Revitalisation, cohésion, innovation… l'ANCT vante les bienfaits de la "ville intergénérationnelle"
Qu'est-ce que "la ville intergénérationnelle" et en quoi contribue-t-elle au bien-être des habitants, à la cohésion sociale, à l'adaptation de la ville au vieillissement et à la revitalisation urbaine ? Réalisée dans le cadre d'un cycle de rencontres du Forum des solutions, une publication de l'Agence nationale de la cohésion des territoires répond à ces questions en présentant des projets d'habitat et d'équipements innovants réalisés dans des villes de différentes tailles.
"En choisissant pour thème 'la ville intergénérationnelle' pour son nouveau cycle, le Forum des solutions pointe l'importance du vivre-ensemble dans l'évolution des modes de vie et des pratiques de la ville." Présidente de la Cité de l'architecture et du patrimoine, Catherine Chevillot signe l'avant-propos d'une récente publication de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dédiée à "la ville intergénérationnelle", alors que l'exposition "Bien vieillir ensemble" de la Cité de l'architecture est actuellement en itinérance à Caen. Cette publication est issue du Forum des solutions, un programme de rencontres dédiées aux villes du programme Action cœur de ville, mais également "aux collectivités Petites Villes de demain, Territoires d'industrie et plus largement [à] tous ceux qui souhaitent placer l'innovation au cœur des stratégies de revitalisation urbaine", peut-on lire sur le site de l'ANCT.
"Dans les villes petites et moyennes, la ville intergénérationnelle est un enjeu de plus en plus prégnant, car ces villes sont déjà confrontées au vieillissement de leur population, au défi de l'attrait pour d'autres catégories, étudiants, actifs, familles et à la nécessité, dès lors, de construire du lien social intergénérationnel pour faire ville", selon l'ANCT. "Cet enjeu est déjà au cœur de nombreux projets des collectivités locales dans des opérations d'habitat, de mobilités, d'accessibilité et d'équipements", ajoute l'Agence.
"Sauver un patrimoine" et loger des personnes aux besoins divers
Plusieurs "projets exemplaires" sont ainsi présentés dans la publication. À Nîmes (Gard), un tiers-lieu a été installé au sein du pôle gérontologique de la Croix-Rouge, qui réunit deux Ehpad, afin de transformer ce pôle en "un lieu de vie ouvert et de ressources pour les habitants et les associations locales". Des activités diverses y sont désormais pratiquées, comme des ateliers de couture et un jardin partagé mobilisant une association et des écoles du quartier. En outre, pour "ouvrir les Ehpad sur la ville", une camionnette propose des ateliers et des rencontres, des moments de convivialité́ intergénérationnels et de la sensibilisation aux enjeux du vieillissement et de l'isolement social. Les auteurs de la publication observent plusieurs impacts positifs de la démarche pour le territoire : un changement de regard sur les Ehpad, du lien social suscité par le lieu, un renforcement des dynamiques partenariales locales, notamment entre les Ehpad et les élus.
Une partie de la publication met en avant "des projets innovants qui permettent aux seniors de vieillir en cœur de ville", en écho à l'appel à manifestation d'intérêt "Habitat inclusif dans les Petites Villes de demain" lancé en 2021 (voir nos articles de février 2022 et avril 2022), contextualise Juliette Auricoste, directrice du programme Petites Villes de demain à l'ANCT. Par exemple, à Langres (Haute-Marne), le projet de la résidence "Les 3 Margelles" porté par la foncière Habitat et Humanisme est présenté comme "un exemple de solidarité" permettant, "grâce à de multiples partenariats et à l'implication de bénévoles", à la fois de "sauver un patrimoine" et de répondre aux besoins de logement de différents publics – de jeunes mères avec leurs enfants, des personnes retraitées, des jeunes et des personnes isolées avec peu de ressources.
Un "intergénérationnel naturel" pour "fixer des habitants jeunes et moins jeunes"
Certains projets valorisés ne portent pas spécifiquement sur les enjeux du "bien vieillir" ; ils illustrent plutôt l'idée qu'il est possible de concevoir dès le départ un équipement de manière à répondre aux besoins et attentes de différents publics et générations.
Ainsi à Marcq-en-Barœul (Nord), le cinéma "Le Pont des arts", ouvert en 2021, est né de la volonté de la ville de "remplacer un équipement municipal vieillissant par un véritable pôle culturel, festif et de restauration", permettant d'attirer différents publics grâce à une programmation diverse – des films grand public, des films dédiés à la jeunesse ou des films d'art et essai. Plusieurs "points forts" sont soulignés dans ce projet, dont le choix d'un délégataire du cinéma "qui partage pleinement les objectifs culturels, sociaux et économiques de la commune". D'autres impacts – la "grande satisfaction des usagers, des riverains et des commerçants" et un gain d'attractivité pour la commune – ont trait à la redynamisation du cœur de ville.
Dans le même esprit, une ancienne friche a été reconvertie en centre aquatique à Privas (Ardèche). Cet équipement "facilite un intergénérationnel ‘naturel' qui répond finalement à nos objectifs initiaux du dispositif Action cœur de ville qui étaient de fixer des habitants jeunes et moins jeunes", selon Michel Valla, maire de Privas. Parmi les éléments de ce projet mis en avant : la démarche d'appropriation collective (implication des habitants, des associations et des partenaires), l'accessibilité et la proximité pédestre avec le centre-ville et des établissements de santé, des écoles et des bureaux – "ville du bien-être", intégration "aux rythmes de vie de la ville et de ses habitants"…
"Sortir de la compensation et de la bienfaisance"
"Les aînés sont des habitants et des citoyens qui veulent continuer à faire société", rappelle Angélique Giacomini, déléguée générale adjointe du Réseau francophone des Villes amies des aînés et docteur en sociologie. Elle poursuit : "Aujourd'hui plus de 85% des plus de 60 ans sont autonomes et pour autant ils ont des particularités de rythme : passage à la retraite, veuvage, grand-parentalité, etc. Toutes ces raisons nécessitent qu'on ait des égards particuliers pour qu'ils se sentent bienvenus au même titre que les autres générations." Ainsi, de son point de vue, la ville intergénérationnelle nécessite de "sortir de la compensation et de la bienfaisance" et de mobiliser "une multitude d'acteurs" – les habitants, les urbanistes et architectes, les commerçants, "des acteurs qui ne se sentent a priori pas concernés par ce défi de la transition démographique"… et pas seulement le secteur médicosocial.