Next Generation EU, atout ou va-tout de la Commission ?
La présidente de la Commission européenne a dévoilé les grandes lignes de sa réponse à la crise économique : un budget pluriannuel de 1.100 milliards d'euros, sur lequel s'adossera un nouvel instrument de relance doté de 750 milliards d'euros – dont 500 milliards de subventions. Loin des attentes françaises.
Non sans une certaine solennité – "Notre modèle unique en son genre, que nous avons bâti depuis 70 ans, est remis en question comme il ne l'a jamais été dans toute l'histoire de notre Union" – la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a dévoilé ce 27 mai devant le Parlement européen les grandes lignes de son fonds de relance, adossé à un cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 "révisé", pour faire face à la crise économique. Une piste qu'elle avait elle-même proposé et que lui avait formellement demandé d'explorer le Conseil européen, le 23 avril dernier (voir notre article).
Un CFP 2021-2027 de 1.100 milliards d'euros
La présidente a proposé un CFP de 1.100 milliards d'euros, soit grosso modo le même montant que celui présenté par la présidence finlandaise en décembre dernier (il s'élevait à 1.087 milliards d'euros, soit 1,07% du revenu national brut de l'UE à 27 – voir notre article), brutalement rejeté. Ironie du sort, la présidente von der Leyen s'était alors déclarée "inquiète des coupes drastiques" de la proposition finlandaise par rapport à celle, initiale, de la Commission (qui s'élevait à 1.135 milliards d'euros, soit 1,1% du RNB).
Un montant également très éloigné des attentes du président français, qui avait considéré à la sortie du dernier conseil européen d'avril qu'un "budget, autour d'un point du PNB européen aujourd'hui, n'est plus à la bonne taille".
Next Generation EU, nouvel instrument de relance de 750 milliards d'euros...
Comparaison n'est toutefois pas raison, puisque viendrait prendre place au sommet de ce CFP un nouvel instrument de relance, baptisé Next Generation EU, doté de 750 milliards d'euros. La présidente Ursula von der Leyen souligne ainsi qu'en cumulant les deux, et en ajoutant les trois filets de sécurité de 540 milliards d'euros déjà adoptés par le Parlement et le Conseil (voir notre article), c'est un budget total de près de 2.400 milliards d'euros qui est proposé. Sans précédent.
L'addition reste toutefois loin de certaines attentes, là encore françaises notamment. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, avait ainsi plaidé pour un fonds de relance doté de 1.000 milliards d'euros. L'Espagne, elle, espérait, 1.500 milliards....
... dont 500 milliards de subventions
Plus encore que sur le montant, les débats se faisaient particulièrement âpres autour des modalités de ce nouvel instrument, entre promoteurs de prêts – les "frugaux" – ou partisans de subventions – les "latins". Ici, la balance penche davantage en faveur de ces derniers, puisque la présidente de la Commission a indiqué que les 750 milliards de Next Generation EU – qui seront comme prévu empruntés par la Commission sur les marchés financiers, notamment grâce à une augmentation de ses ressources propres – seraient distribués à hauteur de 500 milliards sous la forme de subventions et de 250 milliards sous la forme de crédits.
Rien de nouveau ?
"Ces subventions sont un investissement commun dans notre avenir, cela n'a rien à voir avec les endettements des États membres", a insisté Ursula von der Leyen, soucieuse de rassurer les États nordiques. En allant même, à rebours de son introduction, jusqu'à gommer le caractère extraordinaire de la mesure : "Les subventions passent par le budget européen, et celui-ci limite les versements de chaque pays suivant une clé de répartition fixe […]. Le budget de l'UE a toujours consisté en des subventions. Il n'y a rien de nouveau."
Des subventions en ligne avec les priorités de la Commission
Ursula von der Leyen s'est également employée à souligner que ces "subventions constituent clairement des investissements dans nos priorités européennes". Ils garantiront une Union "neutre sur le plan climatique, numérique, sociale et avec laquelle il faut compter sur le plan mondial", la présidente égrenant ainsi les priorités de sa Commission (voir notre article). Sans rentrer dans le détail, elle a toutefois déjà évoqué l'investissement "dans les infrastructures essentielles allant de la 5G à la rénovation des logements", la "démultiplication du financement du fonds pour une transition juste" ou encore le soutien renforcé au programme Erasmus et à l'emploi des jeunes. Reste toutefois à connaître dans le détail l'ordonnancement de ce nouveau budget, dont les politiques classiques – politique agricole commune en tête – pourraient bien faire les frais.
Examen par le Conseil le 19 juin
Reste également à attendre les réactions des États membres, que le président du Conseil, Charles Michel, a sans délai "exhorté à examiner rapidement la proposition de la Commission et à œuvrer de manière constructive à un compromis dans le meilleur intérêt de l'Union". Le projet sera examiné lors du conseil européen ordinaire du 19 juin 2020. "Tout devrait être fait pour parvenir à un accord avant les vacances d'été", espère-t-il. Un horizon à la fois lointain, compte tenu de l'urgence, et ambitieux, compte tenu des positions très éloignées des uns et des autres. Nul doute que le Parlement européen ne manquera pas de faire entendre sa voix.
Fonds européens : État et régions préparent de concert la prochaine programmationLa ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, la secrétaire d'État chargée des affaires européennes et le président de Régions de France ont co-présidé le 20 mai dernier le comité État-régions interfonds afin de s'accorder sur les éléments de négociation à porter ensemble auprès de la Commission européenne. Au rang des priorités définies à cette occasion, "au-delà [de celles] déjà partagées avec la Commission – recherche et développement, innovation, transition écologique et énergétique, développement territorial", figurent la mobilité durable, la finalisation de la couverture numérique en très haut débit, la relance de l'activité touristique ou encore le développement des infrastructures de formation et de santé (dont la Commission se soucie également – voir notre article). |