Secrétaires de mairie : un texte de loi en attendant des mesures gouvernementales
Le Sénat vient d'adopter une proposition de loi d'origine communiste visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie. Le texte avait toutefois été allégé en commission, certaines dispositions étant jugées de nature réglementaire. Le ministre Stanislas Guerini a assuré que le gouvernement continuait à travailler sur le sujet.
Le Sénat a adopté ce jeudi 6 avril en première lecture, à l'unanimité, la proposition de loi portée par Céline Brulin (CRCE à majorité communiste), dans le cadre d'une journée réservée au groupe, avec un avis de "sagesse" du gouvernement. Le texte avait auparavant été sensiblement resserré en commission des lois.
Près de 2.000 secrétaires de mairie manqueraient déjà à l'appel, selon Céline Brulin. Et la démographie n'est pas favorable. D'ici huit ans, un tiers des effectifs seront partis à la retraite. "Accueillir les administrés, disposer de compétences en urbanisme, s'occuper de l'état-civil, avoir une expertise budgétaire, juridique ou en matière de marchés publics, organiser les élections ou le recensement, parfois gérer les ressources humaines, préparer les conseils municipaux, rédiger les procès-verbaux des délibérations : les secrétaires de mairie sont polyvalentes et confinent au couteau-suisse", a décrit la sénatrice (voir également encadré ci-dessous).
À 94% des femmes, les secrétaires de mairie sont environ 14.000 à exercer dans les communes de moins de 3.500 habitants. Elles sont "le coeur battant des communes", a souligné le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini. Mais les candidats se font rares pour un métier "mal connu, mal rémunéré, mal considéré", en prise directe avec les administrés et avec des missions qui se complexifient.
Le texte introduit notamment une formation initiale obligatoire, propre aux secrétaires de mairie, dans un délai d'un an à compter de leur prise de poste. Il ouvre la possibilité pour les communes comptant entre 1.000 et 2.000 habitants de recruter des agents contractuels pour les emplois de secrétaire de mairie à temps complet, jusqu'ici réservée aux communes de moins de 1.000 habitants et/ou pour les temps partiels.
Initialement, la proposition de loi comprenait six articles. Seuls deux d'entre eux ont été conservés en commission, laquelle en a ajouté un nouveau (celui sur le recrutement de contractuels). Il s'agissait pour la commission des lois, a expliqué Catherine Di Folco, de "préserver la nature législative" du texte et de le rendre "plus opérationnel". Parmi les dispositions écartées, celle de la création d'un statut d'emploi, la commission jugeant qu'un tel statut "n'améliorerait pas les perspectives de carrière" et "serait incompatible avec les spécificités du métier, qui peut être exercé par plusieurs catégories de fonctionnaires". Également supprimée, l'idée de créer un fonds de soutien local financé par l'Etat.
Mais la rapporteure LR a surtout appelé le gouvernement à "se saisir de cette question urgente", nombre de pistes d'amélioration étant de nature réglementaire. En premier lieu la question de la rémunération : "Comment s'étonner du manque d'attractivité du métier lorsque la rémunération horaire d'un secrétaire de mairie, adjoint administratif principal de première classe qui compte déjà 32 ans d'ancienneté dans la fonction publique territoriale, est de 13,75 euros, soit seulement 2,68 euros de plus que le smic brut ?"
Stanislas Guerini a assuré que le gouvernement "poursuite le travail avec les associations d'élus et les centres de gestion" sur "plusieurs axes" : "le recrutement, les compétences, les parcours de rémunération". La question de l'attractivité passe selon lui notamment par "un partenariat entre Pôle emploi, le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les centres de gestion pour développer des formations".
Le ministre a redit que l'idée de "donner un autre nom à ce métier" était toujours d'actualité, a évoqué la possibilité pour des agents de maisons France Services de devenir secrétaires de mairie et a jugé nécessaire de "redéfinir le socle de compétences". "Il me semble que le niveau de responsabilité d'un secrétaire de mairie relève au moins de la catégorie B, mais cela n'empêche pas de recruter comme aujourd'hui des fonctionnaires de catégorie C, mais en leur donnant cette formation de qualification", a-t-il déclaré à ce sujet.
Parallèlement à l'adoption de ce texte, le Sénat a lancé une mission d'information sur la situation des secrétaires de mairie, métier le plus en tension de la fonction publique territoriale, mais aussi, plus largement, sur "la stratégie dite de la 'marque employeur' au service de l'attractivité de l'emploi en collectivité" – une stratégie dont les employeurs publics territoriaux bretons viennent de donner une belle illustration (voir notre article du 31 mars).
"Jeudi, 10h30 : la secrétaire de mairie du pays de Caux est arrivée depuis 8h30. En début de semaine, elle serait allée dans une autre commune, à 30 kilomètres : bien des communes ne peuvent employer un agent à plein temps. Parfois, il faut se partager entre trois ou quatre communes ; ce n'est pas désagréable, mais cela multiplie les problèmes et les enjeux, surtout si les communes se situent dans des intercommunalités différentes. Notre secrétaire de mairie examine ce matin l'opération 5.000 terrains de sport, et recherche des subventions pour un projet de citystade. Mais entre le budget à finaliser, les réunions sur le plan local d'urbanisme intercommunal et les tâches quotidiennes, elle n'a pas encore eu le temps de s'y pencher. Mais les dossiers doivent être déposés avant le 31 mai : il y a urgence. Elle voudrait en parler avec le maire, mais il est au travail, et elle devra attendre la fin d'après-midi pour le voir. Sur ce, des habitants arrivent à la mairie : ils se plaignent de leur connexion internet. Ils ont cherché à joindre l'opérateur, mais sont tombés sur des répondeurs. Résultat : les habitants se tournent vers la mairie." |