Rencontres du développement durable : à quoi pourrait ressembler la planification écologique ?
Dans la perspective des prochaines Rencontres du développement durable qui seront lancées le 16 septembre à l'Assemblée nationale, le think tank Open Diplomacy qui organise l'événement a présenté ce 8 septembre une note sur la planification écologique dans laquelle il avance plusieurs pistes pour "amplifier le changement de paradigme des politiques publiques".
Si la Première ministre Elisabeth Borne est directement en charge de la planification écologique, cette notion a encore besoin de prendre corps. "Il faut faire en sorte qu'elle s'institutionnalise pour qu'elle change la façon de faire les politiques publiques en France", a relevé Thomas Friang, fondateur et directeur général de l'Institut Open Diplomacy en présentant ce 8 septembre une note de recommandations réalisée par ce think tank en charge de l'organisation des prochaines Rencontres nationales du développement durable dont la première séquence se tiendra le 16 septembre prochain à l'Assemblée nationale. La réflexion qu'il lance sera enrichie au fil des échanges prévus avec quelque 280 intervenants d'ici la clôture des Rencontres le 9 décembre prochain.
Définir les objectifs
La note qui s'adresse aux pouvoirs publics propose d'"amplifier le changement de paradigme des politiques publiques" à travers sept recommandations. Il s'agit d'abord de "spécifier les objectifs de la planification écologique". "A ce stade, la planification écologique répond à l’immédiateté de la crise énergétique induite par l’invasion russe de l’Ukraine sous plusieurs formes : des plans de sobriété demandés aux administrations publiques et aux entreprises (-10% de consommation d’énergie d’ici fin 2024), des propositions de réformes des marchés de l’énergie et un plan d’accélération du déploiement des énergies renouvelables, observe l'étude. Or la planification écologique nécessite de s’inscrire dans un temps long avec des objectifs mesurables, des échéances claires et une trajectoire jalonnée par des étapes intermédiaires précises."
" L’enjeu est également de mener une transition juste, tenant compte du fait que 40% des émissions de gaz à effet de serre sont réalisées par le premier décile de la population (les 10% les plus riches) et que celui-ci émet 10 fois plus que le dernier décile de la population, ajoute-t-elle. La planification écologique nécessite donc d’intégrer des principes de justice sociale et territoriale en complément des objectifs de neutralité carbone qui semblent être, à ce stade, sa cible principale."
De plus, souligne-t-elle, "une clarification de ce que signifie la 'sobriété' énergétique sera nécessaire : au-delà d’une simple ascèse, l’Etat gagnerait en clarté en incitant à une transformation radicale des processus de production et des modes de consommation afin de les rendre compatibles avec les limites planétaires."
Choisir un référentiel plus large
A l'appui de cette analyse, elle avance trois recommandations. Pour définir les objectifs de la planification, il faudrait tout d'abord s'appuyer sur un référentiel plus large qui pourrait être celui des Objectifs de Développement Durable des Nations unies (ou "Agenda 2030"). "Cela permettrait de disposer d'objectifs plus clairs et d'embrasser l'ensemble des politiques publiques", justifie Thomas Friang. Il appelle aussi à "amorcer rapidement un dialogue prospectif entre le Parlement européen et les Parlements nationaux de l'UE" et à "intégrer dès 2022 l'adaptation aux dérèglements climatiques dans la planification écologique." Alors que le deuxième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC) arrive à son terme en 2022, l'étude d'Open Diplomacy recommande d'y intégrer la "maîtrise des impacts sur le pouvoir d’achat", "sur les infrastructures", "sur la défense nationale", "sur nos systèmes de soins" et "sur nos écosystèmes pour limiter les effets d'emballement entre la crise de la biodiversité et la crise climatique".
Se doter d'une loi organique à la planification écologique
"La planification écologique doit pouvoir s'appuyer sur tous les moyens politiques possibles", estime Thomas Friang. Autrement dit, "il faut mettre toutes les forces dans la bataille". Pour cela, l'étude préconise l'adoption d'une loi organique relative à la planification écologique. "Par analogie à la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), il s’agit de créer un cadre infra-constitutionnel mais supra-législatif pour piloter par missions et programmes les politiques publiques et étudier, sur la base d’indicateurs précis, leurs contributions à la réalisation des objectifs de la planification écologique", explique-t-elle. "Une telle loi organique relative à la planification écologique aurait vocation à déterminer les termes du dialogue entre l’Etat et les Régions afin d’aligner les différentes échelles d’action, appuie-t-elle. Actuellement, aucun mécanisme ne permet de s’assurer que les Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) de chaque région permettent, quand ils sont additionnés au niveau national, de réaliser la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui fait actuellement figure de feuille de route pour la planification écologique."
Passer en revue les niches fiscales
L'étude recommande aussi d'"utiliser tous les leviers législatifs et fiscaux nécessaires pour compléter les bases juridiques sur lesquelles la transition écologique doit se fonder". Il faudrait ainsi "commencer par une initiative législative européenne pour supprimer totalement les subventions publiques directes ou indirectes aux énergies fossiles à l’échelle de l’Union". Au niveau national, l'étude préconise plusieurs projets de loi. L'un pourrait ainsi " passer en revue l’ensemble des niches fiscales françaises défavorables aux objectifs de la planification écologique (…) et compléter les lacunes de la fiscalité française" comme l'absence de taxation du kérosène des avions. Un autre, "à préparer en fonction des dégâts sociaux causés par la crise énergétique en cours, devrait réactiver une taxe carbone française à la condition d’en affecter les produits à un fonds d’aide à la transition écologique destiné aux ménages les plus vulnérables en proportion de leur revenu."
Une loi relative au concours de la fonction publique à la transition écologique devrait en outre déterminer "les éléments indispensables de formation initiale et continue nécessaires pour que l’ensemble des agents de l’Etat, des collectivités et de la fonction publique hospitalière puissent concourir aux objectifs de la planification écologique" ainsi que "les normes d’évaluation de leur performance individuelle et collective permettant les évolutions de carrières au regard des objectifs fixés par la planification écologique".
Enfin, l'étude recommande de "créer une autorité administrative indépendante investie de pouvoirs de police administrative pour vérifier la mise en œuvre des objectifs de la planification écologique" - l'idée est de lutter contre le "greenwashing" voire le "green dumping" pratiqué par certaines entreprises - et d'amplifier les programmes d'investissements "en faveur des initiatives de recherche et d'entrepreneuriat concourant à la réalisation des objectifs posés par la planification écologique".