Prévention - Réforme pénale : ce qui change pour les collectivités
Article initialement publié le 18 juillet 2014.
Alors que la prévention de la récidive est l'une de des trois priorités de la stratégie nationale de prévention de la délinquance pour 2013-2020, la réforme pénale définitivement adoptée par le Parlement, jeudi 17 juillet, renforce le rôle des collectivités dans ce domaine.
Le projet de loi "relatif à l'individualisation des peines et à la prévention de la récidive" a fait l'objet d'un vote ultime du Sénat sur les conclusions de la commission mixte paritaire, jeudi, après l'Assemblée un jour plus tôt. Le texte ne concerne que les auteurs de délits (vols, dégradations, outrages, délits routiers, violences…) et non de crimes. Il réaffirme le principe de l'individualisation des peines (article 4), c'est-à-dire leur adaptation à chaque cas spécifique, dans la lignée de plusieurs rapports récents.
Il supprime les peines planchers introduites sous Nicolas Sarkozy (article 8) et instaure une nouvelle peine en milieu ouvert : la "contrainte pénale" (article 19 et 20). Jusqu'au 1er janvier 2017, la contrainte pénale sera applicable uniquement pour les délits passibles de 5 ans de prison maximum. Elle sera ensuite étendue à l'ensemble des délits. "Elle permet un contrôle et un suivi renforcé, et ne supprime pas l'emprisonnement : le magistrat pourra toujours condamner à de la prison s'il pense que c'est justifié, même pour une courte peine", prend soin de préciser le ministère de la Justice, dans un communiqué, alors que le gouvernement a été accusé de laxisme tout au long des débats. Son objectif étant de désengorger des prisons aujourd'hui surpeuplées. "J'ai fait un tour de France pour expliquer ce projet de loi à des publics parfois très hostiles, parce qu'endoctrinés", est allé jusqu'à dire le garde des Sceaux, Christiane Taubira. Pourtant, l'article 3 du projet de loi prévoit bien qu'en matière correctionnelle, les peines de prison ne seront désormais prononcées "qu'en dernier recours". "Désormais, la prison sera l'exception : l'article 3 oblige le juge à motiver la peine de prison ferme non aménagée", a martelé le sénateur Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission mixte paritaire. Le ton est monté ces derniers jours avec la condamnation, le 15 juillet, à neuf mois de prison ferme d'Anne-Sophie Leclère, ex-tête de liste FN aux municipales dans les Ardennes, par le tribunal de grande instance de Cayenne, pour avoir comparé Christiane Taubira à un singe…
Exécution des peines
Le texte poursuit un autre objectif : éviter la récidive par la réinsertion, faire en sorte qu'il n'y ait plus de "sorties sèches" de prison, livrant les anciens détenus à eux-mêmes.
Les collectivités et les instances de partenariat ne sont pas au cœur du dispositif, mais elles ont vu leurs prérogatives accrues au fil des débats. Ainsi, à la demande de l'autorité judiciaire, les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD et CISPD) pourront constituer un groupe de travail sur l'exécution des peines "au sein duquel toute information, y compris individuelle, peut être échangée en vue de prévenir la récidive" (article 36). Ces groupes pourront échanger des "informations confidentielles".
Par ailleurs, au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance, l'état-major de sécurité est chargé d'animer et de coordonner les actions conduites par l'administration pénitentiaire, les autres services de l'Etat, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées, en vue de favoriser l'exécution des peines et prévenir la récidive. Dans les zones de sécurité prioritaire, ce rôle d'animation est confié à la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure. Une fois par an, l'état-major de sécurité ou la cellule de coordination opérationnelle sont informés par le procureur de la République de la politique pénale qu'ils mettent en oeuvre sur leur territoire.
Suivi en milieu ouvert
Le texte vient ainsi clarifier les conditions de suivi et de contrôle en milieu ouvert des personnes sortant de détention : si la désignation des personnes concernées relève de l'autorité judiciaire qui tiendra compte "de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que des circonstances de la commission des faits", le suivi incombera au conseil départemental de prévention de la délinquance, ou, dans les zones de sécurité prioritaires, à la cellule de coordination opérationnelles.
En revanche, les débats n'ont pas permis de maintenir une disposition introduite par les députés en première lecture confiant aux conseils départementaux de sécurité et de prévention de la délinquance le soin d'élaborer un plan stratégique départemental d'exécution des peines et de prévention de la récidive, fixant les grandes orientations dans ce domaine sur le territoire sur leur territoire.
Les députés et sénateurs seront mieux informés des réunions des conseils locaux (ou intercommunaux) de sécurité et de prévention de la délinquance. Le président du CLSPD leur indiquera, à leur demande, les dates et l'objet de ces réunions auxquelles ils pourront assister (37).
Financement de nouvelles actions
Le texte élargi les possibilités de financer des actions des services de l'Etat ou des collectivités à travers le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Alors que jusqu'ici seuls les travaux d'intérêt général proposés aux personnes condamnées pouvaient être financés, il en ira désormais de même pour les actions d'insertion ou de réinsertion ou les actions de prévention de la récidive destinées aux personnes placées sous main de justice (article 38).
Prise en charge des condamnés
Les collectivités sont amenées à jouer un rôle dans la prise en charge des personnes condamnées. Le service public pénitentiaire est assuré par l'administration pénitentiaire "avec le concours des autres services de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations et d'autres personnes publiques ou privées" (article 30). Chacun de ces partenaires signe une convention avec l'administration pénitentiaire. Pour faciliter leurs démarches de préparation à la sortie, les personnes détenues peuvent également procéder à l'élection de domicile nécessaire à l'accès aux prestations sociales et à l'exercice de leurs droits, "soit auprès du centre communal ou intercommunal d'action sociale, soit auprès de l'organisme agréé à cet effet, le plus proche du lieu où elles recherchent une activité en vue de leur insertion ou réinsertion ou le plus proche du lieu d'implantation d'un établissement de santé ou médico-social susceptible de les accueillir" (article 31).
Justice restaurative
Le texte vise également une meilleure prise en charge des victimes. Un chapitre est consacré à la "justice restaurative". Il s'agit de permettre "à une victime ainsi qu'à l'auteur d'une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l'infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission" (article 18). Leur rencontre aidera "les uns à 'se réparer' et les autres à 'prendre conscience' du préjudice causé", précise la Chancellerie. La victime pourra aussi être informée, "si elle le souhaite", de la fin de l'exécution d'une peine de privation privative de liberté (article 24). Le texte instaure enfin une contribution pour l'aide aux victimes afin d'assurer le financement des associations d'aide aux victimes. Cette contribution consiste en une majoration de 10% perçue lors du recouvrement des amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, à l'exception des amendes forfaitaires (article 49).