Sécurité du quotidien, prévention de la délinquance : ce que prépare le gouvernement
Dans une circulaire du 19 novembre, les ministres Bruno Retailleau et Nicolas Daragon donnent des instructions aux préfets pour élaborer des plans d'action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien avant le 15 janvier. Ils y évoquent aussi la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance en cours d'élaboration du côté du secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations, Othman Nasrou. Dans un cas comme dans l'autre, le leitmotiv de la place Beauvau est le "dialogue avec les maires".
"Chaque jour, plus de 1.000 Français sont victimes d'agressions, 600 connaissent le traumatisme d'un cambriolage et 1.500 subissent un acte de vandalisme." Pour conjurer cette menace à la "cohésion du corps social", le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, et le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon, viennent d'envoyer une circulaire aux préfets leur enjoignant d'élaborer "pour le 15 janvier 2025" un plan d'action départemental de restauration de la sécurité du quotidien" (PADRSQ). Alors qu'"une partie de la société est de plus en plus violente", ces plans reposent sur un "contrat" proposé aux préfets : "plus de liberté" d'action pour "plus de résultats", avait insisté Bruno Retailleau jeudi 21 novembre, en clôture du "Beauvau des polices municipales", relancé à l'occasion du Congrès des maires (voir notre article du 21 novembre). Les maires seront "pleinement impliqués" dans leur réalisation, avait souligné pour sa part le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon. "L'État ne doit rien imposer d'en haut, unilatéralement, contre les ressentis et les besoins du terrain", avait ajouté lors de ce "Beauvau" celui qui est encore maire de Valence.
Dans ce document de 5 pages daté du 19 novembre, que Localtis s'est procuré, les deux ministres demandent aux préfets d'établir un diagnostic territorial : analyse de la délinquance, localisation des faits, horaires criminogènes, profils des délinquants, cartographie des sites nécessitant une action prioritaire. L'objectif : "être là où il faut et quand il faut." Le plan devra se traduire par une "concentration des efforts sur les points chauds, le ciblage des profils perturbant durablement l'ordre public, le contrôle des flux et des points de passage obligés, ou encore la lutte contre la délinquance dans les territoires ruraux".
Dialogue avec les maires
Les plans devront décliner toutes les actions que les préfets entendent mettre en oeuvre. Outre les forces de sécurité intérieure, les deux locataires de la place Beauvau comptent sur "la mobilisation de l'intégralité des acteurs du continuum de sécurité", "notamment les maires, leurs polices municipales, les gardes champêtres", "en veillant à la résolution des difficultés concrètes et au partage de l'information" dans les instances de coordination : état-major de sécurité thématisé, CISPD/CLSPD (conseil intercommunaux et locaux de sécurité et de prévention de la délinquance), GPO (groupes de partenariat opérationnel)… "Vous devez vous impliquer dans le dialogue avec les maires en particulier, les élus de manière générale" et "développer une culture de la redevabilité des forces vers la population", exhortent les ministres. Ils invitent à la conclusion de nouveaux "contrats de sécurité intégrée", à l'intégration d'un volet "sécurité" dans les conventions Petites Villes de demain et à l'installation de dispositifs de vidéoprotection dans les lieux identifiés dans les cartographies du plan départemental.
Ils entendent aussi poursuivre les opérations "places nettes" initiées par Gérald Darmanin mais demandent de les inscrire dans la durée dans une "stratégie opérationnelle de riposte et de restauration républicaine", associant étroitement l'autorité judiciaire. Il s'agit selon eux de "casser l'écosystème délinquant" qui "déstabilise les quartiers" et "érige des contre-sociétés", avec des "contrôles administratifs à 360°" qui pourront par exemple aboutir à des fermetures de commerces ou de lieux de vie. En revanche, ils appellent les préfets à s'interroger sur la nécessité de maintenir ou non des dispositifs préexistants tels que les QRR (quartiers de reconquête républicaine) instaurés par Gérard Collomb en 2018 ou les ZSP (zones de sécurité prioritaire) créées sous François Hollande à partir de 2012.
Ils plaident enfin pour des conventions et protocoles passés avec les collectivités, les bailleurs, les opérateurs, les associations, les professions exposées pour "agir concrètement sur le territoire concerné" : enlèvement des encombrants et épaves, effacement des tags, réparation des dégradations…
Nouvelle stratégie de prévention de la délinquance
La circulaire confirme en outre la refonte en cours de la stratégie nationale de prévention de la délinquance sous l'égide du secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations, Othman Nasrou. Lors d'un forum consacré aux narcotrafics dans le cadre du Congrès des maires (voir notre article du 22 novembre), ce dernier a indiqué qu'elle serait prête pour 2025. Il ne s'agit pas vraiment d'une surprise puisque la stratégie actuelle s'achève fin 2024. Et le secrétaire général du comité interministériel à la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) planchait sur ce document depuis quelques mois. Le précédent gouvernement comptait aussi s'appuyer sur les travaux du "Beauvau de la prévention de la délinquance" orchestré par l'ancienne secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations Sabrina Agresti-Roubache. Une opération qui a finalement été abandonnée, le nouveau gouvernement ayant fait le choix de se concentrer sur le Beauvau des polices municipales et celui de la sécurité civile relancé ce lundi 25 novembre à Rouen (voir notre article de ce jour). "Nous avons besoin d’une mobilisation générale, bien sûr des maires mais de l’ensemble de la société", a déclaré Othman Nasrou, devant les maires. Ce qui semble décidément être le leitmotiv de la place Beauvau. "Paris ne sait pas tout. Il y aura autant de plans départementaux que de départements", a affirmé Bruno Retailleau, le 20 septembre, au Sénat. "À Meaux ou à Metz, j'ai pu constater que, lorsque les élus se sentent concernés, qu'ils réunissent tous les acteurs dans des comités locaux de sécurité, qu'il y a de la vidéoprotection, une police municipale armée, il y a des résultats !"
Une réunion bimestrielle se tiendra au ministère pour évaluer les résultats obtenus grâce à ces plans départementaux et adapter le cas échéant les politiques d'accompagnement nationales. Les plans seront actualisés par les préfets "a minima annuellement". "Nous ne réglerons pas la question de l'hyperviolence avec des coups de menton, ou en un claquement de doigts", a prévenu Bruno Retailleau.