Reprise des chantiers : un protocole très attendu
La publication d’un guide de bonnes pratiques devant permettre une reprise progressive de l'activité du BTP est imminente. Il devrait permettre d’y voir un peu plus clair sur un sujet qui n’a cessé de créer, depuis le début du confinement, des polémiques entre les professionnels de la construction et le gouvernement.
On devrait bientôt y voir un peu plus clair. Depuis l’annonce des mesures de confinement, auxquelles ont succédé des propos de plusieurs membres du gouvernement appelant à la reprise des chantiers de bâtiment et travaux publics, les fédérations professionnelles déplorent des injonctions contradictoires. "On vous dit d’un côté que vous ne devez pas croiser plus de cinq personnes par jour, et on vous explique de l’autre que vous devez venir travailler. Les déplacements intercités sont proscrits, mais vous devez déplacer vos salariés sur des longues distances. Les hôtels et les restaurants ferment, mais vous devez loger et nourrir vos équipes. L’accumulation de ces messages paradoxaux est très difficile à gérer, pour les directions de nos entreprises adhérentes comme pour nos salariés", résume Bertrand Burtschell, président du Syndicat des travaux publics parisiens.
90% des chantiers de BTP sont à l’arrêt aujourd’hui en France, comme l’indique Thierry Repentin, président du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSEE). Une instance qui a réuni autour de la table, le 25 mars dernier, une cinquantaine de représentants de l’ensemble des secteurs de la construction, pour tenter de définir une position commune.
Traiter les urgences
Outre les fédérations du bâtiment, (Fédération française du bâtiment – FFB, confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment – Capeb, et Fédération nationale des travaux publics - FNTP), les industriels, les négoces, les architectes, les grandes fédérations, l'USH, les contrôleurs, l'ingénierie ont ainsi pu confronter leur point de vue sur la reprise des chantiers.
Le protocole rédigé sous l’égide de l’Organisme professionnel de prévention du BTP (OPPBTP), décrira les règles de sécurité devant être observées pour que les chantiers puissent redémarrer dans des conditions garantissant la prévention des salariés face au risque de contamination. Si un consensus apparaît sur la nécessité de traiter les urgences, des divergences demeurent entre ceux qui estiment que seuls les chantiers presque achevés, ne nécessitant que quelques jours de travaux supplémentaires soient rouverts, et ceux qui estiment que l’ensemble des chantiers ne nécessitant pas la présence d’un coordinateur prévention sécurité soit repris.
Crainte de contentieux ultérieurs
La taille des chantiers constitue un critère souvent cité, les grands chantiers, caractérisés par de la coactivité - la présence concomitante de différents corps de métiers et entreprises - semblant plus durs à sécuriser que les chantiers de moindre taille. Mais pour certains, les chantiers sont par essence, quelle que soit leur taille, peu propices au respect des gestes barrière. "Il ne s’agit pas seulement de garder les distances entre les personnes. Mais les réfectoires, les toilettes, les vestiaires ne permettent pas, le plus souvent, le respect des consignes sanitaires", estime par exemple l’architecte Lucie Niney, (Niney et Marca architectes).
Le redémarrage des chantiers ne dépend pas en outre seulement du bon vouloir des dirigeants des entreprises du BTP. Nombreux sont ceux qui se sont arrêtés également en raison de la désorganisation profonde de la chaîne d’approvisionnement en fourniture. Dans les régions françaises où l’activité est la plus forte, caractérisées par une part importante de compagnons extérieurs, les "grands déplacés", l’interdiction des déplacements intercités complique la donne. Et en cas de reprise, la question du droit de retrait de salariés eux-mêmes inquiets pour leur santé ne manquera pas de se poser.
En attendant, les entreprises de construction se sont employées à assurer la sécurisation des chantiers interrompus, sans toujours bénéficier d’ordres de service d’arrêt des chantiers de la part de leurs maîtres d’ouvrage, faisant craindre à certains des contentieux ultérieurs quant à la prise en charge des coûts de suspension des chantiers, qui peuvent se révéler élevés.