Sécheresse : la recharge des nappes phréatiques retardée, le gouvernement appelle à la sobriété
Les nappes phréatiques françaises, en souffrance depuis plusieurs mois, continuent de pâtir de l'inhabituelle chaleur automnale et de pluies insuffisantes, selon le dernier bulletin mensuel du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Face à cette situation, le gouvernement appelle les usagers à la sobriété pour faciliter la reconstitution des réserves hivernales.
Au 1er octobre, 66% des nappes métropolitaines étaient encore sous les normales, une situation légèrement plus dégradée qu'à la fin août (62% sous les normales), a annoncé ce 12 octobre le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) en présentant son dernier bulletin de situation.
"Les orages de mi-septembre ont été peu efficaces pour la recharge des nappes" et par conséquent "la situation se dégrade entre août et septembre", a indiqué l'organisme public, notant que 18% de ses points d'observation restent à des niveaux très bas. Si la situation est "globalement plus favorable" qu'en septembre 2022, quand 74% des niveaux étaient sous les normales, elle est aussi plus contrastée.
Les pluies tombées par endroits au printemps et cet été ont permis de recharger en partie certaines nappes, notamment en bordure du littoral, de la Seine-Maritime au Pas-de-Calais ou sur la façade Atlantique. Mais la majeure partie du territoire reste confrontée à des niveaux préoccupants, voire "historiquement bas", notamment autour du pourtour méditerranéen, dans le couloir Rhône-Saône, le bassin parisien et le sud de l'Alsace.
L'automne, "période charnière"
Cette situation est d'autant plus inquiétante que l'automne est une "période charnière". Septembre marque habituellement le début de la recharge des nappes, avec la survenue des premières précipitations importantes et la chute des températures. Mais cette année, "la part des pluies infiltrées en profondeur reste faible en raison de précipitations insuffisantes et d'épisodes orageux localisés et intenses favorisant le ruissellement.
De plus, la végétation est encore active, du fait de températures élevées, et consomme une partie de l'eau infiltrée", souligne le BRGM. Résultat : 70% des nappes continuent de se vider et seules 12% sont en hausse en septembre. "Ce n'est pas normal. D'habitude, on a davantage de niveaux en hausse à cette période", a souligné Violaine Bault, hydrogéologue au BRGM lors d'un point téléphonique. "Mais ces dernières années, il pleut de moins en moins en début d'automne."
Septembre, mois le plus chaud jamais mesuré en France
Selon Météo-France, le mois de septembre a été le plus chaud jamais mesuré en France. Il s'est terminé en métropole "entre 3,5 et 3,6°C" au-dessus de la période de référence 1991-2020, "avec une température moyenne de 21,5°C" environ, avait annoncé le prévisionniste national le 29 septembre. Et cette chaleur inhabituelle et "exceptionnelle" se poursuit en octobre. La barre des 30 degrés a été régulièrement franchie et "depuis le début du mois, il n'a quasiment pas plu" après un déficit de précipitations de 20% en moyenne en septembre, favorisant une "tendance à l'assèchement" des sols, a ajouté jeudi Météo-France.
"Les températures douces risquent de repousser la mise en dormance de la végétation" et par conséquent la recharge des nappes, estime le BRGM. "Le début de la période de recharge reste donc très incertain pour le mois d'octobre". Or ce sont de ces niveaux de recharge automnaux et hivernaux que dépendra la situation de l'an prochain.
"Il existe de fortes incertitudes et nous ne sommes guère optimistes", a déclaré Violaine Bault. "Depuis près de cinq ans, on a perdu entre 15 jours et trois semaines de recharge, qui se voit par ailleurs raccourcie par des printemps de plus en plus précoces", ajoute l'hydrogéologue qui craint de voir la situation de déficit des nappes "passer de conjoncturelle à structurelle". Pour des nappes comme celles de la Sundgau en Alsace ou du couloir Rhône-Saône, "il semble très peu probable de compenser les déficits accumulés depuis plusieurs années et de retrouver des niveaux au-dessus des normales en 2024", avertit le BRGM.
"Vigilance" et "poursuite des efforts" de sobriété
Selon le ministère de la Transition écologique, au 12 octobre, 83 départements sont encore en situation de sécheresse et ont pris des mesures de restriction des usages de l'eau. "Cette situation doit appeler chacun à la vigilance et la poursuite des efforts" notamment en matière de sobriété, a souligné le ministre Christophe Béchu dans un communiqué, à l'issue d'une réunion du Comité d'anticipation et de suivi hydrologique pour faire le point sur l'état de la ressource en eau. "Au regard de la situation, le gouvernement fait appel à la responsabilité des usagers pour maintenir et renforcer les actions de sobriété d'usage de l'eau, y compris pendant la période hivernale, afin de reconstituer les réserves et ne pas hypothéquer les ressources en eau de l'été prochain", souligne le ministère.
"Les agents de l'État et de l'OFB [Office français de la biodiversité] sont et resteront mobilisés pour assurer le respect des mesures de restriction définies par les préfets de départements", insiste-t-il aussi. Depuis le début de l’année, près de 10.000 opérations de contrôle ont été effectuées par les agents de l’État (près de 2.000) ou de l’OFB (près de 8.000), pour un total de plus de 400 procédures ouvertes à ce stade, indique-t-il. "Il s’agit d’un effort particulièrement important, notamment dans les départements les plus touchés (+100% par rapport à 2022 dans l’Aude, le Gard ou les Pyrénées orientales par exemple ; +300% dans l’Hérault ; 260 contrôles à Mayotte, non concerné en 2022, etc.)", ajoute-t-il. Dans les départements non concernés par la sécheresse, les agents de l’OFB ont mené 1.000 opérations de contrôle portant sur le respect des autorisations de prélèvement d’eau. Mais selon le ministère, les contrôles se sont soldés par un plus faible taux de procédures pour manquements ou infractions, traduisant "une certaine prise de conscience des enjeux et un meilleur respect des règles que l'an passé".