Ruralité : après la réindustrialisation, voici le temps de la recommercialisation et de la réartisanalisation

Rideaux tirés, magasins fermés, centres-villes désertés. Pour lutter contre la désertification des petites communes rurales, la ministre en charge du commerce et de l’artisanat, Véronique Louwagie, se mobilise dans le prolongement de ses prédécesseurs. A l’occasion d’un débat organisé le 13 février par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale sur le thème des services essentiels dans les territoires ruraux, elle a esquissé les contours de sa feuille de route.

Après la réindustrialisation des territoires, l’heure est à la "recommercialisation" et à la "réartisanalisation". C’est l’objectif que se fixe Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des PME et de l’économie sociale et solidaire, en partenariat avec les élus, maires, présidents des communautés de communes, et des parlementaires. "Aujourd’hui, 62% des communes ne disposent d’aucun commerce alors qu’en 1980, ce taux était de 25%", indique-t-elle. Le développement économique de ces territoires fait donc partie des objectifs prioritaires de sa feuille de route.

Le Fonds de soutien au commerce rural

Il existe déjà une boîte à outils bien fournie alimentée par les gouvernements précédents. Le Fonds de soutien au commerce rural qui a été reconduit au cours du dernier débat budgétaire en fait partie. Depuis 2023, ce fonds a connu un véritable succès. "Sur 990 projets, il a permis de soutenir 604 projets commerciaux dans 455 communes", précise Stanislas Bourron, directeur général de l’ANCT, l’Agence nationale de cohésion des territoires. 

A l’avenir, la ministre souhaite mieux agir sur la vacance commerciale. "Quand, dans une commune, des locaux sont vacants, cela rejaillit sur les commerces avoisinants", observe Véronique Louwagie qui veut soutenir "davantage encore" les managers de commerce en zone rurale. Elle souhaite également poursuivre la réflexion sur les commerces itinérants (140.000 à ce jour) avec l’ensemble des élus, et dynamiser le programme "Petites villes de demain" lancé en octobre 2020 pour renforcer les moyens des élus des villes et leurs intercommunalités de moins de 20.000 habitants. A cet effet, elle annoncera plusieurs mesures prochainement, de même que sur les métiers de la restauration. Une autre priorité consiste à mieux mobiliser les fonds européens au profit des territoires ruraux.

La mensualisation des loyers commerciaux

Le dossier de la simplification de la vie économique concerne lui aussi les commerçants et les artisans. Le projet de loi de simplification de la vie économique déjà adopté au Sénat cet automne (voir notre article du 23 octobre), et qui doit revenir à l’Assemblée nationale dans quelques mois, comportera des mesures intéressant les commerçants "pour simplifier leur vie et améliorer leur trésorerie".

La mise en place de la mensualisation des loyers devrait faire partie du train de mesures prévu par la loi ainsi que les règles régissant les débits de boisson qui sont souvent des commerces multiservices. Enfin, la ministre réunira prochainement le Conseil national du commerce pour qu’il se saisisse de la question de l’IA. 

Véronique Louwagie se déclare aussi très préoccupée par la question de la transmission et de la reprise des commerces et des activités artisanales. "Nous devons trouver un repreneur à chaque fois qu’un commerçant ou un artisan part à la retraite. C’est un véritable défi pour les dix ans à venir."

"Urgence à se mettre autour de la table"

Si la mise en mouvement des acteurs économiques impliqués dans la recommercialisation et la réartisanalisation des territoires a commencé à produire des résultats en moins de trois ans d’existence, le président de CCI France Alain Di Crescenzo appelle cependant tous les acteurs à "se mettre autour de la table car il y a urgence". Urgence à sauver le commerce dont le chiffre d’affaires "est supérieur à celui de l’industrie dans notre pays" (2.000 milliards d'euros) et génère 3,4 millions d’emplois. "En 2024, 75% des commerçants nous ont signalé que leur activité a été stable ou inférieure à celle de 2023. Un tiers des commerçants nous disent que 2025 sera moins bonne que 2024 et seuls 13% espèrent une amélioration de leur activité."

Plusieurs facteurs expliquent ces difficultés, selon Alain Di Crescenzo. Certains sont communs à d’autres secteurs (le fort endettement des entreprises, la baisse significative des marges qui s’est accélérée avec la hausse de l’inflation, la faible croissance, le covid…). D’autres facteurs sont propres au commerce : l’explosion du e-commerce et la transformation des habitudes des consommateurs. "Tous les dispositifs d’aides sont magnifiques mais ils ne sont pas à la maille de l’urgence", estime Alain Di Crescenzo.

Même tonalité du côté de Fabienne Munoz, vice-présidente de CMA France. "Compte tenu de la situation économique, il est indispensable de tous travailler ensemble dans le respect de nos compétences respectives afin de développer une économie de proximité dans la ruralité", dit-elle. Pour CMA France, il est nécessaire de renforcer la place de l’artisanat dans les centres villes et centre bourgs avec un fonds de soutien de l’artisanat. Il faut aussi "impliquer davantage les CMA dans l’opérationnel et le suivi" en réalisant un diagnostic participatif sur les projets de territoire, et mettre en place une ingénierie pluridisciplinaire incluant les CMA pour les projets d’aménagement. 

Pérenniser et étendre les zonages

L’association propose également de pérenniser et étendre les zonages pour "préserver un tissu économique dans la ruralité et l’hyper ruralité". Le dispositif zone de revitalisation rurale (ZRR) devenu France ruralités revitalisation (FRR) "doit être maintenu car il permet vraiment la préservation d’entreprises structurées grâce à des dispositifs fiscaux avantageux".

Enfin, pour les artisans, le financement de l’apprentissage et des CFA est un sujet majeur. "La formation des jeunes dans l’artisanat en milieu rural, c’est un enjeu essentiel pour répondre aux besoins de recrutement des entreprises et assurer la relève des artisans qui vont partir à la retraite", souligne Fabienne Munoz. Elle rappelle qu’une concertation est en cours au ministère du Travail sur les niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats d’apprentissage (c’est-à-dire les coûts des formations. Si le ministère du Travail, France compétences, les branches professionnelles et les différents acteurs de l’apprentissage ne s’accordent pas sur une revalorisation des NPEC, "certaines sections de CFA notamment ruraux, formant aux métiers de la boulangerie, de la coiffure, de la boucherie seront contraintes de fermer à la rentrée 2025", prévient la vice-présidente de CMA France.

 

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