Stockage de déchets dangereux : un rapport parlementaire érode la logique de réversibilité
Publié le 18 septembre, le rapport d'information de la mission parlementaire sur le site de stockage souterrain de déchets StocaMine (Haut-Rhin) a donné lieu à une vingtaine d'auditions et à des déplacements sur site. La mission, pilotée par trois députés du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, alerte sur les risques environnementaux et formule des recommandations sur la continuation de son déstockage. Ses conclusions affaiblissent la logique dominante de réversibilité qui conditionne l'acceptabilité des décisions dans ce domaine. Impactant ainsi, par ricochet, la pertinence d'autres projets d'enfouissement comme Cigéo (stockage souterrain de déchets radioactifs à Bure, dans la Meuse).
Mis en ligne ce 18 septembre, le rapport d'information de la mission parlementaire sur le site de stockage souterrain de déchets StocaMine (Haut-Rhin) a donné lieu à une vingtaine d’auditions et des déplacements sur site, et ce jusqu'à 550 mètres sous terre. Créée au printemps 2018, la mission pilotée par deux députés du Haut-Rhin, le démocrate Bruno Fuchs et le député LR du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger, et présidée par le député LaREM Vincent Thiébaut, revient en premier lieu sur l’historique de ce site qui ne fut réellement "actif" que durant trois ans.
Le poids des années de non-décision
Le projet a émergé dans les années 1990. Le but était d’accueillir sous une ancienne mine de potasse des déchets dangereux dits de classe 0 et 1, dans des galeries spécialement creusées pour ce stockage : "Ce projet apparaissait à l’époque comme un élément important de la reconversion économique du bassin potassique, afin de faire face à la fin de l’exploitation de la potasse prévue pour le début des années 2000. En 1948, les mines de potasse d’Alsace employaient en effet près de 14.000 salariés, contre seulement 5.000 en 1986 et 960 en 2001. C’est ainsi que le projet a été présenté aux habitants et aux élus locaux : un projet créateur d’emplois, mais aussi une 'mine au service de l’environnement', comme l’indiquent des brochures de l’époque", détaillent les rapporteurs.
Un dossier unique en France
Son exploitation a ensuite été interrompue suite à l’incendie d’une galerie de stockage : "La justice a montré qu’il était lié à un non-respect des prescriptions de l’arrêté préfectoral ayant autorisé le projet. C’est révélateur des carences successives qui ont caractérisé ce projet et alimenté la défiance de la population. (…) C’est au fil de nos travaux qu’il est apparu que la gestion du site avant et après l’incendie avait souffert de défauts d’information, de contrôle et de gouvernance pour ce dossier unique en France". C’est plus particulièrement la notion de réversibilité qui crispe les parlementaires. Présentée "de façon ambiguë" aux habitants et aux élus locaux, le "flou" a été entretenu autour de cette notion.
Impact sur l’environnement
Les rapporteurs interpellent aussi sur l’impact potentiel sur l’environnement du stockage de déchets sur ce site. Notamment sur la nappe phréatique alsacienne d’Alsace, cette "ressource inestimable" constituant l’une des plus importantes réserves souterraines d’eau en Europe. Le site a accueilli plus de 42.000 tonnes de déchets entre 1999 et 2002 : des terres polluées, de l’amiante, des déchets mercuriés, arséniés, des résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères (Refiom), etc. Suite à l’incendie, la prise de décision fut lente et a abouti à la décision de déstocker au moins les déchets mercuriels. Pour y accéder, d’autres ont été déplacés, qui, eux, n’ont pas été extraits. Ces travaux de déstockage dit partiel ont démarré en 2014, pour un coût qui s’élève à plus de 42 millions d’euros.
Nouvelle expertise du BRGM dans un mois
Pour confiner ces déchets, des "bouchons" sont expérimentés. But de la manoeuvre : "créer un noyau très étanche" et "empêcher tout contact entre les déchets et de l’eau". A ce stade, l'opération n’est pas terminée. Des expertises assurées par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) du ministère de la Transition écologique et solidaire sont en cours. Une synthèse sera effectuée par le BRGM afin qu’un rapport final soit disponible fin octobre 2018.
Principales recommandations
La mission d'information recommande qu’une fois remise l’étude du BRGM, une décision sur l’avenir du site de stockage soit prise "dans les trois mois". Elle suggère de conduire une analyse précise du bloc 15 incendié, "afin de connaître notamment la nature et la quantité de déchets qui y sont entreposés". Et de préparer, si une pollution de la nappe est constatée, la mise en place du confinement du bloc 15.
Les parlementaires conseillent également de mettre en place des mesures de surveillance du site si une partie des déchets est maintenue au fond. Ils suggèrent aussi d’engager une "réflexion sur la place de l’expertise technique des services de l’État, plus largement que dans le domaine minier", de "faire évoluer le rôle des services de l’État dans les projets ayant un impact environnemental d’une logique de contrôle ex-ante à un contrôle ex-post". Et d’engager une réflexion sur la gouvernance, le suivi de dossiers sensibles et la continuité de la décision publique afin d’éviter les situations de non-décision, comme cela a été le cas pour StocaMine.