Salon des maires – Les financements annuels dédiés à la politique de l'eau doivent augmenter de plus de 50% selon une étude
Dévoilée ce 20 novembre au Salon des maires, une étude évalue à 13 milliards d'euros par an les financements supplémentaires nécessaires à la politique de l'eau pour faire face aux enjeux du changement climatique, de sobriété et de qualité, soit une hausse de 56%.
À l'occasion du Salon des maires, le Cercle français de l'eau (CFE), qui regroupe associations d'élus, parlementaires et industriels pour échanger autour de la politique de l'eau, a dévoilé ce 20 novembre une première synthèse d'une étude nationale sur le financement de l'eau dont les résultats complets seront disponibles le 29 novembre sur le site du CFE . Menée avec l’appui du ministère de la Transition écologique et en partenariat avec Amorce, l’Association nationale des élus de bassin (Aneb) et Intercommunalités de France, l'étude, qui se fonde sur des données collectées en 2023 auprès des acteurs de l’eau en France métropolitaine, notamment les agences de l’eau, les collectivités territoriales et les services publics d’eau et d’assainissement, présente la répartition des financements entre ménages, collectivités, industries et secteur agricole, et évalue les coûts non couverts actuellement.
Des dépenses reposant principalement sur les ménages
Sur la période 2013-2022, la France a consacré en moyenne chaque année 23,4 milliards d'euros, soit 0,84% de son PIB, à la politique de l'eau. 92% de ces dépenses ont été allouées au petit cycle de l'eau (eau potable, assainissement, gestion des eaux pluviales) et 8% au grand cycle (préservation et restauration des milieux aquatiques, gestion des inondations).
La quasi-totalité de ces dépenses repose sur les consommateurs. Les ménages sont de loin les premiers contributeurs (53% des dépenses, soit 12,5 milliards d'euros/an), suivis des industriels (23% des dépenses, 5,3 milliards d'euros/an), des activités de production assimilées domestiques (9%, 2,2 milliards d'euros/an), ces dernières étant à quasi-égalité avec l'agriculture (2 milliards d'euros/an). 6% des dépenses sont financées par les contribuables - via le budget de l’État et des collectivités (1,4 milliard d'euros/an). L'étude note aussi des "inégalités territoriales dans le financement", "les dépenses globales par habitant variant d'environ 300 euros (Seine-Normandie) à plus de 450 euros (Rhin-Meuse)". De plus, souligne-t-elle, "les territoires fortement artificialisés supportent des coûts environnementaux élevés".
Selon Maria Salvetti, économiste spécialisée dans les questions liées à l'eau, qui a supervisé l'étude, la France "pourrait mieux faire" par rapport à ses dépenses actuelles puisque "l'OCDE donne une fourchette qui va de 0,5 à 1,2% du PIB, qui doit être dépensé dans les pays développés pour les seuls services publics d'eau et d'assainissement", souligne-t-elle, contre 0,84% pour l'intégralité de la politique de l'eau.
13 milliards d'euros supplémentaires par an à prévoir
L'étude chiffre ainsi à 13 milliards d'euros les dépenses supplémentaires qu'il faudrait engager pour la politique de l'eau. Dans ces 13 milliards, 5 milliards seraient nécessaires rien que pour couvrir les coûts environnementaux : "Ce sont les coûts qui correspondent à toutes les mesures qu'il faudrait mettre en oeuvre pour atteindre le bon état écologique sur 100% des masses d'eau en France", selon Maria Salvetti. À cela s'ajoutent 4,6 milliards d'euros par an "à investir pour moderniser et décarboner les infrastructures d'eau et d'assainissement", indique l'étude qui évalue en outre à 3 milliards d'euros les sommes à ajouter "pour anticiper les coûts assurantiels liés aux sécheresses et inondations".
À l'appui de son étude, le CFE appelle à "repenser le modèle de financement" en intégrant "un nouvel équilibre entre tarifs, redevances et fiscalité, tout en favorisant le recours à l'emprunt pour répondre aux besoins urgents". Il recommande aussi d'accroître les investissements dans le grand cycle de l'eau pour restaurer les milieux aquatiques, renforcer la gestion quantitative et prévenir les inondations. Selon le CFE, qui est présidé par Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne, il faut également "conforter le rôle des agences de l'eau". "Bien que représentant moins de 10% des dépenses globales, elles jouent un rôle crucial grâce à leur effet levier important, leur capacité de péréquation territoriale et leur mission d'orientation stratégique", souligne l'association.
Un prix de l'eau appelé à augmenter
Alors que le dernier plan eau prévoit une baisse de 10% des prélèvements d'ici 2030, il va falloir mener "un travail approfondi sur les modèles économiques des services d'eau et d'assainissement, aujourd'hui impactés par la baisse des volumes" et donc des recettes, a reconnu Célia de Lavergne, directrice de l'eau et de la biodiversité au ministère de la Transition écologique. Pour elle, "le prix de l'eau va augmenter nécessairement" et la baisse de la consommation ne compensera pas totalement cette hausse du prix du mètre cube sur la facture des ménages.
Pour Nicolas Garnier, délégué général du réseau Amorce, qui représente des collectivités engagées dans la transition écologique, il faut mettre davantage à contribution les industriels. "Si on ne va pas chercher le pollueur, celui qui est à l'origine de cette pollution, (...) qui va payer les traitements de ces pollutions ? C'est l'usager de l'eau", a-t-il déclaré à l'AFP.