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Education / Santé - Sanitaires des collèges et lycées : que peuvent faire les collectivités ?

Utiliser les toilettes du collège ou du lycée pose problème à de nombreux élèves, selon une enquête réalisée par l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement. Avec des conséquences sur leur santé et leur bien-être. Si les règles élémentaires de civisme doivent être perpétuellement rappelées, la collectivité locale, responsable du bâti, a aussi son rôle à jouer dans la conception et l'aménagement de ces lieux collectifs à usage intime.

Le 18e rapport de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement, rendu public mercredi 12 mars (1), porte cette année son attention sur l'état des sanitaires dans les établissements du second degré. Un sujet tabou qui concerne pourtant la santé et la sécurité des élèves, leur confort, mais aussi les règles de vie collective des citoyens dans des lieux publics.
28% des établissements ont indiqué avoir connaissance de cas d'élèves ayant renoncé à utiliser les toilettes, selon une enquête menée en juin 2013 par l'observatoire, auprès de 1.700 collèges et lycées. C'est le cas de 34% des collèges ayant répondu à l'enquête, 16% des LEGT (lycée d'enseignement général et technologique), 10% des LP (lycées professionnels). 23% des élèves se plaignent de la propreté des sanitaires, 32% des odeurs, 12% du non-respect de l'intimité, 19% de matériel dégradé.

Un sujet de santé publique qui concerne aussi les collectivités

Pour y remédier, l'observatoire formule trois recommandations, parmi lesquelles la recherche d'une "bonne articulation entre les compétences des collectivités et celles des autorités nationales et académiques". "Il apparaît nécessaire d'engager dans chaque établissement une réflexion sur l'utilisation des sanitaires", suggère-t-il également, rappelant qu'il faut en la matière "croiser les approches". Et de citer la conception des lieux, l'éducation, la pédagogie, la surveillance, la maintenance et le nettoyage.
Rien de bien nouveau en réalité. "L'hygiène et la sécurité dans les sanitaires des établissements scolaires est un sujet de santé publique qui concerne aussi bien les collectivités propriétaires des établissements que les représentants de l'Education nationale exploitant les bâtiments, les usagers, les parents d'élèves, les médecins et bien entendu les élèves", déclarait déjà Jean-Marie Schléret, président de l'observatoire, lors de la présentation d'une étude similaire dans le rapport 2007 (voir notre article du 29 janvier 2008).

Investir dans la programmation architecturale

Cette année encore, l'observatoire recommande de "créer ou renforcer la coopération avec la collectivité de rattachement pour la conception, la rénovation et l'aménagement des sanitaires". En tant que maître d'ouvrage, la collectivité doit veiller par exemple à ce que la conception des locaux favorise une politique de surveillance "prenant en compte les impératifs de la vie collective mais aussi l'intimité". Bref, d'investir dans la programmation architecturale des projets de construction et de rénovation des établissements.
L'observatoire recommande ainsi de porter un soin particulier non seulement à la sécurité mais aussi à "la qualité de l'ambiance des lieux", estimant que c'est "une exigence à l'égard des élèves". Le nombre et la localisation des blocs sanitaires doivent naturellement être réfléchis, l'espace "suffisant et accueillant" sans oublier d'être accessibles pour les différents types de handicaps. Le "souci d'hygiène et de bien-être" pour les élèves doit être pris en compte, mais aussi le souci esthétique avec par exemple l'installation de miroirs ou encore de jeux de couleurs sur les murs.
La conception des locaux doit permettre de faciliter l'entretien et la propreté des lieux, faciliter les réparations pour les opérations courantes… D'autres préconisations également très concrètes et bien connues des programmistes sont énoncées dans le rapport : utilisation de portes et cloisons respectant l'intimité, plafonds non utilisables comme cachette, sols antidéparants, peinture et revêtements résistants et anti-graffitis…

Une campagne nationale sur les comportements "citoyens"

"Si les conseils généraux et régionaux ont la responsabilité du bâti, le ministère a également un rôle à jouer dans la diffusion des bonnes pratiques en matière d'hygiène et de respect des lieux et des personnels", reconnaît le ministère de l'Education nationale. "Dans le cadre de son action sur la prévention en matière de santé des élèves, le ministère de l'Education nationale demandera aux équipes éducatives, dans sa prochaine circulaire de rentrée, de porter une attention particulière à l'environnement scolaire (sanitaires, cours de récréation…) et à la qualité de son entretien", ajoute-t-il, sans réagir directement à la seconde grande recommandation de l'observatoire d'organiser à l'échelle nationale une semaine de campagne sur "le bon usage des espaces collectifs (dont les sanitaires) dans les établissements scolaires" pour inciter les élèves à adopter des comportements "citoyens".

Dans 65 % des établissements, les cuvettes sont bouchées

De nombreuses détériorations sont en effet signalées. Si bien que 60% des établissements ont eu besoin de fermer des cabines WC durant l'année scolaire 2012-2013, et parmi eux le quart ont dû le faire plus de deux fois. Les causes ? 65% des établissements ont été victimes de "cuvettes bouchées" dans les sanitaires des garçons (58% dans ceux des filles) ; murs et portes sont souvent tagués ou recouverts de graffittis ; chez les garçons, le sol est fréquemment imprégné d'urine (51% des cas) ; les fermetures des portes (et parfois les portes elles-mêmes) sont cassées en particulier chez les garçons (41% contre 21% chez les filles).
Sans compter les boulettes de papier sur les murs et les plafonds, les dalles de plafond soulevées ou enlevées, les siphons "dévissés, déboîtés et/ou cassés", les canalisations arrachées, les robinets, lavabos, cuvettes et urinoirs descellés…
Il n'est alors pas étonnant que 34% des élèves déplorent le comportement des autres élèves et 19% des élèves se plaignent du matériel dégradé. Face à ces incivilités, la conception des sanitaires peut certes apporter une réponse sur les matériaux utilisés (sols antidérapants…) mais l'observatoire compte surtout sur des "mesures constructives préventives". Pour l'heure, 60% des établissements se seraient lancés dans une démarche de sensibilisation à l'hygiène et à l'utilisation des toilettes et parmi eux 59% n'ont pas enregistré d'amélioration durable.

Téléphone, bagarres, tabac, alcool…

5% des établissements signalent des accidents ayant donné lieu à déclaration dans les blocs sanitaires. "Les faits graves et/ou interdits ne sont pourtant pas rares", souligne l'observatoire, attribuant cela au fait que "l'anonymat relatif et une surveillance nécessairement moins présente facilite l'utilisation de ces locaux par les élèves pour se livrer à des actes interdits",
L'usage du téléphone portable (pourtant interdit dans les écoles et les collèges selon l'article L.511-5 du Code de l'éducation) est signalé dans les toilettes de près de 43% des établissements. Si cela concerne le plus souvent des "jeunes adeptes de la communication", nul doute pour l'observatoire qu'il peut aussi concerner des enregistrements visuels même si "les réponses à l'enquête ne font pas état de ce type de harcèlement pourtant mis en évidence par des cas médiatisés".
33% des établissements rapportent que des garçons fument du tabac dans les sanitaires en cachette des adultes (25% pour les filles). La consommation d'alcool aux toilettes est signalée dans 10% des LEGT et 11% des LP pour les garçons (elle est de 2% pour les lycéennes, 1% pour les collégiennes et 3% pour les garçons collégiens). L'usage des drogues concerne particulièrement les lycées (8% des LP, 5% des LEGT).
21% des collèges signalent des bagarres et agressions dans les sanitaires des garçons (13% en LP et 4% en LEGT). Il n'est pratiquement pas signalé pour les garçons de tentative de suicide. Mais dans les sanitaires des filles, 8 tentatives de suicide ont été signalées sur les 1.700 établissements. Des actes sexuels sont également signalés autant chez les filles que les garçons (18 cas).
Face à cela, les toilettes sont surveillés en permanence dans seulement 8% des établissements.

Papier et savon

D'un point de vue strictement hygiénique, 2% seulement des établissements n'assurent pas le nettoyage des toilettes tous les jours et 61% se limitent à un seul nettoyage par jour (un tiers va jusqu'à deux fois). En cas de nécessité, seulement un établissement sur 5 assure immédiatement la propreté des lieux.
91% des établissements mettent à disposition du papier hygiénique et 82% du savon (à comparer au "ressenti" des élèves dont 42% se plaignent du manque de papier et 25% du manque de savon).
Signalons enfin que dans la moitié des établissements ayant répondu à l'enquête, les élèves n'ont pas accès à l'eau potable en dehors des toilettes, "d'où des questions d'hygiène, d'encombrement des lieux et de risques de projections d'eau", souligne l'observatoire.

Valérie Liquet

(1) Adopté en séance plénière le 11 décembre, il avait été remis, conformément au code de l'Education, aux ministres de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche le 17 décembre 2013.
 

 

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