Réservation de repas dans les cantines : le décret encadrant l’expérimentation est paru
Afin de limiter le gaspillage alimentaire, les gestionnaires, publics ou privés, des services de restauration collective dont les personnes morales de droit public ont la charge vont pourvoir tester des solutions de réservation de repas dans le cadre fixé par un décret d'application de la loi Climat et Résilience publié ce 5 avril. Des initiatives de la sorte existent déjà dans certains territoires, faisant douter de l’utilité du texte.
Le décret fixant le cadre d’expérimentation de solutions de réservation en restauration collective - pris en application de la loi Climat et Résilience (article 256) - est paru ce 5 avril. Un passage en force malgré un désaccord persistant sur l’objet même du texte exprimé à plusieurs reprises par le collège des élus du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) qui y voit la "manifestation d’une dérive légistique" démontrant "le manque de confiance de l’État dans l’ingéniosité des collectivités territoriales pour assurer leurs propres missions".
Et pour cause, les collectivités n’ont pas attendu la détermination d’un cadre juridique au niveau national pour mettre en place des dispositifs de réservation de repas. Le texte acte d’ailleurs que "les établissements volontaires peuvent avoir mis en place une solution de réservation de repas avant le lancement de l'expérimentation pour mettre en place un projet". "Un simple guide de bonnes pratiques ou un communiqué de presse aurait donc été plus efficient et respectueux du principe de libre administration, et surtout moins restrictif", estime le CNEN. Le risque étant à ses yeux in fine de créer des "carcans juridiques" qui obèrent les marges de manœuvre des collectivités en matière de réservation de repas.
De son côté le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation fait valoir que l’intérêt majeur de l’expérimentation est d’avoir "un retour d’expérience" visant à mieux évaluer les effets de l'instauration d'une solution de réservation de repas sur le gaspillage alimentaire dans les cantines.
Expérimentation sur six mois minimum
Le texte prévoit les modalités d’engagement des restaurants volontaires. Concrètement, les gestionnaires publics ou privés des services de restauration collective dont les personnes de droit public ont la charge devront transmettre au préfet de région un dossier de demande "avant le 1er juillet 2023". Y figurent des indications relatives au nombre d’usagers quotidien moyen et à la catégorie de convives, au type de réservation, aux actions menées ou prévues dans le cadre de la politique de lutte contre le gaspillage alimentaire et de l’amélioration de la qualité des repas servis, ainsi qu’aux modes de réservation des repas, de gestion (concédé, gestion directe), de fonctionnement (cuisine satellite, sur place), de liaison (chaude ou froide) et d’information des usagers sur le lancement du projet.
Si la durée de l’expérimentation sera déterminée par chaque gestionnaire, elle devra être d’au minimum six mois et s’achever "au plus tard le 31 décembre 2023". La déclaration se fera par l’intermédiaire de la plateforme gouvernementale "ma-cantine.beta.gouv.fr" en cours de développement. Un guide est également prévu pour accompagner les gestionnaires avec des supports leur permettant de mettre en place le dispositif de réservation ou encore de mesurer l’effet de l’expérimentation sur le gaspillage alimentaire. Il aurait à lui seul suffi à satisfaire les représentants des élus.
Évaluation de l’expérimentation à partir d’indicateurs prédéfinis
Le pilotage, le suivi et l’évaluation du projet seront assurés par le gestionnaire en accord, le cas échéant, avec la collectivité de rattachement. Un responsable sera désigné à cette fin et un comité de pilotage associant l’ensemble des parties prenantes mis en place. Un règlement, détaillant les modalités du mode de réservation de repas devra être élaboré à destination des usagers. Le décret encadre par ailleurs la fréquence des évaluations devant être menées par les gestionnaires. Le gaspillage alimentaire et le taux de fréquentation devront ainsi être évalués à trois étapes du processus : lors du lancement du projet, trois mois après le lancement du projet et à sa fin. La satisfaction des usagers sera quant à elle mesurée uniquement à la fin de l’expérimentation.
Le texte détermine également avec force détails la manière de quantifier le gaspillage alimentaire (à partir de vingt repas successifs, la moyenne des pesées, le ratio de la part non comestible rapportée à la part comestible etc.), le taux de fréquentation et la satisfaction des usagers. L’ensemble de ces données devront être transmises par les gestionnaires au préfet de région, au plus tard un mois après la fin de l’expérimentation, de même que le règlement à destination des usagers.
Difficile à ce stade d’en mesurer le bénéfice induit pour les collectivités, reconnaît le ministère, qui renvoie au rapport d’évaluation qui sera remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation. Pour donner un ordre d’idée, le ministère s’appuie sur des territoires pilotes, comme la ville de Montpellier "qui estime les économies de l’ordre de 245.000 euros par an". Une hypothèse théorique a aussi été exposée sur la base d’un établissement scolaire de 500 élèves avec des économies budgétaires de l’ordre de 100.000 euros au bout de la troisième année.
Référence : décret n° 2022-480 du 4 avril 2022 relatif à l'expérimentation de solutions de réservation de repas en restauration collective, JO du 5 avril 2022, texte n° 14. |