Revalorisation des secrétaires de mairie : consensus au Sénat sur de nouvelles avancées
Création de nouvelles voies de promotion interne de la catégorie C vers la catégorie B, instauration d'une formation initiale obligatoire, nouvelle appellation ("secrétaires généraux de mairie") … adoptant, le 14 juin, la proposition de loi de François Patriat visant à mieux reconnaître le métier de secrétaire de mairie, le Sénat a voté en faveur d'"avancées" en faveur de ces agents, véritables chevilles ouvrières des communes. Mais plusieurs amendements sur la rémunération n'ont pas pu être adoptés, laissant sur leur faim un certain nombre de sénateurs.
Le Sénat a adopté à l'unanimité, ce 14 juin, la proposition de loi de François Patriat, président du groupe RDPI (proche de la majorité présidentielle), visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie. Le but de ce texte est le même que celui d'une proposition de loi communiste adoptée – déjà à l'unanimité – début avril (voir notre article du 6 avril) : redonner de l'attractivité à cette fonction, essentielle pour les petites communes et leurs élus, mais connaissant de fortes tensions de recrutement – sur les 23.000 emplois, plus de 1.900 postes sont vacants, faute de candidats.
La proposition de loi favorise l'accès des secrétaires de mairie de catégorie C (soit la majorité d'entre elles) à la catégorie B par le biais de deux nouvelles voies de promotion interne. L'une d'elle dérogerait à la règle des quotas. Cette voie dérogatoire de promotion interne serait ouverte dès la promulgation de la loi pour une durée de cinq ans. Elle concernerait les secrétaires de mairie qui sont déjà en exercice et ceux qui seront recrutés entre la promulgation de la loi et fin 2028. Pour pouvoir bénéficier du dispositif, ces agents devraient avoir réalisé une formation qualifiante et justifier d’une ancienneté dans l’exercice de leurs fonctions. "En pratique, seraient visés les secrétaires de mairie de catégorie C qui sont en poste depuis quinze, vingt ou encore vingt-cinq ans, qui n'ont pas la possibilité de passer les concours", a détaillé la rapporteure (LR), Catherine Di Folco. L'autre voie de promotion reposerait sur la validation par les secrétaires de mairie de catégorie C d'une formation qualifiante et serait pérenne
Une fonction identifiée en catégorie B
"Ce sera la première fois que la formation constituera, par la reconnaissance des compétences, une nouvelle voie de promotion et un accélérateur de carrière", a souligné Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques.
À partir du 1er janvier 2029, la fonction de secrétaire de mairie ne pourra plus être exercée que par des agents de catégorie B ou A. "Il est grand temps de mettre en adéquation les compétences multiples et exigeantes qui sont attendues des secrétaires de mairie et les responsabilités importantes qui leur sont confiées avec le niveau de catégorie hiérarchique reconnu", a lancé Catherine Di Folco. Cette stratégie permettra, selon elle, d'envoyer "un signal fort à la fois aux agents et aux maires".
En parallèle, les sénateurs ont revu l'appellation des secrétaires de mairie. L'amendement LR qui a été validé prévoit que "pour assurer les fonctions liées au secrétariat de mairie dans les communes de moins de 3.500 habitants, le maire nomme un agent de catégorie C aux fonctions de secrétaire de mairie ou un agent de catégorie B ou A aux fonctions de secrétaire général de mairie, sauf si un agent de catégorie A occupe les fonctions de directeur général des services". Mais attention, un emploi de directeur général des services (DGS) ne pourra être ouvert que dans les communes de plus de 2.000 habitants, comme c'est le cas aujourd'hui.
Formation initiale obligatoire
En matière de formation, la proposition de loi crée le principe d'une formation initiale obligatoire propre aux secrétaires de mairie. En outre, pour élargir le vivier des candidats, elle ouvre la possibilité aux communes de 1.000 à 2.000 habitants de recruter des agents contractuels pour cette fonction. Ces deux mesures figuraient dans la proposition de loi communiste adoptée il y a deux mois.
Par ailleurs, le texte ajoute aux missions obligatoires des centres de gestion celle de "l’animation du réseau départemental des secrétaires de mairie et des secrétaires généraux de mairie". Enfin, il charge le gouvernement - dans un délai d'un an à partir de la promulgation de la loi - d'élaborer un rapport "évaluant selon quelles modalités peut être créée, au niveau national, une filière universitaire préparant au métier de secrétaire général de mairie".
L'octroi d'une prime de responsabilité, que la mission d'information sur l'avenir du métier de secrétaire de mairie (constituée au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités et à la décentralisation) avait souhaitée, n'a pas été retenue. Le gouvernement a suggéré de recourir au régime indemnitaire (Rifseep). Il a proposé de mener des travaux, avec les employeurs territoriaux, "dans le cadre, par exemple, d'une future charte d'engagement", pour "prévoir les critères et les montants pouvant être utilisés afin de faire de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise" (Ifse, c'est-dire l'une des deux parts du Rifseep) "une véritable prime de responsabilité pour les secrétaires de mairie".
Compensation financière
Plusieurs amendements sénatoriaux n'ont pas été examinés, car s'étant vu opposer l'article 40 de la Constitution, qui empêche "toute création ou aggravation" par les parlementaires "d'une charge publique". Ce qui a laissé "un goût amer", par exemple au LR Cédric Vial, qui proposait d'ouvrir une voie de promotion interne vers la catégorie A au bénéfice des secrétaires de mairie de catégorie B.
Certains sénateurs ont aussi souhaité que le gouvernement donne son feu vert à la création de mesures de compensation financière pour les communes les plus modestes. Mais le ministre est resté muet sur le sujet. Ce qui n'exclut pas, toutefois, l'ouverture d'un débat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2024.
Le ministre a déclaré vouloir "aboutir rapidement" sur ce texte, sur lequel le gouvernement a déclaré la procédure accélérée. Sauf surprise, l'Assemblée nationale devrait donc s'emparer prochainement de cette proposition de loi, qui pourrait donc être publiée avant les élections sénatoriales.
L'Association des maires de France (AMF) s'est félicitée dans un communiqué de "voir nombre de ses propositions en faveur de la revalorisation du métier de secrétaire de mairie figurer dans cette proposition de loi" qui devrait permettre "de réelles avancées". Elle regrette toutefois "que toutes les propositions relatives aux enjeux de rémunération n’ont pu aboutir, tant en matière indiciaire qu’indemnitaire".