Opération Sentinelle - Surveillance des lieux de culte : François Hollande sollicite le privé et les collectivités
"Le président (de la République) a demandé au gouvernement d'étudier avec les opérateurs privés et les collectivités locales le développement de mécanismes complémentaires, notamment techniques, permettant de renforcer la sécurité" des lieux de culte et des sites confessionnels, a fait savoir l'Elysée, à l'issue d'un Conseil de Défense, mercredi 25 février.
Ce conseil visait "à évaluer le dispositif de protection du territoire national", alors que depuis les attentats de janvier, quelque 10.000 militaires sont déployés autour de 830 sites sensibles (écoles et lieux de culte, ambassades, organes de presse…) dans le cadre de l'opération Sentinelle. Récemment, le ministre de la Défense avait évalué le coût de cette opération à 1 million d'euros par jour, sans que cet argent ait été budgété en 2015.
Or, lors du dîner du Crif, le 23 février, François Hollande a assuré que la protection des lieux de culte serait poursuivie autant que nécessaire. "Les armées demeureront largement sollicitées en soutien des forces de sécurité pour contribuer à cette protection", confirme l'Elysée.
Dès lors se pose du coût financier de ce maintien. Le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a indiqué jeudi sur France 2 que, pour répondre aux exigences budgétaires de Bruxelles, des économies seraient réalisées dans "tous les secteurs", mais que les crédits de la Défense prévus dans la loi de programmation seraient "sanctuarisés". Il n'est donc pas pour autant question d'abonder le budget de la Défense, alors que d'après le communiqué de l'Elysée, le "déploiement d'effectifs militaires supplémentaires" pourrait même être envisagé "en cas de menace imminente ou d'alerte attentat".
Protection des policiers municipaux
Cette mobilisation intervient de surcroît dans un contexte de réduction des effectifs sachant que l'armée est engagée dans de nombreux théâtres d'opérations extérieures : Sahel, Centrafrique, Liban, Irak ou encore en Guinée avec la crise d'Ebola… "Les mesures nécessaires pour garantir le cas échéant la disponibilité des effectifs militaires nécessaires seront prises dans le cadre des travaux d'actualisation de la loi de programmation militaire menés au cours des prochaines semaines", indique l'Elysée, dans le prolongement des annonces de François Hollande le 14 janvier, puis de celles du Premier ministre, le 21 janvier, à savoir une réduction de 7.500 "des déflations d'effectifs" prévues entre 2015-2019. Comme la loi de programmation du 18 décembre 2013 prévoyait une réduction d'effectifs de 34.000 postes sur la période, le solde sera en réalité de 26.500 suppressions.
L'appel au privé et aux collectivités n'est donc pas anodin et coïncide avec la décision du gouvernement de cofinancer l'achat de gilets pare-balles des policiers municipaux et de 4.000 revolvers pour les mairies qui souhaiteraient en équiper leur police.
Autre source d'économie envisagée pour l'armée : le recours à des "sociétés de projets". Il y a deux semaines, le gouvernement a en effet fait adopter un amendement au projet de loi Macron, permettant à l'Etat de céder à ces sociétés de projets à capitaux majoritairement publics certains équipements achetés ou en cours d'acquisition. Ces sociétés, sélectionnées dans le cadre d'un marché public, reloueront ensuite ce matériel à l'Etat ! Le but est d'attendre l'arrivée des recettes supplémentaires prévues par la loi de programmation, provenant notamment de la vente aux enchères de fréquences très haut débit (700 mégahertz) aux opérateurs de téléphonie mobile. Vente qui n'est pas attendue avant la fin 2015.
Vidéosurveillance
A noter enfin que l'opération Sentinelle n'est que le volet militaire d'un plan global national mis en place par le ministère de l'Intérieur, avec le concours du ministère de la Défense, mobilisant au total 122.000 policiers, gendarmes et militaires. Dans ce cadre, "près d'un millier de mosquées et de lieux liés au culte musulman, en métropole ou outre-mer font l'objet de mesures de protection renforcées", a ainsi rappelé le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, mercredi 25 février, lors d'un discours à la mosquée de Cenon prononcé après avoir présenté en Conseil des ministres une communication sur "le dialogue avec l'islam de France" (voir encadré ci-dessous). Au-delà de cette présence humaine, "des moyens sont en outre prévus dès 2015 par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour financer des équipements de sécurité, comme la vidéo-protection", a souligné le ministre.
Michel Tendil
Une nouvelle instance de dialogue pour l'islam d'ici l'été
Deux jours après le couac survenu entre le Crif et le Conseil français du culte musulman (CFCM) – le président de ce dernier ayant refusé de se rendre au traditionnel dîner du Crif le 23 février - le gouvernement a lancé sa réforme de "l'islam de France", le 25 février. Après avoir présenté son projet en Conseil des ministres, le ministre de l'Intérieur, responsable des cultes, Bernard Cazeneuve, s'est déplacé dans pas moins de trois mosquées de la région de Bordeaux pour en préciser le contenu. L'idée est d'élargir la diversité des interlocuteurs de l'Etat alors que le CFCM, créé en 2003 par Nicolas Sarkozy, est critiqué pour son manque de représentativité.
Le gouvernement souhaite ainsi réunir "d'ici l'été une instance de dialogue de l'islam de France, à l'instar de celle qui existe pour le culte catholique", a précisé Bernard Cazeneuve, à la mosquée de Cenon (Gironde). Cette instance "réunira, autour du CFCM, les représentants des fédérations, des associations musulmanes, des mosquées, ainsi que des personnalités de la société civile", et éclairera le gouvernement "sur tous les sujets qui préoccupent légitimement nos compatriotes musulmans". En vue de cette installation, le ministre a demandé "aux préfets de réunir les représentants des CRCM (conseils régionaux du culte musulman, ndlr), des lieux de cultes et des associations culturelles, afin de faire remonter les sujets qui pourraient être évoqués".
Bernard Cazeneuve a aussi mis en garde ceux qui "ne respectent pas nos valeurs fondamentales". "Ceux-là n'auront pas leur place autour de la table de la République. La responsabilité de chacun est engagée. Le respect se construit et il ne peut être que mutuel", a-t-il martelé.
M.T.