Sécurité globale : ce qu’il faut retenir du passage au Sénat
Après avoir été largement remaniée par les sénateurs, la proposition de loi Sécurité globale - rebaptisée "pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés" - va devoir être tranchée en commission mixte paritaire. Revue de détail des amendements du Sénat relatifs aux policiers municipaux.
"Pour un nouveau pacte de sécurité respectueux des libertés." C’est le nom plus consensuel donné par les sénateurs à la proposition de loi Sécurité globale, adoptée par leurs soins le 18 mars (238 voix pour et 98 contre), sur fond de contestation dans la rue contre le fameux article 24 sur la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre. Les sénateurs avaient prévenu qu’ils ne feraient pas de la figuration et ils s’en sont donné à cœur joie. Les nombreuses mesures touchant la police municipale ne sont pas épargnées, à commencer par celles touchant à l'utilisation de technologies modernes.
Drones
Les sénateurs ont finalement autorisé, sur proposition du gouvernement, les polices municipales à utiliser des drones, "à titre d'expérimentation et pour une durée de cinq années", comme le prévoit un sous-amendement du président de la commission des Lois, François-Noël Buffet (LR, Rhône). Ainsi, les services de police municipale pourront-ils être autorisés par le préfet de département "à procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer l’exécution des arrêtés de police du maire et de constater les contraventions à ces arrêtés" (article 22). L’autorisation est demandée par le maire et elle est conditionnée à la signature d’une convention de coordination avec les forces de sécurité de l'Etat. Les sénateurs ont par ailleurs renforcé l’encadrement juridique des drones et prévu l’élaboration par le ministère de l’Intérieur d’une "doctrine d’emploi des drones" afin de renforcer les garanties juridiques. Il s’agit de "s'assurer que ces dispositifs potentiellement très intrusifs ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée".
Les gardes champêtres pourront à leur tour expérimenter les caméras-piétons pour une durée de trois ans (après l'article 21), comme cela avait été le cas entre 2016 et 2018 pour les policiers municipaux, avant pérennisation en 2019.
Toujours au rang des moyens technologiques, les policiers municipaux sont autorisés à déployer des caméras embarquées au sein de leur véhicule (article 22 bis).
Les sénateurs ont par ailleurs rejeté l’initiative du gouvernement consistant à lui permettre de prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois après publication de la loi, "toute mesure relevant du domaine de la loi visant à modifier le régime juridique de la vidéoprotection". En revanche, ils ont rétabli sur proposition du gouvernement la disposition issue de l'Assemblée sur la mutualisation des dispositifs de vidéoprotection (article 22 A bis).
Alors qu’un décret pris après avis de la commission nationale de la vidéoprotection est amené à fixer les modalités d’utilisation de la vidéoprotection, les sénateurs ont inclut la Cnil parmi les entités devant être consultées avant ce décret.
Police judiciaire
Autre gros volet concernant les polices municipales : l’expérimentation de cinq ans de nouvelles missions de police judiciaire prévues à l’article 1er. Les sénateurs ont repoussé le début de l’expérimentation du 30 juin au 31 octobre 2021 afin de laisser aux communes le temps de se porter candidates. Pour rappel, un amendement déjà adopté en commission avait abaissé de vingt à quinze le nombre d’agents de police municipale et de gardes champêtres nécessaires à l’expérimentation.
Les sénateurs ont prévu d’étendre la formation complémentaire des agents municipaux à la totalité de la durée de l’expérimentation, soit cinq ans, et non à la seule première année. "Plus largement c’est une politique de refonte de la formation des policiers municipaux qu'il faut aujourd'hui mettre en œuvre, car de nombreux problèmes de méconnaissance des procédures sont constatés par l'ensemble des acteurs de terrain concernés", arguent les auteurs de cet amendement. Ils souhaitent que cette formation complémentaire "n'implique pas de dépense supplémentaire à la charge des collectivités" et qu’elle soit donc prise en charge par l’Etat.
A l’évaluation que les communes ou EPCI concernés devront remettre au gouvernement neuf mois avant le terme de l’expérimentation, les sénateurs ont ajouté l’obligation d’organiser un débat devant l'assemblée délibérante de la collectivité à mi-parcours de l’expérimentation. A l’initiative des rapporteurs de la commission des Lois, les sénateurs ont également prévu que le gouvernement transmette au Parlement un rapport mentionnant les communes et EPCI de l’expérimentation, ainsi qu’une évaluation intermédiaire.
Ils ont rétabli l’usage de produits stupéfiants à la liste des délits que les policiers municipaux pourront constater (cette disposition avait été supprimée par la commission des Lois).
Les sénateurs ont également ajouté un article permettant aux policiers municipaux et gardes champêtres de constater les délits causés à l’encontre des exploitations agricoles (article 1 bis A). La peine encourue serait portée d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros.
Mutualisation
Plusieurs amendements sont venus muscler le volet consacré à la mutualisation des polices municipales, notamment en milieu rural. Un amendement vise à permettre la création d’une police municipale pluri-communale entre des communes géographiquement proches mais qui n’ont pas de frontière commune. Il "introduit la notion de 'proximité territoriale' en remplacement de 'continuité territoriale' actuellement exigée", arguent les auteurs, qui relèvent "une forte augmentation des incivilités et de la petite délinquance" en milieu rural, notamment dans des communes aujourd’hui dépourvues de polices municipales. Par ailleurs, si le texte prévoyait que les maires de communes limitrophes ou d’un même EPCI puissent mettre leurs policiers municipaux à disposition, les sénateurs ont étendu cette disposition au renfort de gardes champêtres (6 bis B).
Les sénateurs ont étendu aux gardes champêtres la possibilité de mise en fourrière de véhicules. Enfin, les agents de police municipale, revêtus de leurs uniformes, pourront "faire usage de matériels appropriés pour immobiliser les moyens de transports". "Les agents de police municipale, dans le cadre de leurs missions quotidiennes de sécurité routière, peuvent être confrontés à des comportements de fuite ou de mise en danger de la vie d’autrui ou d’eux-mêmes", justifie cet amendement gouvernemental.