Relance du nucléaire : ces formations en attente de candidats
À l'occasion des Entretiens européens en faveur du nucléaire qui se sont tenus le 30 avril, les acteurs de la filière ont fait le point sur leurs enjeux de formation. Si les formations sont déjà disponibles, l’enjeu sera d’y amener des candidats en nombre suffisant.
100.000 emplois à pourvoir d'ici 10 ans. Soit 10.000 par an. Ingénierie, génie civil, essais et contrôles ou encore chaudronnerie-tuyauterie-soudage : les besoins de recrutements de la filière nucléaire, déjà connus, ont été établis l’an dernier par un rapport du Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (Gifen). C’était l’un des sujets abordés lors des Entretiens européens du 30 avril, un événement organisé par la société d’études ASCPE et consacré à l’industrie du nucléaire.
Un an après la publication de cette feuille de route, les différents acteurs de la filière s'accordent sur le constat que l'offre de formation est globalement disponible. "On a des formations en nombre considérable et de qualité", souligne Hélène Badia, présidente de l'Université des métiers du nucléaire (UMN), une structure qui a pour vocation de dynamiser les dispositifs de formation du secteur nucléaire, aux échelles régionale, interrégionale et nationale. Ces dernières années, sept écoles de soudage ont été créées, notamment dans les lycées professionnels. Pour veiller à la bonne adaptation de la carte des formations, l'UMN s'appuie au niveau régional sur les campus des métiers et des qualifications qui regroupent organismes de formation et clusters d'industriels.
Il n'y a qu'en Normandie, région particulièrement concernée par la relance du nucléaire, que l'offre de formation, pas suffisante, est en train d’être étoffée. À noter également un nombre insuffisant de formations dans les contrôles non destructifs pour vérifier la qualité des soudures. Dans le cadre de France 2030, "on soutient des demandes de financements faites par des consortiums", indique Hélène Badia.
Évangéliser les candidats avec le "passeport nucléaire"
Le vrai enjeu, c’est plutôt la montée en charge des formations et donc leur capacité à attirer de nouveaux candidats. Pas gagné pour le moment. Si les communes accueillant des sites nucléaires sont dans l'ensemble acquises à cette activité, "quand on s'éloigne, les habitants s'opposent", constate Hervé Maillart, délégué permanent au comité stratégique de la filière nucléaire. Si les jeunes ont une conscience des enjeux environnementaux, "malgré tout ils s'inquiètent des risques associés à la sûreté et à la gestion des déchets", observe Anne Bacquet, directrice adjointe des relations entreprises à l’École nationale supérieure d'arts et métiers (Ensam). Faute d’éducation scientifique et technique sur le nucléaire, les étudiants "arrivent avec des avis très tranchés", constate-t-elle.
L’acculturation doit donc démarrer le plus tôt possible. Idéalement dès le collège, comme le souhaitent Assystem et Framatome, partenaires de l’Ensam. Pour susciter des vocations, l’Université des métiers du nucléaire a conçu le "passeport nucléaire". Visant les formations du CAP au bac + 5, il propose différents types de contenus pour familiariser élèves et étudiants à cette filière, par l’apport de connaissances de bases, des appuis pour la recherche de stage ou d'alternance, ainsi que des travaux pratiques contextualisés à l'environnement nucléaire. Au campus Arts et Métiers d'Aix-en-Provence, "22 étudiants ont pu avoir des présentations et des échanges avec une trentaine de professionnels", se satisfait Anne Bacquet.
Des reconversions également nécessaires
Au-delà de l'orientation, la formation continue doit être elle aussi mobilisée. "Sinon, on n’arrivera pas à atteindre les objectifs", indique Éric Gadet, directeur de l'Institut national des sciences et techniques nucléaires. À Cherbourg, l’un de ses centres de formation opère ainsi des reconversions professionnelles vers le métier de technicien en radioprotection.
Le groupe Eiffage, qui s'est vu confier les travaux de génie civil des deux premiers réacteurs EPR2 de Penly, va s’appuyer sur des structures d’insertion ainsi que sur France Travail pour recruter. "On veut un million d'heures d'insertion des personnes éloignées de l'emploi et 300.000 heures pour les personnes en situation de handicap", explique Philippe Denier, expert en sûreté nucléaire au sein du département performance d’Eiffage génie civil.