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Sports - Subventions aux équipements sportifs : le CNDS n'offre pas d'"effet de levier"

Selon un rapport de l'inspection générale de la Jeunesse et des Sports, l'"effet de levier" des aides du Centre national pour le développement du sport (CNDS) aux collectivités pour le financement des équipements sportifs est peu probant. Cette position ne manquera pas de faire polémique à la rentrée 2014, car elle pourrait déboucher sur une nouvelle répartition des crédits au détriment de l'enveloppe nationale.

Article initialement publié le 21 juillet 2014.

L'approche des aides à la réalisation des équipements sportifs apportées par le Centre national pour le développement du sport (CNDS) en termes d'effet de levier "n'est pas probante". Tel est le diagnostic de la mission d'évaluation sur les effets de levier des subventions d'équipement du CNDS, que le ministère des Sports vient de rendre public.
Ce rapport, établi par Serge Mauvilain, inspecteur général de la Jeunesse et des Sports (IGJS), avait pour objectif de déterminer l'impact des décisions prises par le CNDS (subventions d'équipements accordées ou refusées) sur la réalisation ou la rénovation des équipements sportifs, "dans le contexte particulier des débats en cours au sein du conseil d'administration de l'opérateur sur l'importance qu'il convenait de donner à la répartition respective des moyens entre les subventions de fonctionnement d'aide aux projets et les subventions d'équipement". En d'autres termes, l'analyse des "effets de levier" doit nourrir la réflexion sur une éventuelle réorientation des aides du CNDS : faut-il privilégier les aides au fonctionnement des associations sportives ou les aides aux projets d'équipements le plus souvent portés par des collectivités ? Et au sein de l'enveloppe réservée aux subventions d'équipement, faut-il orienter les crédits d'après une politique nationale ou au contraire favoriser des enveloppes régionales ?
Avant même que l'IGJS ne soit saisie de la question, le débat avait émergé parmi les acteurs concernés. A l'automne 2013, l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) s'était déclarée en faveur d'un coup de pouce à l'enveloppe dédiée aux équipements plutôt qu'à une hausse des subventions de fonctionnement (lire ci-contre notre article du 4 octobre 2013). Une position réaffirmée récemment par son président, Jacques Thouroude, qui déclarait à Localtis que les aides aux équipements attribuées au niveau national constituaient "non seulement un effet de levier mais également un 'label' pour les cofinanceurs des installations sportives" (lire ci-contre notre article du 17 juillet).

Pas d'impact quantitatif ni qualitatif

Or pour le rapport Mauvilain donc, l'affirmation selon laquelle les aides du CNDS constituent un effet de levier n'est pas soutenable. L'analyse des subventions apportées par le CNDS sur la période 2006-2012, complétée d'auditions menées auprès des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, des responsables du mouvement sportif et d'élus locaux démontre : d'une part, que "la quasi-totalité des projets éligibles et non retenus par le CNDS a été réalisée à l'identique, sans retard significatif […], le maître d'ouvrage assumant, dans la très grande majorité des cas, les risques économiques du nouveau plan de financement" ; d'autre part que "l'effet d'amorçage des subventions CNDS auprès des autres cofinanceurs est démenti par les processus internes de l'opérateur". Intervenant en dernier lieu, le CNDS avalise en effet le bouclage budgétaire prévisionnel des dossiers présentés, et non l'inverse. Pour la mission de l'IGJS, ce faible impact quantitatif est "le reflet du pourcentage moyen de subventionnement (10,2% de la dépense subventionnable, ramené à 8,5% du coût d'objectif final) qui, appliqué aux dossiers de la part nationale, n'atteint pas un seuil suffisant pour être significatif".
Quant à l'impact qualitatif des aides du CNDS, il n'est pas plus démontré. A l'exception des impératifs de développement durable, les directives figurant dans les orientations de l'opérateur depuis 2008 "ne semblent pas avoir eu beaucoup d'influence sur l'attribution des aides". Ainsi, en matière de lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux pratiques physiques et sportives, la mission fait état d'un "bilan mitigé".
Par conséquent, la mission estime que "faute de ciblage déterminé de ses interventions et fléchage de priorités dans le domaine de l'investissement sportif, le CNDS court le risque d'être perçu ou attendu comme un financeur généraliste, 'de droit commun'". Or, "contribuer à la marge aux cofinancements d'une partie extrêmement limitée du nombre d'équipements sportifs réalisés chaque année, est de nature à fragiliser le seul outil national de financement original du sport français", ajoute la mission.

Réduire l'enveloppe nationale, resserrer les règles d'éligibilité

Si elle annonce vouloir "recourir à la formulation d'hypothèses" plutôt qu'à "des préconisations trop rigides", la mission émet toutefois des recommandations précises. Elle incite par exemple à exclure du champ des interventions du CNDS "les projets d'équipement ou d'aménagements de simple proximité, ainsi que les maîtres d'ouvrage éligibles à la dotation d'équipement des territoires (DETR), sauf à maintenir une juxtaposition curieuse de deux dispositifs de subventionnement, ouverts, de facto, aux mêmes communes et pour les mêmes projets". Elle prône par ailleurs une "remise à plat de la 'doctrine du CNDS', en matière de financement de travaux de rénovation des équipements sportifs, qui ne doit pas aboutir à déresponsabiliser les propriétaires de leur obligation de maintenance de leurs installations".
Enfin, la mission relève l'importance et l'effet de convergence structurant que peuvent avoir des schémas de cohérence pour le développement du sport. Elle suggère à cet effet au ministère de se coordonner au préalable avec les grands acteurs du champ (Comité nationale olympique et sportif français, associations d'élus). Selon nos informations, une instruction ministérielle sur les schémas régionaux du sport est attendue pour septembre…
En conclusion, la mission ne retient pas l'hypothèse consistant à supprimer toute enveloppe nationale d'intervention. Néanmoins, elle considère que le montant de cette enveloppe pourrait être "sensiblement réduit en parallèle avec le resserrement des règles d'éligibilité qu'il convient d'engager sans tarder", de façon à "rétablir des dotations régionalisées d'équipement, elles-mêmes profondément remaniées dans leurs finalités". Ces propositions doivent être débattues en septembre au sein du CNDS.

Jean Damien Lesay

Le CNDS vient d'octroyer 22 millions d'euros de subventions d'équipements
Le conseil d'administration du CNDS a entériné le 11 juillet dernier 22.314.500 d'euros de subventions d'équipement sur une enveloppe nationale de 48 millions pour l'année 2014. 78 dossiers sur 375 ont été retenus (voir lien ci-contre), soit 21%. Parmi ces dossiers retenus, 27 concernent des projets en zones de revitalisation rurale. Les montants octroyés vont de 6.700 euros pour la réhabilitation du gymnase d'Hérouville-Saint-Clair (Calvados) à 3 millions d'euros pour le nouveau Centre national d'entraînement de la Fédération française de tennis, à Paris.
Parmi les principaux équipements structurants subventionnés, on note le stade d'athlétisme de Saint-Brieuc en ZUS (800.000 euros) ; trois complexes aquatiques à Granville, Château-Thierry et Dunkerque (pour 650.000 euros chacun) et huit projets de complexes sportifs, pour 650.000 euros chacun, portés par le conseil général du Nord, le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, la communauté d'agglomération du Grand Tarbes, la commune de Schiltigheim, la commune de Strasbourg, la commune de Longvic, la commune de Saint-Nazaire et la commune de Meyzieu.
Les projets retenus sont portés à 53% par des communes, contre 24% par une intercommunalité, 6% par un conseil général ou régional et 17% par une association.

J.D.L.