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Commande publique - Reversement des subventions européennes en cas de non-respect des règles de passation d'un marché

Dans une décision du 21 mars 2012, le Conseil d'Etat a statué sur l'obligation faite aux pouvoirs adjudicateurs de rembourser les subventions reçues au titre du Feder (Fonds européen de développement régional) afin de financer un marché public.
Dans les faits, en 1996 la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de l'Indre  entendait réaliser une opération dénommée "Objectif Entreprises" pour la recherche d'investisseurs français et étrangers. Le montant du marché étant supérieur à 200.000 euros HT, elle a eu recours aux règles des appels d'offres formalisés pour le recrutement du prestataire de services chargé de la réalisation de cette opération, sans toutefois publier l'avis de publicité au Journal officiel des Communautés européennes (Joce). Elle a reçu pour son projet une subvention du Feder de l'ordre de 60.000 euros.
Le préfet de l'Indre réclame en 2002 au pouvoir adjudicateur le remboursement de cette subvention au motif que la CCI avait passé un marché de services d'un montant supérieur au seuil européen sans publication de l'avis de publicité au Joce. Saisie par la CCI, la cour administrative d'appel annule la décision du préfet et décharge la CCI de l'obligation de restituer la somme reçue. Le ministre de l'Intérieur forme alors un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
Le Conseil d'Etat a alors décidé de surseoir à statuer (voir ci-contre notre article de juillet 2010) et souhaité solliciter la Cour de justice de l'Union européenne afin de connaître sa position quant à l'utilisation des fonds Feder. La Cour de justice indique, dans un arrêt du 21 décembre 2011, que "la CCI a méconnu des règles fondamentales des procédures de passation des marchés publics de services ; que les fonds structurels qu'elle a perçus au titre de ce projet doivent être regardés comme perdus à la suite d'un abus ou d'une négligence". La Cour considère en effet qu'un pouvoir adjudicateur bénéficiaire d'une subvention communautaire a l'obligation de respecter les règles de passation des marchés publics, faute de quoi il serait contraint de restituer les sommes indûment perçues.
Le Conseil d'Etat retient cette interprétation et précise le délai de prescription des modalités de récupération de la subvention versée. Celles-ci "ne sont pas régies par les règles de droit national relatives aux conditions de retrait des décisions individuelles (quatre mois) mais par les dispositions du règlement n°2988/95". L'Etat membre qui a versé la subvention européenne dispose dès lors d'un délai de quatre années "à compter du jour où s'achève l'exécution du contrat de marché public illégalement passé" pour réclamer le remboursement des subventions versées. La CCI a donc dû restituer la subvention perçue. En effet, le contrat s'est achevé durant l'année 1999. Au terme du contrat, il faut ajouter les quatre années de prescription, ce qui porte le délai pour agir jusqu'à l'année 2003. Le préfet de l'Indre pouvait donc valablement demander le remboursement de la subvention en janvier 2002.

L'Apasp

Références : Arrêt du Conseil d'Etat du 21 mars 2012 ; Arrêt de la CJUE (C-465/10) du 21 décembre 2011