Rénovation énergétique : les dispositifs existants doivent gagner en efficacité, selon le CGEDD
Le CGEDD et l’IGF recommandent de faire évoluer les dispositifs de soutien à la rénovation énergétique des logements privés afin d'inciter les ménages à engager des travaux plus performants et les professionnels à mieux se structurer pour soutenir de telles démarches.
A travers une large palette d’aides - crédit d’impôt transition énergétique (CITE), TVA à taux réduit, éco-PTZ, programme "Habiter mieux" -, l’Etat consacre un effort financier important - de l’ordre de à 3,2 milliards d'euros en 2016 - à la rénovation énergétique des logements privés. S’y ajoute la dépense des collectivités locales, encore "mal connue", pour laquelle un recensement est en cours sous l’égide de l’Ademe. Mais mesure-t-on réellement l’efficacité de ce dispositif en particulier au regard de la feuille de route tracée par la loi de transition énergétique ?
Dans un rapport rendu public ce 11 octobre, le CGEDD et l’IGF ont le mérite de poser très directement la question de la pertinence de l’approche actuelle. En effet, compte tenu du coût des dispositifs mobilisés, les résultats de la politique de soutien à la rénovation énergétique "paraissent modestes", relève le rapport. Un constat récemment partagé par le collectif "Rénovons" qui exprime ses doutes sur les moyens mis sur la table pour venir à bout des 7,4 millions de "passoires énergétiques" parmi les résidences du parc privé. A politique inchangée et malgré la trajectoire de contribution climat-énergie prévue, les économies de consommation énergétique devraient ainsi "être nettement en deçà de l’objectif sectoriel du bâtiment" (fixé par la Stratégie nationale bas-carbone à 54% de réduction des émissions de GES entre 2013 et 2028), note le rapport du CGEDD. Le rythme actuel des rénovations est là encore "très en deçà des objectifs de la loi de transition énergétique", particulièrement pour les copropriétés et les logements mis en location pourtant parmi les plus énergivores.
Mauvaise cible
En cause, la politique d’aide "peu lisible et instable dans le temps" à laquelle est assignée une pluralité d’objectifs, pas seulement environnementaux, avec des horizons différents. Ce dispositif est en outre tiraillé entre deux logiques distinctes : l’efficacité des travaux menés, plus globale, à l’image du programme "Habiter mieux", et leurs volumes, sans exigence minimale quant au progrès réalisé, à l’exemple du CITE. Cet outil coûteux "ne permet pas de cibler les travaux permettant de réduire le plus les émissions de GES et les consommations énergétiques", pointe le rapport. Les deux principaux dispositifs fiscaux - CITE et TVA à taux réduit à 5,5% - "viennent encourager la réalisation de travaux à des normes supérieures à celles de la règlementation, équipement par équipement, mais sans exigence minimale quant au progrès global réalisé".
L’approche globale reste marginale
La démarche globale de rénovation conditionnant l’obtention des aides soit à un objectif de performance énergétique, soit à la réalisation d’une combinaison d’actions cohérentes de rénovation dans le cadre d’un "bouquet de travaux", n’est pas totalement inédite en France mais reste "marginale". L’éco-PTZ offre ainsi aux ménages une solution de financement de leur reste à charge tout en les incitant à conduire des rénovations énergétiques plus efficaces au travers de la logique des bouquets de travaux ou de l’atteinte d’un taux d’économies d’énergie. Sa complexité et son formalisme freinent cependant les établissements de crédit à le commercialiser et il reste globalement peu mobilisé par les ménages.
Le programme "Habiter mieux" de l’Anah, ciblé sur les ménages modestes, est le dispositif qui prend le mieux en compte la nécessité d’atteindre une amélioration donnée de la performance énergétique. Sur la période récente, "les cibles n’ont cependant pas été atteintes", indique le rapport. En particulier, le nombre de rénovations financées dans le cadre de ce programme en 2016 (40.726) a été très inférieur à l’objectif fixé (70.000).
Plusieurs programmes locaux portés par les collectivités promeuvent davantage cette logique de rénovation globale mais le paysage d’ensemble de ces aides demeure mal connu et certaines d’entre elles sont encore en phase de développement. A défaut de marché suffisamment structuré, le passage dès à présent à un dispositif de soutien uniquement basé sur la performance parait donc prématuré. Autre obstacle majeur : la rentabilité des travaux "non seulement faible, au regard du prix de énergie, mais incertaine". Or le signal-prix reste un levier déterminant pour inciter les ménages à la réalisation de démarches de rénovation énergétique.
Gagner en efficacité
Au fil d’une dizaine de propositions visant à rendre la dépense publique "plus efficace", le rapport établit le terreau favorable au développement d’un dispositif de soutien centré sur la performance du logement. On en retrouve un certain écho dans le projet de loi de finances pour 2018. Le CITE sera ainsi "recentré" l'an prochain sur certains types de travaux de rénovation (isolation des combles, changement de chaudière, etc.) et élargi aux frais d'audits énergétiques. La mission propose par ailleurs de rétablir un taux de TVA unique à 10% pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des logements de plus de deux ans et les autres travaux d'entretien- amélioration des logements. L’éco-PTZ mériterait quant à lui selon le rapport d’être "stabilisé et simplifié". Autre priorité : pérenniser le financement de l’Anah, en y incluant le Fonds d’aide à la rénovation thermique (Fart). Copropriétés et parc locatif privé représentent également un gisement important de rénovation énergétique justifiant pour la mission de poursuivre "un effort particulier". D’autres mesures favorisant l’information des ménages sont par ailleurs encouragées (audits énergétiques, passeport rénovation énergétique et carnet de suivi) et le rôle des plateformes locales mis en exergue.