Reprise e?conomique et transition e?nerge?tique : les sénateurs dénouent les cordons
Dans une feuille de route que la commission des affaires économiques du Sénat vient de publier, les parlementaires insistent sur la nécessité de massifier la rénovation énergétique et de relocaliser la chai?ne de valeur des e?nergies renouvelables.
Structurée autour de dix axes et une quarantaine de mesures, la feuille de route de la commission des affaires économiques du Sénat suggère de "faire de la neutralite? carbone l’aiguillon du plan de relance". Ils s’appuient pour construire leurs propositions sur une série d’auditions menées par visioconfe?rence avec 80 personnalite?s du secteur de l’énergie. Le premier constat posé est celui d’un "défi énergétique" sans précédent posé par "la chute de la demande et des prix de l’e?nergie". Une e?volution qui, redoutent les sénateurs, "pourrait avoir des effets de long terme sur notre e?conomie". Elle impacte aussi les projets d’énergies renouvelables (EnR) dont la rentabilité se trouve érodée.
Le vent du changement
Les sénateurs pressent le gouvernement de "sortir des de?clarations d’intention" et d’engager des actions concre?tes car "la transition e?nerge?tique ne se de?cre?te pas" mais se construit "pas a? pas dans les territoires, par des projets e?conomiques, associatifs ou familiaux, largement de?centralise?s". Des acteurs de terrain dont le gouvernement ne peut faire abstraction en décidant seul "par voie d’ordonnances", au risque d’écrire la transition e?nerge?tique "par la ne?gative, a? coups de nouveaux impôts ou d’interdictions".
Commencer par appliquer la loi
Le juste préalable pour changer de politique et conduire une "relance verte" est d’assurer une stabilite? normative et d’appliquer effectivement la loi relative à l'énergie et au climat. Publiée en novembre dernier (voir notre article du 26 septembre sur son adoption au Sénat), sa mise en oeuvre est lente : "Avant d’envisager le monde d’apre?s, il faut déjà appliquer la loi d’aujourd’hui : six mois apre?s sa publication, tout reste a? faire, une dizaine de mesures re?glementaires ont e?te? prises sur 67 pre?vues, une ordonnance publie?e, sur cinq articles et quinze habilitations, et aucun des six rapports attendus n’a e?te? remis". Soit un taux d’application de la loi évalué par les sénateurs à 21% pour les mesures réglementaires. Quant aux ordonnances, un quart accusent de?ja? un retard par rapport au calendrier initial.
Re?novation e?nerge?tique, l’autre priorité
Pour les sénateurs, la clef de vou?te d’une relance verte tient dans la massification des opérations de rénovation énergétique. Ils estiment "insuffisante" la politique du gouvernement et s’accordent à dénoncer l’effet de décalage entre son discours volontariste et les aides et actions en chute libre. Les chantiers de rénovations ont pâti de la crise. Pour les relancer, les massifier, ils préconisent d’agir en direction des me?nages en musclant les aides publiques et parapubliques et en revenant sur la re?forme du cre?dit d’impo?t pour la transition e?nerge?tique (CITE). Introduite par la loi de finances initiale pour 2020, celle-ci a considérablement réduit (-69%) le champ des be?ne?ficiaires du dispositif. Il convient selon eux de l’élargir, tout en re?e?valuant la prise en charge de certains e?quipements (bois, ge?othermie, chaudie?res a? tre?s haute performance e?nerge?tique). D’autres recommandations ciblent les PME, leur acce?s au fonds de solidarite? et les lourdeurs administratives auxquelles elles sont confrontées (report demandé de l’entre?e en vigueur du nouveau diagnostic de performance e?nerge?tique ou DPE).
Energies renouvelables : des conséquences en cascade
Incidences en tous genres sur les projets, contexte de crise favorisant guère leur e?closion, le développement des EnR est plombé par divers problèmes dont la baisse de la demande d’e?nergie, et singulie?rement de carburants, qui "e?rode les recettes de la fiscalite? e?nerge?tique qui financent largement les EnR". Outre les difficulte?s financie?res, les sénateurs soulignent la de?sorganisation administrative pre?judiciable aux projets EnR, avec en amont des appels d’offres ou a? projets bouscule?s : "Nous appelons a? ne pas rela?cher l’effort sur quatre d’entre eux, les AMI sur les biocarburants ae?ronautiques, la mobilite? hydroge?ne dans le ferroviaire et la production-conception-usage de projets d’hydroge?ne ainsi que l’appel a? projets Biomasse et chaleur BCIAT".
Soutien aux entreprises et filières
Les sénateurs invitent le gouvernement a? aider les PME françaises à be?ne?ficier de nouvelles aides européennes, notamment celles prévues par l’instrument de relance Next Generation EU (voir notre article du 27 mai dernier). Leur crainte est de voir grimper la pre?carite? e?nerge?tique. Le report de paiement des factures d’e?nergie reste re?serve? aux micro-entreprises, pas aux particuliers. Les sénateurs suggèrent que soit confiée au me?diateur national de l’e?nergie une mission de suivi sur ces difficulte?s. Enfin, d’autres propositions portent sur la nécessité d’accompagner l’amorc?age de la filie?re hydroge?ne, du moins de ne pas "rela?cher l’effort" en sa direction, d’autant que "la France est bien positionne?e sur certains segments", et de renforcer le soutien à la filière biogaz qui souffre des conse?quences de la crise, avec "60% des me?thaniseurs a? l’arre?t fin avril compte tenu de la baisse, non seulement de la consommation de gaz, mais aussi des intrants, c’est-a?-dire des de?chets issus de restaurants individuels ou collectifs".