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Suppression de la taxe d'habitation : le détail du dispositif de compensation pour les communes

Le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics a apporté, mercredi 17 juillet, une foule de détails (très) techniques sur la mise en œuvre, à partir de 2021, de la compensation aux communes de la suppression de la taxe d'habitation. Olivier Dussopt était auditionné par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation au sein de l'Assemblée nationale (avec la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault). Les grands équilibres de la réforme de la fiscalité locale, qui figurera dans le projet de loi de finances pour 2020, sont arrêtés. Certaines questions techniques demeurent ouvertes à la discussion avec les associations d'élus locaux et les parlementaires. Synthèse des nouveaux éléments d’information apportés par le gouvernement.

• La compensation sera-t-elle garantie ?

Les collectivités bénéficieront en année 1 d'une compensation à l'euro près. Mais celle-ci ne sera "pas garantie année après année", dans la mesure où la commune aura un pouvoir de taux et bénéficiera de bases de taxe foncière dynamiques. L'engagement de la compensation à l'euro près ne sera donc "pas pris de manière permanente" (à l'opposé de ce qui avait été fait pour la compensation de la suppression de la taxe professionnelle).

• Calendrier de la mise en œuvre de la compensation des communes

Le mécanisme de compensation de la recette de taxe d'habitation pour les communes entrera en vigueur en 2021. Il concernera 100% de la recette (23 milliards d'euros). À cette fin, l'État va "nationaliser" le produit de taxe d'habitation versé par les 20% de contribuables les plus riches. L'État percevra la recette et exonérera ceux-ci par tranches d'un tiers chaque année. Avec cette astuce, il n'y aura pas "deux systèmes qui cohabitent", mais plus qu'un seul.

• Coefficient correcteur

Le gouvernement ne veut pas reconduire le mécanisme du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) mis en place pour la suppression de la taxe professionnelle. À la place, les fonctionnaires des ministères ont imaginé un "coefficient correcteur." Si une commune percevait "80 de taxe d'habitation" et que, demain, la part de la taxe foncière départementale qui lui est affectée est "égale à 100", le mécanisme correcteur sera "de 0,8." Tout en évitant la création d'un dispositif du type du FNGIR, l'innovation présente l'avantage, notamment, de neutraliser les différences existant dans les politiques d'abattement des départements et des communes. Le gouvernement n'a pas encore arbitré si le coefficient correcteur sera gelé une fois pour toute, ou s'il évoluera. "Modifier le coefficient chaque année serait redoutablement compliqué." Mais, à l'inverse, s'il est fixe, la collectivité qui verra sa situation évoluer fortement, "pourra ressentir une forme de préjudice."

• Année de référence servant au calcul de la compensation

L'année de référence du taux de taxe d'habitation pris en compte par l'État ne sera pas nécessairement celui de l'année 2017, comme le prévoit aujourd'hui la loi. Le gouvernement est "ouvert" à l'éventualité d'une autre année de référence. Mais le taux retenu sera le même dans le cadre de la compensation de taxe d'habitation des 80% de Français les plus modestes et de celle correspondant à la taxe d'habitation des 20% les plus aisés.

• Communes sous-compensées

Selon les simulations des ministères, 10.721 communes seront sous-compensées, dont 6.306 communes de moins de 1.000 habitants et 3.776 communes de 1.000 à 9.999 habitants. 639 communes de plus de 10.000 habitants seront concernées, dont 34 communes de plus de 100.000 habitants. Les sous-compensations seront parfois significatives. Ce sera par exemple le cas, en valeur absolue, pour la ville de Lyon (83 millions d'euros), mais aussi parfois, proportionnellement à la taille de la collectivité (par exemple Sceaux sera sous-compensée à hauteur de 11 millions d'euros). La ville de Paris fera l'objet d'une sous-compensation de "plusieurs centaines de millions d'euros."

• Communes sur-compensées

Toujours selon les simulations fournies, 24.656 communes seront sur-compensées. Parmi elles, 19.000 communes ont moins de 1.000 habitants et 5.266 communes ont entre 1.000 et 9.999 habitants. Par ailleurs, dans cette catégorie figureront 387 communes de plus de 10.000 habitants, dont 7 villes de plus de 100.000 habitants. Parmi les grandes villes, Toulouse aura une sur-compensation de 33 millions d'euros.
Comme le gouvernement l'a indiqué dans la presse le 18 juin, 10.000 communes garderont le bénéfice de leur sur-compensation, à hauteur de 15.000 euros maximum.

• Liaison des taux

La suppression de la taxe d'habitation remet en cause le dispositif de liaison des taux de fiscalité locale, qui doit empêcher une collectivité d'augmenter de manière trop importante les impôts des entreprises. "Il faudra apporter une réponse", assure le gouvernement, qui dit entendre "de plus en plus d'inquiétudes" de la part des acteurs économiques. Mais le dispositif actuel de liaison des taux empêcherait très peu de collectivités de relever de manière significative les taux des impôts.

• Taxation sur les résidences secondaires
 
Ce ne sera pas, à proprement parler, un morceau de taxe d'habitation, puisque celle-ci va être totalement supprimée. L'imposition sur les résidences secondaires, qui représente aujourd'hui un produit d'environ 2,6 milliards d'euros, sera donc "peut-être" rebaptisée. Elle sera assise sur les valeurs locatives de la taxe foncière. Il reviendra au propriétaire de déclarer sa résidence (principale ou secondaire). Un dispositif empêchera les communes dotées de seulement quelques résidences secondaires – voire une seule – de faire subir une pression fiscale excessive sur celles-ci.

• Actuelles taxes adossées à la taxe d'habitation

La "surtaxe" pour les logements vacants (600 millions d'euros par an) va être maintenue "pour le bloc local". Quant à la taxe Gemapi, elle sera "répartie" entre l'actuelle taxe sur les résidences secondaires, la taxe foncière et la cotisation foncière des entreprises. Ces taxes seront "porteuses" de la taxe Gemapi, comme l'est aujourd'hui la taxe d'habitation.

• Exonérations de taxe foncière pour les logements sociaux

Le gouvernement "n'a pas prévu d'éteindre" les dispositifs d'exonération existants. "Il faudra avancer sur la réponse", dit-il de manière évasive. Selon lui, les maires acceptent aujourd'hui ces exonérations très mal compensées, car ils espèrent, avec les nouveaux logements, augmenter la recette de taxe d'habitation de la commune. Or, demain, ils ne disposeront plus de cette incitation.

• Transfert d'une part de TVA aux départements

On sait que le gouvernement envisage un transfert d'une part de TVA (14,1 milliards d'euros) aux départements. Ces derniers "ont plutôt des raisons d'être rassurés sur le dynamisme" de la TVA, dit l'exécutif. Sur la période 2014-2018, la moitié des départements ont eu un dynamisme de taxe sur le foncier bâti inférieur à celui de la TVA, tandis que l'autre moitié ont bénéficié d'un dynamisme de la taxe foncière "légèrement supérieur" à celui de la TVA.

 

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