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Réforme européenne du droit d'asile : des constats, mais peu de perspectives

La commission des affaires européennes de l'Assemblée publie un rapport d'information sur la réforme européenne du droit d'asile. Il pointe l'échec de la gestion de la "crise migratoire" de 2015 et ne se montre guère optimiste pour l'avenir, la Commission ne parvenant pas à mettre en place une "politique commune et intégrée" en matière d'asile.

Ludovic Mendes, député (LREM) de Moselle, et Marietta Karamanli, députée (PS) de la Sarthe, ont remis leur rapport d'information sur la réforme européenne du droit d'asile, fait au nom de la commission des affaires européennes de l'Assemblée. Ce rapport est publié à un moment où les questions liées à l'immigration, à l'asile et à l'intégration reviennent au premier plan du débat public. Il intervient aussi au moment où une nouvelle Commission européenne se prépare à entrer en fonction, alors que la précédente, faute d'accord entre les États membres, a échoué à mettre en place une véritable politique de l'asile après la crise migratoire de 2015. Enfin, le rapport prend un relief particulier alors que la France, contrairement à la plupart des pays de l'UE, est confrontée à une nette hausse de la demande d'asile (voir notre article ci-dessous du 19 septembre 2019).

Manque d'anticipation avant la crise, échec après

Le constat dressé par la mission d'information ne surprend pas : "La crise des réfugiés a révélé les défaillances de la politique migratoire et du droit d'asile de l'Union européenne." Le rapport pointe notamment un défaut d'anticipation face à la crise des années 2015-2016, alors que l'Europe a déjà connu des flux importants de réfugiés lors du conflit en ex-Yougoslavie et lors des printemps arabes. Il pointe aussi l'échec du plan de relocalisation des demandeurs d'asile proposé par la Commission. Selon les rapporteurs, "ce mécanisme de solidarité s'est heurté à diverses difficultés de mise en œuvre", notamment l'opposition des pays du groupe de Visegrad. Et "son échec relatif aura un impact sur le long terme". Aussi, face à l'ampleur de la crise de 2015, "les États ont réagi en ordre dispersé en se repliant sur leurs frontières nationales", avec en particulier le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de certains pays de l'UE.

Sur la suite, le rapport ne se montre guère optimiste. Il constate en effet, après la crise, l'échec des propositions de la Commission pour mettre en place une politique commune et intégrée en matière d'asile. La Commission elle-même n'est pas exempte de toute responsabilité dans cet échec, car le concept d'un "paquet asile", par son aspect globalisant qui aborde tous les aspects de la question, a favorisé les blocages, y compris sur certains points qui auraient pu faire consensus.

Une voie particulièrement étroite

Aujourd'hui, le blocage institutionnel se poursuit et "depuis 2018, les négociations entre les États membres n'ont pas permis de dégager un accord". Par ailleurs, les discussions sur la réforme du règlement Dublin ont été interrompues.

Conséquence : "L'Union européenne se trouve face à des choix politiques en matière migratoire et pour garantir le droit d'asile." Mais la voie est particulièrement étroite et "l'année 2018 a marqué une régression au sujet de la nécessité d'une approche européenne". De nombreux problèmes restent donc pendants, comme celui de la définition des pays d'origine sûrs. Le rapport plaide certes pour "un mécanisme de solidarité entre les États membres", avec un dispositif de partage des charges et un renforcement de la coopération opérationnelle et judiciaire. Mais il ne met pas en évidence ce qui permettrait de réussir aujourd'hui là où l'Europe échoue depuis cinq ans. .

Pour des "visas humanitaires"

Le rapport s'interroge également sur les missions de la future Agence européenne de l'asile, qui devrait succéder au Bureau européen d'appui en matière d'asile (Easo). Pour les rapporteurs, celle-ci pourrait jouer un rôle de "soft law", consistant à établir des standards à travers du droit souple et la définition de normes communes à toute l'Union européenne. De même, elle pourrait être chargée "d'une définition de la liste européenne, non-contraignante, des pays d'origine sûrs, regroupant les pays d'origine des demandeurs d'asile considérés par tous les États membres comme ne posant pas de problèmes". Elle pourrait enfin contribuer à l'émergence d'une "culture de l'asile", avec l'objectif d'une reconnaissance mutuelle, à terme, des décisions relatives à l'asile.

Enfin, le rapport propose d'"assurer des voies sécurisées et légales d'arrivée en Europe". Il préconise pour cela de diversifier les possibilités extraterritoriales d'accès à l'asile (avec le concours du HCR et, lorsque nécessaire, le retour des "couloirs humanitaires") et envisage la création de "visas humanitaires", qui pourraient être délivrés dans les ambassades et consulats de l'UE sur le territoire des pays tiers. Ces visas "permettraient de remédier au fait que 90% des personnes bénéficiant d'un statut de réfugié ou d'une protection subsidiaire seraient arrivées dans l'UE par des moyens irréguliers"...