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Compétitivité - Rhône-Alpes en "pôle position"

Après Hongkong, le Congrès mondial des clusters se déroule à Lyon du 9 au 13 octobre. 400 participants d'une soixantaine de pays sont présents. Pour les pôles de compétitivité français, c'est une vitrine sur le monde. L'occasion d'un bilan après un an d'existence.

Si les "clusters" existent depuis des années à l'étranger, à l'image de la Sillicon Valley aux Etats-Unis, il a fallu attendre 2003 en France et le rapport de Christian Blanc "Pour une économie de la croissance", pour que l'idée s'impose. Ils verront le jour à l'automne 2004 sous la forme des "pôles de compétitivité". Le succès a été immédiat : 105 candidatures ont été déposées et 66 pôles ont finalement été labellisés en juillet 2005. C'est beaucoup, surtout si on les compare aux autres pays comme les Etats-Unis ou l'Allemagne. Aujourd'hui, des risques de doublons se font jour. Le projet de créer deux nouveaux pôles aéronautiques en Paca et en Ile-de-France suscite l'inquiétude du pôle Aerospace Valley situé à cheval entre les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine. Si l'on y ajoute celui de Rhône-Alpes, il y aura donc quatre pôles aéronautiques en France ! On a beau jouer la carte de la "complémentarité", cela fait un peu désordre au plan international alors que le but alloué à chaque pôle était, au départ, de s'ériger parmi les trois leaders mondiaux dans leur domaine.

"Un gain de temps primordial"

Pourtant, après un an d'existence, les pôles commencent à porter leurs fruits. Ils répondent en tout cas à leur principal objectif : stimuler la recherche et l'innovation en faisant travailler ensemble laboratoires et industriels. "Le pôle nous a fait gagner deux ans", témoigne Jacques-Hervé Lévy, le directeur de l'IFTH (Institut français du textile et de l'habillement), l'un des piliers du pôle Techtera de Lyon spécialisé dans le textile technique. "Alors que des pays comme la Chine sont de plus en plus actifs, ce temps est primordial, nous devons garder une avance de dix-huit mois sur nos concurrents si l'on veut maintenir notre rang", estime-t-il. D'où l'enjeu de l'argent public qui a un effet de levier sur le financement des entreprises. Mais si les pôles devaient être un gage de clarté, le circuit reste complexe. Il existe en effet au moins quatre sources de financement : le Fonds de compétitivité des entreprises, Oséo-Anvar, l'Agence nationale de la recherche et l'Agence de l'innovation industrielle. Déjà 540 millions d'euros ont été ainsi engagés au profit des projets d'innovation portés par les pôles, sans compter la participation des collectivités territoriales dont l'enveloppe s'élève à 100 millions d'euros.
Malgré ces efforts, la France reste un peu à la traîne. Elle dépense 2,2% du PIB pour l'innovation, contre 2,5% en Allemagne, alors que l'objectif du sommet de Lisbonne était d'atteindre les 3%. Le Japon, lui, consacre 3,2% de son PIB à la recherche. Pour Jacques-Hervé Lévy, il est bon que "l'Etat, à travers les pôles, pousse à innover en réseau, mais le véritable outil reste le PCRD" (programme-cadre européen de recherche et développement).
On peut se demander alors pourquoi, à l'heure des régions européennes, chaque pays agit encore dans son coin. Ce sera l'un des enjeux du programme "Quatre moteurs". Les quatre autorités locales Rhône-Alpes, Lombardie, Catalogne et Bade-Wurtemberg ont décidé de créer un réseau pour échanger leurs expériences et développer des projets communs. Ce réseau a vocation à s'étendre progressivement. Le Pays de Galles et les Flandres en sont déjà "membres associés".

Rhône-Alpes, une région pionnière

Avec un budget bien moindre que ses partenaires, la participation de Rhône-Alpes à ce programme n'est pas anodine. C'est la région la plus avancée dans ce domaine en France. Ayant mis en place les premiers clusters au milieu des années 1990, elle fait figure de pionnière. Elle concentre à elle seule sept clusters et quinze pôles de compétitivité labellisés dont trois ont une vocation mondiale. Selon Jean-Jack Queyranne, le président du conseil régional, "les deux tiers des emplois créés dans la région proviennent de l'innovation". "Les pôles de compétitivité sont arrivés au bon moment pour faire travailler ensemble des milieux qui jusque-là fonctionnaient séparément", a-t-il déclaré, mardi 10 octobre, à l'occasion du Congrès mondial des clusters. Cette rencontre organisée par la chambre de commerce et d'industrie de Lyon en partenariat avec le conseil régional, le Grand Lyon, la Caisse des Dépôts et le ministère de l'Economie, réunit 400 participants du monde entier jusqu'au 13 octobre. Mais selon Jean-Jack Queyranne, "les pôles doivent aller plus loin que le simple lancement de projets, ils doivent accompagner les PME à l'international sur toute la chaîne, du dépôt du brevet jusqu'à la commercialisation". Selon lui, les régions ont une carte à jouer : "Avec le lancement de l'agence régionale pour le développement et l'innovation, notre but est de promouvoir l'ensemble de l'innovation régionale dont les pôles de compétitivité sont les têtes de pont."
L'un des griefs faits aux pôles français est justement la faible participation des PME, trop souvent reléguées à un rôle de sous-traitant. Un argument que François Loos, ministre délégué à l'Industrie, a balayé d'un trait : "Les PME représentent 40% des entreprises bénéficiaires des soutiens provenant du fonds unique", a-t-il déclaré lors du congrès. Le gouvernement prévoit par ailleurs d'harmoniser les avantages fiscaux des pôles de compétitivité au profit des PME. Le ministre a aussi expliqué qu'il allait s'attacher à renforcer le financement privé des pôles "dans les prochains mois". "L'effort sera porté sur la mobilisation des financements en capital investissement à travers notamment les forums du financement de l'innovation". C'était aussi l'un des objectifs de ce congrès mondial : attirer l'attention des grands donneurs d'ordre.

Michel Tendil

 

Les Rencontres de l'aménagement du territoire mettent les pôles à l'honneur

"Au lancement de cette opération, les experts prévoyaient 15 pôles en France et s'inquiétaient que le délai de quatre mois pour l'appel à candidatures soit bien trop court. A l'issue de ces quatre mois, ce ne sont pas moins de 105 dossiers qui avaient été reçus. Très vite, des personnes qui ne se parlaient pas, dans des universités et des centres de recherche publique ou des industriels qui s'ignoraient, se sont soudain rencontrés autour d'une table et ont immédiatement perçu l'intérêt de la démarche." Brice Hortefeux, le ministre délégué aux Collectivités territoriales, ne tarit pas d'éloges sur la dynamique enclenchée par les pôles de compétitivité. Il s'exprimait le 10 octobre, non pas à Lyon, mais au ministère de l'Intérieur, qui organisait ce jour-là ses propres "Rencontres de l'aménagement du territoire". Les intervenants invités à parler compétitivité ont il est vrai été unanimes : la constitution de ces pôles représente une vraie avancée en faveur de l'attractivité du site France - voire une "révolution" dans un pays depuis toujours handicapé par des problèmes de gouvernance et de "chapelles". Jean-Marc Thomas, président d'Airbus France et président du pôle de compétitivité Aerospace Valley s'en est largement fait l'écho, en notant que son pôle continue d'accueillir de nouvelles "adhésions" d'entreprises - notamment de PME - et évoquant la nécessité de "dépasser assez rapidement le périmètre du pôle" pour se rapprocher d'autres pôles complémentaires. Certaines difficultés ou limites ont toutefois été exprimées. "On a oublié les PME au moment du lancement des pôles", a par exemple regretté Hubert-Marie Ghigonis, président de la section des économies régionales du Conseil économique et social, relevant aussi le risque de "créer un désert" à la périphérie des périmètres choisis et la lourdeur des formalités auxquelles doivent se plier les entreprises.

C.M.