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Fonction publique - Stages étudiants : le secteur public va devoir s'aligner sur le privé

Le gouvernement a annoncé que les obligations des employeurs privés accueillant des étudiants stagiaires seront étendues à la fonction publique, notamment en termes de gratification. Pour l'heure, au sein des collectivités, les pratiques en la matière sont des plus diverses...

Les ministres Valérie Pécresse et Eric Woerth ainsi que le secrétaire d'Etat à la Fonction publique, André Santini, réunissaient le 27 mai le "comité des stages" pour se pencher sur le problème des stages étudiants dans la fonction publique.
Depuis un décret du 31 janvier, une gratification de 398 euros mensuels doit être versée par les employeurs aux étudiants stagiaires qu'ils accueillent à temps plein pour une durée de plus de trois mois. Mais les administrations sont pour le moment exonérées de cette obligation. Il s'agissait donc pour le gouvernement de fournir ses pistes d'amélioration du sort de ces stagiaires du secteur public.
Ils ont notamment fait savoir que le traitement réservé aux étudiants effectuant un stage au sein de la fonction publique devra tenir compte de la nature du stage. Ils ont ainsi distingué, d'une part, les stages "consistant en la réalisation d'une tâche clairement identifiée ou au cours desquels l'intéressé est investi de véritables responsabilités, avec un portefeuille d'attributions qui lui est propre" et, d'autre part, les simples stages d'"observation" (observation du fonctionnement d'un service, travaux ponctuels dans une optique de découverte des diverses facettes de l'activité...).
Dans le premier cas, l'employeur devra prendre en charge l'étudiant "comme s'il était un agent public", que ce soit en termes de protection sociale, de congés ou, surtout, de rémunération. Celle-ci devra être au minimum basée sur le Smic, a indique André Santini, sans toutefois préciser les critères retenus pour ce type de stage, notamment pour leur durée. Dans le second cas en revanche, l'étudiant stagiaire devra se contenter d'un "défraiement" et de certaines facilités telles que l'accès aux restaurants administratifs.

Pas pour 2008

Il a par ailleurs été annoncé que la "charte des stages étudiants" signée en avril 2006 pour les stages en entreprises - charte qui prévoit notamment convention de stage, tuteur et suivi du stagiaire - sera prochainement appliquée à la fonction publique, sur la base d'une circulaire adressée aux différentes administrations. Par souci d'"'égalité des chances", les administrations seront en outre incitées à présenter leurs offres de stages aux étudiants "sur le site même des universités, dans le cadre de forums de stage, au moins une fois par an".
Au-delà de l'Etat employeur, ces orientations s'adressent bien également à la fonction publique territoriale, précisent les services de la ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Pécresse.
Le ministre du Budget, Eric Woerth, a pour sa part indiqué que ces mesures ne pourront pour la plupart s'appliquer dès l'été 2008 : "Il faut une base juridique, on en déterminera les contours", a-t-il reconnu. Ce travail s'effectuera au sein du comité des stages, où siègent notamment les partenaires sociaux.
Les réactions ont été mitigées. L'association de stagiaires Génération précaire, qui a mené le combat de la rémunération des stages, a déploré qu'on "ait fait venir trois ministres qui n'ont rien à dire si ce n'est faciliter l'accès au restaurant administratif". Pour l'Unef, Jean-Baptiste Prevost a toutefois salué "des points qui vont dans le bon sens" comme le défraiement des stages d'observation. "Mais on reste sur notre faim" concernant les autres stages, a-t-il ajouté, en regrettant que les mesures annoncées ne soient pas appliquées avant 2009. Pour la Fage, Thiébaut Weber a salué "une bonne surprise", désapprouvant en revanche que les critères des stages rémunérés n'aient pas été définis.

Au sein des collectivités, des pratiques contrastées

Dans quelle mesure les dispositions esquissées mardi changeront-elles la donne pour les collectivités ? Une chose est sûre : mairies, conseils généraux et conseils régionaux sont nombreux à ouvrir leurs portes à des jeunes en formation souhaitant acquérir une expérience professionnelle dans le cadre de leur cursus universitaire. C'est par exemple le cas à Bordeaux où la ville propose près de 500 stages chaque année, ou encore à Paris, avec 3.000 stagiaires accueillis annuellement dans les mairies.
Mais visiblement, les intéressés doivent s'attendre à tout, y compris à effectuer un vrai travail sans obtenir aucune indemnité. Ainsi par exemple, sur le site internet de Sciences-Po Bordeaux, une commune diffusait en février une offre pour un stage de deux mois "à plein temps non-rémunéré". La mission : réaliser de A à Z une enquête de satisfaction auprès des usagers de la mairie.
D'autres collectivités sont plus généreuses. Comme ce département de l'Ouest de la France qui recherche actuellement un stagiaire pour la mise à jour de son site internet : en mission pendant trois mois, celui-ci sera indemnisé à hauteur de 398 euros par mois. Ce conseil général s'est ainsi aligné sur les conditions applicables depuis le 1er février dans les secteurs privé et associatif.
Certaines collectivités ont donc décidé de manière volontariste d'appliquer la réglementation du privé à laquelle elles ne sont pas encore soumises... et, parfois même, d'aller plus loin. Tel est le cas de petites villes comme Lys-lez-Lannoy : pour appliquer une promesse faite lors de leur campagne électorale, les élus de cette ville de 13.000 habitants attenante à Roubaix (Nord) ont décidé d'accorder à partir de juin une gratification du même montant que dans le privé et ce, dès le premier mois de stage.
D'autres collectivités se sont occupées de la question de la gratification des stages avant même que le droit ne fixe des obligations aux employeurs. Dès 2003, le Sdis de Loire-Atlantique avait décidé qu'il accorderait dorénavant une indemnité mensuelle égale au quart du Smic aux stagiaires "ayant effectué une mission utile". De son côté, la ville de Paris décidait en 2006 d'accorder, en plus de certains avantages comme l'accès aux restaurants administratifs, une rémunération mensuelle de 30% du Smic aux jeunes effectuant un stage obligatoire de plus de trois mois.

T.B. / Projets publics