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Services publics : une quarantaine de schémas départementaux adoptés

Fin mars, 39 départements avaient validé leur schéma d'amélioration de l'accessibilité des services au public. Ils seront 80 d'ici fin juin 2018, indique le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), chargé de coordonner ce dispositif issu de la loi Notre du 7 août 2015.
Depuis le 1er janvier 2016, les préfets de départements et les conseils départementaux travaillent ensemble à ce chantier qui vise à renforcer le maillage de services publics sur le territoire, observer les failles et chercher à les combler. Initialement, une échéance avait été fixée au 31 décembre 2017. Sauf que tous les départements n'ont pas commencé à travailler en temps et en heure. Et il a fallu deux ans pour finaliser ces documents : six mois de consultation de la population pour évaluer ses besoins et dix-huit mois de travail partenarial entre acteurs publics et privés, pour aboutir à un diagnostic partagé des enjeux à l'échelle du département, puis à un plan d'action sur six ans. "Nous préférons un schéma collaboratif plutôt qu'une liste au père Noël qui n'aboutira pas", souligne Sylvie Cabassot, coordinatrice de politiques publiques au CGET. Cette dernière récuse d'ailleurs le terme de "schéma". "Il ne s'agit pas d'un document de planification, c'est d'abord une stratégie d'acteurs qui respectent leurs propres pratiques de délivrance de services", explique-t-elle.
Reste une vingtaine de départements où de "vrais problèmes" se posent, qu'il s'agisse des outre-mer qui ont souvent d'autres priorités en tête, comme l'accès à l'eau potable, ou d'autres départements dans lesquels "la coopération entre acteurs (entre préfet et président du conseil départemental, ndlr) est plus difficile". En Corse, les élus on préféré attendre la création de la collectivité unique afin d'avoir un seul schéma pour l'ensemble de l'île. Il y a aussi ces présidents de départements qui refusent de cautionner ce qu'ils considèrent comme un désengagement de l'Etat en matière de services publics, après les années RGPP et MAP qui se sont traduites par de nombreuses fermetures d'antennes d'administration. "Il y a encore une croyance ancienne selon laquelle les services et les équipements sont la même chose, or ce qui est important c'est la continuité, la manière dont sont délivrés ces services", explique Sylvie Cabassot.

Distinguer accessibilité et qualité

Pour accompagner les départements dans la phase de diagnostic, le CGET a travaillé avec l'Insee à la définition de paniers de services : un premier panier de 22 services essentiels de la vie courante (école, restaurant, librairie), un panier jeunes adultes (auto-école, centre de formation d'apprentis, maternité, gynécologue, cinéma), un panier famille (école, garderie, médecin) et un panier séniors (activités culturelles et sportives, soins à domicile). Chacun de ces paniers a fait l'objet d'une cartographie permettant aux élus de voir où les communes et intercommunalités se situent par rapport au reste du territoire et à quelle distance des services se trouve la population.
"Pour beaucoup de communes, cela a été une découverte de voir qu'elles étaient plutôt bien équipées", assure Sylvie Cabassot. Certes, avec des disparités, "en particulier pour les territoires de montagne où les distances sont plus grandes". Mais les diagnostics partagés auraient permis de travailler à des solutions communes. Ici un Ehpad, là un espace de coworking, une maison de santé.
Les maisons de services au public (1.200 aujourd'hui à travers le territoire) sont vues comme un outil parmi d'autres. Le CGET travaille d'ailleurs à un nouveau cahier des charges. "Il faut améliorer la qualité des maisons, car il y a des différences importantes entre elles, certaines s'inscrivent dans un vrai projet de territoire, d'autres proposent un niveau minimum d'accueil et de délivrance de services."
D'ailleurs, nombre de schémas font bien le distinguo entre l'accessibilité aux services (en termes de temps de transport, de distance, d'amplitude horaires...) et la qualité de l'offre. "Ce qui implique de ne pas mettre l'usager en position de devoir arbitrer entre un service facilement accessible et un service répondant à ses attentes", insiste par exemple le schéma de l'Allier. Le département de l'Aude, précurseur de la démarche, affiche aujourd'hui 14 maisons de services au public, chaque intercommunalité en ayant au moins une. Le 8 juillet 2016, le Premier ministre Manuel Valls s'était lui-même rendu sur place pour signer cette première. L'heure est déjà au premier bilan. Le département a aussi mis en place des services de transport à la demande pour les personnes âgées souhaitant se rendre chez un médecin par exemple. Il a également créé un observatoire de l'accessibilité des services au public, afin de jauger l'amélioration réelle du service rendu. Le modèle de cet observatoire pourra servir à d'autres départements. L'Allier est sur la même voie.

Quelle place dans Action publique 2022 ?

Même si chaque département a ses particularités propres, le CGET travaille de son côté à un référentiel unique, afin là encore d'évaluer les améliorations apportées. Une fois que l'ensemble des documents auront été analysés par ses soins, il présentera un premier bilan. Mais il en tire déjà plusieurs enseignements. "C'est un outil formidable, qui permet aux acteurs de mieux se connaître, d'être moins en compétition, c'est un facteur de dynamisation, d'attractivité au bénéfice des populations", se félicite Sylvie Cabassot.
Les régions se sont fortement impliquées. Elles y voient un outil au service de leurs contrats de plan Etat-région, de leur Sraddet (schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires) ou du schéma directeur territorial d'aménagement numérique (SDTAN). Les schémas d'accessibilité ont aussi pu être utilisés pour l'élaboration des schémas de coopération intercommunale. Alors qu'elles ont souvent la réputation de bouder ces politiques partenariales, les ARS (agences régionales de santé) et l'Education nationale se sont "fortement impliquées", relève encore Sylvie Cabassot.
A l'heure de ce premier bilan, se pose déjà la question de la poursuite du dispositif. Le ministre de la Cohésion des territoires a eu l'occasion de manifester son attachement aux maisons de services au public dont il souhaite poursuivre le déploiement. Mais on ne sait quelle attention sera portée à ces schémas, sachant qu'entretemps, le gouvernement a lancé son projet Action publique 2022 qui fixe un objet de 100% de services dématérialisés d'ici à 2022. Ce programme vise à "améliorer la qualité de services" et à "accompagner la baisse des dépenses publiques". Dans le droit fil de la RGPP et de la MAP des deux précédents quinquennats. Si la quasi-totalité des schémas ont fait du numérique un enjeu d'avenir, ils pointent aussi le risque de couper une partie de la population. A cet égard, l'Allier veut conforter la mairie comme "lieu du primo-accompagnement" du public. "L'accompagnement sera un enjeu important", insiste Sylvie Cabassot.