Sécurité des sites industriels : une nouvelle série de textes réglementaires post-Lubrizol
Deux ans après le terrible incendie de l’usine Lubrizol et des entrepôts voisins de Normandie Logistique à Rouen, le ministère de la Transition écologique vient de finaliser, avec la publication de trois nouveaux arrêtés, l’arsenal réglementaire censé traduire son plan d’actions pour renforcer la sécurité des sites industriels. Mais la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat veille au grain et entend bien, à travers un cycle d’auditions, exercer un "droit de suite" sur ce dossier.
Deux ans après l’incendie de grande ampleur des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen, le 26 septembre 2019, le ministère de la Transition écologique a publié, ce 2 octobre, une nouvelle série de textes réglementaires (trois arrêtés) traduisant les enseignements tirés pour l’exploitation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Suite à cet accident, un ensemble de textes (deux décrets et cinq arrêtés) constituant la première phase de la mise en œuvre du plan d’actions gouvernemental post-Lubrizol destiné à renforcer la sécurité des sites industriels sont d’ores et déjà parus, il y a tout juste un an (lire notre article du 28 septembre 2020). Parmi ces textes, deux arrêtés ministériels venant renforcer les prescriptions applicables aux stockages de liquides inflammables et combustibles pour les installations soumises à autorisation sont entrés en vigueur le 1er janvier 2021.
Afin de les compléter, les réflexions et travaux se sont poursuivis pour en proposer une déclinaison pour les installations de stockages de liquides inflammables relevant de rubriques soumises à déclaration (arrêté 1) et à enregistrement (arrêté 2), notamment le stockage en récipients mobiles, tant en extérieur que dans les stockages couverts.
Renforcement des moyens de lutte incendie
Les prescriptions relatives à la détection des incendies, y compris pour les stockages extérieurs, y sont également renforcées pour les installations nouvelles, à compter du 1er janvier 2022, comme pour les installations existantes, avec des délais de conformité qui s’échelonnent jusqu’en 2026. Une surveillance accrue des installations par télésurveillance ou gardiennage pour les stockages extérieurs en récipients mobiles de plus de 10 m³ est actée, "afin de permettre une action rapide en cas de démarrage d’incendie", insiste le ministère. Il est également prévu que les installations soient munies d’un plan de défense incendie, similaire à celui exigé pour les entrepôts. Pour éviter la propagation, de manière similaire aux mesures déjà en place pour les installations à autorisation, une étude est requise afin de s’assurer qu’aucun effet thermique en cas d’incendie ne sorte des limites du site. Des délais plus longs sont retenus pour la réalisation de l’étude et des travaux pour les installations à déclaration (respectivement 5 et 8 ans contre 2 et 5 ans pour l’enregistrement).
Pour les installations à enregistrement, le calendrier proposé pour l’application des dispositions sur le dimensionnement et la conception des rétentions relatives aux stockages de récipients mobiles de liquides inflammables en extérieur (maximum de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur des textes), repose là aussi sur une "approche proportionnée tenant compte des enjeux et risques associés", souligne le ministère.
Capacité de prélèvement environnementaux
Un troisième arrêté prévoit quelques ajustements aux arrêtés ministériels du 24 septembre 2020 et du 3 octobre 2010 relatifs au stockage de liquides inflammables exploités au sein d'une ICPE soumise à autorisation. Il vient ainsi clarifier un certain nombre de points identifiés à l’occasion de l’élaboration des guides d’accompagnement des textes, en particulier dans le champ d’application et dans les annexes relatives aux installations existantes (voir le guide sur l’arrêté ministériel du 11 avril 2017 modifié relatif aux prescriptions générales applicables aux entrepôts couverts soumis à la rubrique 1510 et le guide de lecture des textes relatifs aux installations de stockage et de chargement/déchargement de liquides inflammables). La modification de l’arrêté du 4 octobre 2010 relatif à l’état des matières stockées n’est pas significative (correction d'une coquille). Sur le volet Seveso, le texte complète en revanche l'arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier du livre V du code de l’environnement. Il remplace par un texte de niveau réglementaire des précisions apportées jusqu’ici par simple circulaire (instruction du gouvernement du 12 août 2014 et avis du 9 novembre 2017) s’agissant d’articuler les obligations relatives aux prélèvements environnementaux dites "Lubrizol 1" relatives aux substances odorantes et toxiques (suite à un précédent incident remontant à 2013 : fuite de mercaptans) et les obligations dites "Lubrizol 2 et Normandie Logistique" relatives aux produits de décomposition.
Pour rappel, les plans d’urgence internes (POI) seront également obligatoires pour les sites Seveso seuil bas, à compter de 2023. Ils devront préciser les moyens prévus par l’exploitant permettant de mener les premiers prélèvements et analyses environnementaux en cas d’accident. Les études de dangers devront en outre mentionner les principaux types de produits de décomposition susceptibles d’être émis en cas d’incendie.
Agenda chargé au Sénat
De son côté, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat s’engage dans un cycle d’auditions pour marquer un double anniversaire (deux ans de Lubrizol et vingt ans de la catastrophe AZF à Toulouse). "L’objectif du travail que nous engageons aujourd’hui est clair : nous assurer que notre politique de prévention des risques s’est renforcée et que des leçons ont été tirées de cet évènement. Nous souhaitons vérifier que les préconisations de la commission d’enquête du Sénat ont bien été mises en œuvre par le Gouvernement", a précisé son président, Jean-François Longeot, dans un communiqué. Le Sénat entend donc exercer un "droit de suite" au rapport "Risques industriels : prévenir et prévoir pour ne plus subir" pour tirer un bilan des actions du gouvernement sur ce dossier et relayer les préoccupations des habitants. Les associations représentants les victimes de l’accident de Rouen ont ainsi été reçues pour un temps d’échange le 29 septembre dernier, durant lequel elles ont d’ailleurs exprimé "leurs inquiétudes et un fort mécontentement". Dans la foulée, la commission a également accueilli des organismes spécialisés dans la maîtrise des risques technologiques et la surveillance de la qualité de l’air, avant d’entendre, le 27 octobre prochain, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.
La prévention des risques sera par ailleurs "au cœur des travaux de la commission dans les prochains mois", indique le communiqué. L’examen de la proposition de loi visant à réformer le régime des catastrophes naturelles (adoptée à l’Assemblée en début d’année) et la programmation d’une audition consacrée aux risques associés à la présence de nitrates d’ammonium dans les ports français, un an après l’accident de Beyrouth, figurent entre autres à son agenda.
Références : arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 22 décembre 2008 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous l'une ou plusieurs des rubriques nos 1436, 4330, 4331, 4722, 4734, 4742, 4743, 4744, 4746, 4747 ou 4748, ou pour le pétrole brut sous l'une ou plusieurs des rubriques nos 4510 ou 4511 ; arrêté du 22 septembre 2021 modifiant l'arrêté ministériel du 1er juin 2015 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de l'une au moins des rubriques 4331 ou 4734 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement ; arrêté du 22 septembre 2021 modifiant les arrêtés ministériels du 24 septembre 2020 et du 3 octobre 2010 relatifs au stockage de liquides inflammables, exploités au sein d'une installation classée pour la protection de l'environnement soumise à autorisation, l'arrêté du 26 mai 2014 relatif à la prévention des accidents majeurs dans les installations classées mentionnées à la section 9, chapitre V, titre Ier du livre V du code de l'environnement et l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à la prévention des risques accidentels au sein des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, JO du 2 octobre 2021, textes n° 5, 6 et 4. |