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emploi - Services à la personne : gare à l'euphorie !

Deux documents simultanés donnent un nouvel éclairage sur le secteur des services à la personne. L'un, plutôt optimiste, émane de l'Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui reçoit les cotisations) et se place donc du côté des employeurs particuliers, l'autre est un rapport du Cerc (Conseil pour l'emploi, les revenus et la cohésion sociale) qui passe à la loupe la nature de ces nouveaux métiers et met en garde contre un risque de "précarisation". Selon la note de l'Acoss, le nombre d'employeurs de salariés à domicile s'établit à 1,9 million fin 2006, soit une progression de 6,3%. Ce taux de croissance est le plus élevé depuis 1999, précise l'Acoss. Une tendance qui correspond au lancement du plan Borloo en 2005, avec l'objectif de créer 500.000 nouveaux emplois en trois ans. Les heures travaillées par ces salariés augmentent de 3,1% en moyenne annuelle et leur rémunération nette progresse de 7%. Mais cette progression est plus sensible en zone urbaine, notamment à Paris ou dans le Rhône où elle dépasse les 4,5%, alors que le Gers ou la Creuse connaissent au contraire un repli.
Près de 78% des employeurs bénéficient d'une exonération (contre 53% en 2005). "Depuis le 1er janvier 2006, précise l'Acoss, les employeurs qui optent pour une déclaration sur la base du salaire réel bénéficient d'une réduction de 15 points du taux des cotisations patronales." Les utilisateurs du chèque emploi service universel (Cesu), instauré en 2005, ont progressé de 11,8%, contre une moyenne d'environ 10% les années précédentes. En revanche, le nombre d'employeurs qui ont recours à une association mandataire progresse peu, le gré à gré reste la règle.
De son côté, le rapport du Cerc publié mardi 19 février évalue à 1,2 million le nombre total de salariés des services à la personne et assistantes sociales, soit 71.000 emplois de plus qu'en 2005. Or, prévient le Cerc, si "le développement quantitatif de ces emplois est indéniable, le jugement des analystes sur la qualité de ces emplois est plus contrasté". L'organisme présidé par Jacques Delors relève une "forte précarité" du secteur, avec une grande proportion de temps partiels, de bas salaires et de non-diplômés. Avec un chiffres d'affaires de 12,3 milliards d'euros, la profession reste largement féminine : 58% de femmes de ménage (y compris les aides à domicile n'assurant que du ménage), 3% d'assistantes maternelles et 11% d'aides à domicile hors ménage. Un salarié sur deux travaille pour plusieurs employeurs en même temps. Cette "pluriactivité" est ainsi très fréquente chez les assistantes maternelles et les gardiennes d'enfants à domicile (68%). Employées de collectivités locales (CCAS), d'entreprises ou d'associations, les aides à domicile font exception : plus de 80% d'entre elles ont un employeur unique.
Alors que les besoins vont augmenter, du fait du vieillissement de la population qui verra 1,2 million de personnes dépendantes en 2040 contre 800.000 actuellement, le Cerc s'inquiète d'une pénurie de nouvelles recrues vers des métiers rendus peu attractifs. Il propose de différencier les aides publiques au profit des publics sensibles et des "structures qui offrent de réelles perspectives à leurs salariés".

Michel Tendil