politiques énergétiques locales". Un dispositif de pénalités est aussi prévu. "Il sanctionnera Enedis en cas de non-respect des engagements pris dans le cadre de ces PPI", ajoute la FNCCR. Mais pour France urbaine ce mécanisme est "insuffisamment incitatif pour qu'Enedis respecte ses engagements techniques et financiers".
Une augmentation des redevances
Le modèle de contrat de concession fait aussi évoluer les redevances versées par le gestionnaire aux collectivités. "Deux redevances sont concernées. Elles représentent une enveloppe de 250 millions chaque année", calcule Amorce. Même constat à la FNCCR, qui observe que le relèvement de la redevance de fonctionnement (dite R1), amenée à davantage "intégrer le paramètre population", générera "des augmentations très significatives de ressources, en particulier pour les métropoles et communautés urbaines".
Le nouveau modèle de contrat intègre les enjeux de transition énergétique. Il ne néglige ni l’autoconsommation, ni la gestion des réseaux électriques intelligents ou des données qu'Enedis doit transmettre. "Il consolide aussi la protection des consommateurs dans le cadre du service public de la fourniture d’électricité au tarif réglementé de vente", ajoute la FNCCR. Amorce nuance l'ensemble, en indiquant que ce chapitre reprend le cadre législatif et réglementaire existant, mais ne prévoit pas de nouveaux engagements et financements.
Le cas de la fin anticipée de la concession
En outre, "le cahier des charges acte des pratiques ou interprétations au bénéfice d'Enedis et au détriment des territoires urbains sur certains points particulièrement sensibles, tels que le financement des raccordements au réseau et des colonnes montantes". Enfin, les clauses relatives à la fin de contrat sont "inacceptables en l'état", juge France urbaine, notamment "s'agissant du calcul des indemnités dues par l'autorité concédante en cas de fin anticipée de la concession, qui fait peser sur les territoires une charge nettement exagérée". L'association recommande à ses membres "de ne pas signer le contrat de concession en l'état, dans l'attente en particulier de clarifications sur ce qui relève du cadre légal et réglementaire à obtenir par la voie d'un dialogue ouvert avec l’État".
Pour la FNCCR, au contraire, remettre en cause ce modèle "impliquerait que le portage de la solidarité territoriale, n’étant plus assuré par l’opérateur, le soit par l’État ou par de très grandes collectivités couvrant plusieurs départements, auxquels il serait alors nécessaire de transférer la compétence d’autorité concédante". La fédération souhaite ainsi préserver ce modèle de monopole légal : "C’est sur lui qu'est basé notre contrat de concession. Le préserver, c'est défendre la compétence du bloc communal et la proximité avec les territoires."