Archives

Intégration - Roms : la discrimination positive est contreproductive, estime un sénateur

L'évacuation des campements illicites, les villages d'insertion, les aides au retour... Rien de cela ne règle le problème des Roms, estime le sénateur Michel Billout dans un rapport rendu public le 13 décembre. Ce dernier invite à sortir des mesures de discriminations positives et demande à l'Union européenne de simplifier ses dispositifs d'aide.

Les expulsions de camps illicites de Roms se poursuivent mais ne résolvent rien dans la durée, estime le sénateur communiste Michel Billout dans un rapport rendu public le 13 décembre. "A chaque fois qu'il y a une expulsion, on ne fait que déplacer le problème d'un département à un autre et on le massifie", estime-t-il. Avec les regroupements, "on finit pas se retrouver avec 400 Roms au même endroit, logés dans de véritables bidonvilles… Il devient alors plus difficile aux acteurs locaux de trouver des solutions". Selon le rapporteur, la circulaire 12 août 2012 qui impose désormais un diagnostic des besoins des populations préalable à toute expulsion, assorti de solutions de relogement, n'est pas respectée sur le terrain.

Victimes de réseaux

Le sénateur, dont le rapport a été adopté la semaine dernière par la commission des affaires européennes, a anticipé la décision du ministre de l'Intérieur de supprimer l'aide financière au retour volontaire. Manuel Valls a en effet déclaré vendredi 7 décembre que cette aide avait des "effets pervers" en créant "un circuit entre la Roumanie et notre pays" et qu'elle allait être supprimée. Cette aide de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant a bénéficié à 10.608 personnes en 2011 dont une majorité de Roumains, soit un coût évalué entre 5 et 10 millions d'euros par an. Mais elle "a créé un véritable appel d'air", estime le sénateur. "Ce n'est guère étonnant quand on sait que le ticket de bus entre la Roumanie et la France se situe aux alentours de 60 euros", indique-t-il dans son rapport. En contrepartie, le sénateur propose de consacrer plus de crédits à l'aide à l'insertion pour ceux qui souhaitent créer une activité économique de retour dans leur pays d'origine. Cette aide apporte la garantie que "le retour est effectivement choisi et s'inscrit dans un projet de vie". 80 familles devraient en bénéficier en vertu d'un accord signé le 12 septembre lors du déplacement de Manuel Valls à Bucarest.
Le sénateur se défend de faire dans "l'angélisme". Selon lui, la présence de Roms en France (entre 15.000 et 40.000, selon les estimations, compte tenu de l'absence de statistiques) ne va pas sans poser de problèmes. "Je ne nie pas qu'aujourd'hui des réseaux criminels agissent auprès des populations roms, mais je pense que la plus grande partie des Roms sont des victimes de réseaux de proxénétisme, de réseaux qui emploient des enfants, des adolescents, notamment pour les vols à la tir…", tient-il à préciser. Sans parler des vols de métaux dont ces réseaux se sont fait une spécialité. Récemment, l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a alerté sur l'ampleur de ce phénomène qui a explosé ces dernières années, touchant particulièrement la SNCF. Actuellement, un procès exceptionnel se tient à Montpellier mettant en cause un réseau de 41 Roms accusés d'avoir dérobé quelque 400 tonnes de cuivre entre 2010 et 2011…

"Réserves d'Indiens"

Mais pour Michel Billout, "on ne peut pas combattre les revenus illégaux sans faciliter les revenus licites". Or selon lui, il existe beaucoup de blocages. Notamment sur le marché du travail. Le sénateur appelle la France à lever toutes les dispositions transitoires qui restreignent l'accès au marché du travail jusqu'à la fin 2013 : titre de séjour, autorisation de travail. Si des assouplissements ont déjà été apportés, comme la suppression de la taxe due à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et l'élargissement de la liste des métiers, le maintien de ces mesures transitoires "apparaît comme profondément discriminatoire et guère compréhensible", s'insurge Michel Billout qui compare, dans son rapport, les 10.000 actifs roumains ou bulgares aux "330.000 salariés étrangers 'à bas coût' qui travailleraient en France en 2012 dans le cadre d'opérations de sous-traitance confiées à des prestataires étrangers". Des chiffres provenant du ministère du Travail mais revus à la baisse par ce dernier qui parle désormais de 145.000 salariés détachés.
Seulement, les Roms n'ont souvent pas le niveau de qualifications requises. Outre un meilleur accès à l'éducation secondaire et à l'université, qualifié de "vrai problème", le sénateur encourage le recours aux emplois d'avenir.
Michel Billout refuse toute mesure de "discrimination positive" qui selon lui s'avérerait "contreproductive". Il se montre prudent à l'égard des villages d'insertion souvent présentés comme la panacée : "Si c'est créer des réserves d'Indiens acceptables, on se trompe", considère-t-il. Plus globalement, il s'en prend aux stratégies nationales pour l'inclusion des Roms que Bruxelles a demandées à chaque Etat membre, leur préfèrant les politiques de "droit commun". Il appelle en retour l'Union européenne à simplifier son système d'aides à travers le Fonds social européen. En France, un conseil général a dû mobiliser "5 fonctionnaires pendant six mois" pour monter un dossier de financement de village d'insertion, illustre-t-il. Une complexité souvent rédhibitoire pour les associations et les collectivités, surtout dans les pays d'origine : la Roumanie ne consomme ainsi que 10% de ses crédits.