Réforme du travail : les collectivités à la marge
Le gouvernement a présenté, jeudi 31 août, les cinq ordonnances visant à réformer le code du travail. Les collectivités n'auront qu'un rôle à la marge. Elles seront notamment consultées pour les nouvelles "ruptures conventionnelles collectives" auxquelles les maisons de l'emploi pourront contribuer.
La mère des réformes du quinquennat est lancée. Au moment où, dans son interview fleuve publiée dans Le Point, le président de la République dénonçait "un pays corseté par les règles et les rentes qui se croit un pays de liberté", le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud recevaient les partenaires sociaux pour leur présenter les cinq ordonnances sur la réforme du travail, au terme d’une concertation de plusieurs mois.
Ces textes pris en application de la loi d’habilitation adoptée par le Parlement début août vont faire l’objet pour les deux semaines à venir d’une consultation avec les instances consultatives avant une adoption en conseil des ministres le 22 septembre. Ils entreront alors directement en vigueur, même si un projet de loi de ratification devra été adopté avant la fin de l’année par le Parlement.
Cette réforme s’inscrit dans la continuité de la loi El Khomri (on se souvient que cette dernière avait remplacé au pied levé un projet de réforme plus vaste qui aurait dû être conduit par l’ancien ministre de l’Economie Emmanuel Macron). Elle "donne la priorité aux TPE et PME", assure le gouvernement.
TPE/PME
De fait, les petites entreprises sont directement concernées par plusieurs points. En matière de dialogue social tout d’abord : pour les entreprises de moins de 11 salariés, un accord d’entreprise sera validé par les deux tiers des salariés ; entre 11 et 49 salariés, l'employeur pourra, en l'absence de délégués syndicaux (ce qui est le plus souvent le cas), négocier avec un élu non mandaté par un syndicat.
Par ailleurs, les accords de branches devront désormais comporter des dispositions spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés ou justifier leur absence… Toujours dans les entreprises de moins de 50 salariés, les ordonnances fusionneront les différentes instances - délégués du personnel (DP), comité d'entreprise (CE) et comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) - dans un "comité social et économique".
Hiérarchie des normes
Toutefois, nombre des mesures profiteront largement aux grands groupes. La réforme introduit un plafonnement sévère des indemnités prud’homales, mais aussi une augmentation de 25% des indemnités de licenciement. Quant à la fameuse "hiérarchie des normes", elle est bouleversée : l’accord d’entreprise devient la règle, même si les branches prévaudront dans quelques cas : pour les CDD (durée, nombre de renouvellements, périodes de carences aujourd'hui fixés par la loi) et les nouveaux contrats de travail temporaire dits "contrats de chantier", ou encore pour les salariés handicapés… Ces accords d’entreprises toucheront au temps de travail, aux rémunérations et à la mobilité. Leur but est de pouvoir s’adapter aux cadences et aux évolutions du marché (à l'instar des fameuses réformes Hartz menées en Allemagne au début des années 2000).
Ruptures conventionnelles collectives
La réforme instaure par ailleurs des "ruptures conventionnelles collectives", sur le modèle des ruptures conventionnelles individuelles créées en 2008. A noter que de nombreuses entreprises avaient eu massivement recours à ces ruptures conventionnelles en lieu et place de véritables plans sociaux qui leur auraient été plus contraignants. Ces accords de ruptures conventionnelles collectives doivent être homologués par l’administration.
Lorsque les suppressions ainsi prévues affectent par leur ampleur l’équilibre du ou des bassins d’emploi, les entreprises sont alors tenues de contribuer "à la création d’activités net au développement des emplois" et d’atténuer les effets du plan sur les autres entreprises locales. Ces mesures doivent faire l’objet d’une consultation des collectivités territoriales concernées, des organismes consulaires et des partenaires sociaux membres de la commission paritaire interprofessionnelle régionale. Les maisons de l’emploi peuvent, sous forme de convention passée avec l’entreprise, participer à la revitalisation des bassins d’emploi. Quand ces suppressions concernent au moins trois départements, le ministre de l’Emploi et l’entreprise signent une convention-cadre nationale de revitalisation.
En matière de licenciement pour motif économique, un changement de taille intervient. Le périmètre d’appréciation du motif économique sera désormais le cadre national et non plus la scène mondiale.