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Finances - Taxe sur la consommation d'électricité : qui a court-circuité les élus locaux ?

Le dernier collectif budgétaire prévoit que les communes ne toucheront plus la taxe sur la consommation finale d'électricité. Or pour le bloc local, cette taxe pèse plus d'un milliard d'euros. Son produit serait transféré aux syndicats d'énergie. Les associations d'élus locaux s'insurgent. Et se demandent qui a initié la mesure. A la FNCCR, on fait toutefois valoir que grâce à cela, la ressource bénéficiera à des actions dans le domaine de l'énergie.

Alors que de fortes incertitudes pèsent sur les recettes provenant des entreprises et que l'Etat doit amplifier la réduction de ses dotations, une nouvelle ombre au tableau vient d'apparaître pour les communes. L'article 45 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2013 prévoit, à partir du 1er janvier 2015, que les communes perdront le bénéfice de la taxe sur la consommation finale d'électricité (TCFE). Depuis 2011, les consommateurs la paient à la place de la taxe locale sur l'électricité. Elle bénéficie à 3.700 communes et intercommunalités (pour un peu plus d'un milliard d'euros chaque année) et aux départements (pour moins de 700 millions d'euros).
Ces recettes seront transférées aux "autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité", qui correspondent dans la grande majorité des cas à des syndicats d'énergie. Avec cette mesure, les villes de Rennes et de Tours, par exemple, perdront chacune environ 2,4 millions d'euros. A Angoulême, les services municipaux s'attendent à un trou de 0,8 million d'euros. Pour l'ensemble des communes membres de la communauté d'agglomération du Grand Angoulême, la perte atteindrait plus d'un million d'euros. A Aurillac, le budget sera allégé de 0,6 million d'euros, ce qui correspond à la baisse de la dotation globale de fonctionnement enregistrée en 2014. De son côté, l'Association des petites villes de France (APVF) calcule que la décision pourrait coûter unitairement jusqu'à 300.000 euros aux communes dont la taille est comprise entre 3.500 et 20.000 habitants.

Pour les élus locaux, la mesure ne répond pas aux enjeux

Qui a ainsi voulu alléger le portefeuille des communes ? Le mystère reste aujourd'hui entier. "Nous avons tout entendu sur les origines de cette mesure", confie Damien Denizot, chargé des politiques climat-énergie à l'Assemblée des communautés de France (ADCF). "La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, EDF, notre association et même Michel Delebarre, sénateur et président de la communauté urbaine de Dunkerque. Toutes les hypothèses ont été évoquées."
Les auteurs n'ont pas forcément envie de se faire connaître, tant la disposition passe mal chez les associations d'élus locaux. Les plus puissantes d'entre elles ont bien tenté d'obtenir un aménagement lors de la discussion parlementaire du collectif budgétaire. Ce fut en vain. Les élus locaux ne digèrent pas que le gouvernement n'ait jamais ouvert de concertation sur un sujet aux enjeux aussi conséquents. Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF, a déploré, le 31 janvier lors d'une rencontre sur l'investissement public local, que soit ainsi porté atteinte au pacte de confiance et de responsabilité conclu le 16 juillet dernier entre le gouvernement et les élus locaux.
Les associations mettent aussi en avant leur désaccord sur le fond du dossier. "La réforme ne tient compte ni des différents niveaux d'expertise des syndicats d'électrification (…) ni des politiques locales coûteuses qu'ont à mener les communes pour la rénovation thermique de leur patrimoine et pour lesquelles aucune ressource n'a encore été mise en place", écrit le président de l'Association des maires de France (AMF), Jacques Pélissard, dans une lettre au ministre délégué chargé du budget (à télécharger ci-contre). L'ADCF est sur la même longueur d'ondes. "On va accroître les capacités d'investissement des autorités concédantes sur les réseaux, voire élargir le champ de leurs compétences", fait remarquer Damien Denizot. "Mais cela n'aura pas d'effet performatif pour atteindre les objectifs de la transition énergétique", regrette-t-il. "En effet, explique-t-il, même si d'importants efforts sont à fournir en matière de financement des réseaux - extension, renforcement -, on peut s'interroger sur le caractère très limitatif de cet usage au moment où toutes les collectivités cherchent à concentrer leurs efforts sur de nouvelles priorités d'intervention telles que la lutte contre la précarité énergétique, la rénovation énergétique des bâtiments, l'efficacité énergétique...".

Des retombées positives pour les communes

En se défendant d'être à l'origine de la mesure, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) dit être "consciente des difficultés que celle-ci risque d'entraîner pour les communes". Pour elle, l'article 45 de la loi de finances rectificative va tout de même dans le bons sens, puisqu'il "renforce le lien juridique entre l'exercice de la compétence de distribution d'électricité et la perception de la taxe de consommation finale d'électricité". David Beauvillage, chef de la stratégie et de la formation professionnelle à la FNCCR, évoque "un cercle vertueux", en précisant que les ressources supplémentaires affectées aux syndicats d'électricité bénéficieront uniquement aux compétences dont ils ont la charge. A l'inverse de la situation qui prévaut actuellement, car le produit de la TCFE abonde aujourd'hui le budget de fonctionnement des communes, qui peuvent s'en servir pour financer à peu près tout ce qu'elles veulent.
Bien sûr, les syndicats d'électricité vont employer les nouvelles ressources à renforcer le réseau d'électricité existant. Un objectif qui n'est ni distinct, ni étranger au développement des énergies renouvelables, ou de la maîtrise de la consommation d'électricité, dit en substance la FNCCR. En outre, les syndicats d'électricité pourront utiliser la manne qui leur est accordée pour renforcer leur expertise en direction des communes, sur des questions telles que l'installation de panneaux solaires, l'optimisation de l'éclairage public ou l'approche environnementale de l'urbanisme. David Beauvillage promet des retombées concrètes au profit des communes, qui, rappellent-ils, ont la qualité d'adhérents au sein des syndicats.

Reversement financier aux communes

Au-delà, les communes et les intercommunalités à fiscalité propre peuvent espérer de la part des syndicats une rétrocession des recettes de TCFE pouvant atteindre 50% du total, comme le prévoit la loi de finances rectificative. Les syndicats ont jusqu'au 1er octobre prochain pour décider d'appliquer ce reversement en faveur de leurs adhérents. D'ores et déjà, de nombreux maires et présidents d'EPCI à fiscalité propre ont écrit aux présidents des autorités organisatrices de la distribution d'électricité pour leur demander de prendre une telle mesure. A l'ADCF, on s'attend ce que, "dans la plupart des cas", ils soient entendus. Autrement dit, la perte de recettes que redoutent les élus locaux, pourrait, au final, être moindre. Certains syndicats d'électricité situés dans des départements ruraux et se trouvant dans des situations financières difficiles pourraient toutefois être tentés de se refaire une santé, craint l'ADCF.
Malgré la possibilité de ce reversement, les associations d'élus locaux réclament le réexamen de l'article 45 de la loi de finances rectificative. L'APVF évoque déjà une solution : il s'agirait de rendre facultatif le transfert de TCFE aux syndicats.

 

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