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Réforme pénale - Prévention de la récidive : de nouvelles missions pour les collectivités

Au cours de leur examen de la réforme pénale, les députés ont adopté une importante disposition qui renforce le rôle des instances locales dans la prévention de la récidive. Des plans stratégiques départementaux seront ainsi élaborés alors que les personnes libérées sous contrainte seront mieux suivies. Les CLSPD pourront de leur côté installer un groupe de travail sur le sujet. Les crédits du FIPD pourront par ailleurs servir à financer des actions en matière de formation, d'emploi ou de logement. Enfin, une contribution permettra de pérenniser le financement des associations d'aide aux victimes.

La réforme pénale de Christiane Taubira a été adoptée par les députés en première lecture, le 10 juin, au terme d'affrontements idéologiques entre la majorité et l'opposition sur le sens de la sanction. Au passage, le projet de loi "relatif à la prévention de la récidive et à l'individualisation des peines" avait été rebaptisé projet de loi "tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales" par la commission des lois.
A travers ce texte, l'objectif du gouvernement est d'éviter l'incarcération pour les petites peines, alors que les prisons sont surpeuplées (68.859 détenus pour 57.680 places au 1er avril 2014), mais aussi les sorties sèches de prison sachant que, selon le ministère de la Justice, "80% des condamnés quittent aujourd'hui la prison sans aucun accompagnement ni projet de réinsertion", augmentant ainsi le risque de récidive. Ce qui n'a pas manqué de susciter de vives critiques dans les rangs de l'opposition, notamment du député UMP du Rhône George Fenech qualifiant les mesures proposées de "câlinothérapie", même si l'orientation avait déjà été prise par l'ancien garde des Sceaux, Rachida Dati, avec une circulaire de 2009 enjoignant aux juges d'éviter les incarcérations pour les peines de moins de deux ans.

Contrainte pénale

Pour atteindre ses objectifs, le projet de loi de Christiane Taubira supprime les peines planchers mises en place sous Nicolas Sarkozy pour les récidivistes et instaure la "contrainte pénale". Il s'agit d'une nouvelle peine en milieu ouvert venant s'ajouter à l'arsenal des magistrats comme alternative à la prison. Elle est réservée aux délinquants condamnés à moins de cinq ans ferme. Le curseur est donc monté. La contrainte ne pourra donc être prononcée que par un tribunal correctionnel et non pour juger les crimes en cour d'assises. De même qu'elle ne concerne pas la justice des mineurs pour laquelle un autre projet de loi est prévu.
Mais la contrainte pénale, qui s'inspire de mesures mises en place en Allemagne, en Angleterre, au Canada, en Italie, en Suède ou en République tchèque, impose des obligations et interdictions justifiées par la personnalité de l'auteur, les circonstances de l'infraction ou la nécessité de protéger la victime.  Ces obligations peuvent se traduire par un travail d'intérêt général, un enseignement ou une formation professionnelle, des mesures de soins ou de traitement, notamment pour les toxicomanes, ou par un stage de citoyenneté. Les interdictions concernent par exemple celles de conduire un véhicule, d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs, de paraître en certains lieux, d'entrer en relation avec certaines personnes, de détenir ou de porter une arme. L'exécution de la peine sera contrôlée par les conseillers d'insertion et de probation. L'objectif du gouvernement est de faire passer leur nombre de 4.000 à 5.000 d'ici trois ans. 300 ont déjà été programmés dans le budget 2014.
L'exécution de la peine sera évaluée à intervalles réguliers par le service pénitentiaire d'insertion et de probation et le juge de l'application des peines. Ce dernier pourra alors décider de renforcer le suivi, voire prononcer l'incarcération du condamné en cas de manquement à ses obligations.
Selon le rapporteur socialiste Dominique Raimbourg, 20.000 contraintes pénales devraient être prononcées chaque année, sur un total de 120.000 peines d'emprisonnement ferme, 200.000 peines d'emprisonnement avec sursis et 600.000 décisions correctionnelles.
A travers les TIG ou les autres obligations comme la formation, les collectivités seront mises à contribution. Mais elles le seront encore davantage à travers la suite du texte qui concerne le renforcement du suivi des détenus pendant et après leur incarcération. Le texte prévoit qu'aux deux tiers de l'exécution de sa peine, tout condamné à moins de cinq ans fera l'objet d'un examen systématique de sa situation pour envisager son éventuelle sortie (article 16).
Les services pénitentiaires, les collectivités et les associations devront veiller "à ce que les personnes condamnées accèdent aux droits et dispositifs de droit commun de nature à faciliter leur insertion ou leur réinsertion".

Prévention de la récidive

Mais surtout, en commission, les députés ont ajouté une disposition (article 15 quater) qui renforce le rôle des instances locales en matière de prévention de la récidive et modifie le Code de sécurité intérieure en ce sens. Il donne la possibilité aux conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance de constituer un groupe de travail sur l'exécution des peines "au sein duquel toute information, y compris individuelle, peut être échangée en vue de prévenir la récidive". Des règlements intérieurs définiront les modalités d'échange des informations. Ils pourront également "constituer un ou plusieurs autres groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique".
Par ailleurs, les conseils départementaux de sécurité et de prévention de la délinquance sont amenés à fixer les grandes orientations de la politique d'exécution des peines et de prévention de la récidive sur leur territoire. Ils devront à ce titre élaborer un plan stratégique départemental d'exécution des peines et de prévention de la récidive.
Au sein de chaque conseil départemental, l'état-major de sécurité ou, dans les zones de sécurité prioritaire, la cellule de coordination opérationnelle du partenariat, seront chargées d'animer et de coordonner les actions conduites par l'administration pénitentiaire, les autres services de l'Etat, les collectivités territoriales et les associations dans ce domaine. Ils devront identifier les détenus libérés sous contraintes les plus susceptibles de récidiver ou de ne pas respecter leurs obligations, afin que les forces de police assurent leur surveillance.
Les députés ont aussi donné la possibilité d'utiliser les crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance pour financer des actions de lutte contre la récidive en matière de logement social, de formation professionnelle ou d'emploi (article 15 sexies). Aujourd'hui, le FIPD ne peut être utilisé que pour les travaux d'intérêt général.
Enfin, le texte instaure une contribution pour l'aide aux victimes afin d'assurer le financement des associations d'aide aux victimes, en souffrance depuis quelques années. Cette contribution sera assise sur le montant des amendes pénales et douanières (une taxe additionnelle de 10% est prévue) et sur les sanctions pécuniaires prononcées par certaines autorités administratives indépendantes (article 18 quater). Parallèlement, le gouvernement poursuit l'extension du réseau des bureaux d'aide aux victimes placés au sein des tribunaux de grande instance. Chaque juridiction devrait en posséder un d'ici la fin de l'année.
Le projet de loi sera examiné au Sénat à partir du 18 juin en commission des lois.

 

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