Territoires ruraux - Réforme des ZRR : les propositions de la mission d'information
Le grand toilettage des zones de revitalisation rurale (ZRR) reporté depuis des années peut enfin avoir lieu. Alors que le Premier ministre a annoncé des Assises de la ruralité pour octobre et novembre, la mission d’information de l’Assemblée a présenté ses conclusions, le 8 octobre, devant la commission du Développement durable.
Dans ce rapport, les deux députés de la mission, Alain Calmette (PS, Cantal) et Jean-Pierre Vigier (UMP, Haute-Loire), constatent que le zonage actuel est "dilué" et "figé". Ils proposent donc une refonte à la fois du zonage et des aides, le tout assorti d’un mécanisme de sortie progressive pour ne pas pénaliser brutalement les communes sortantes. Et éviter le scénario de 2013 où environ 2.000 communes avaient été exclues, avant d'être réintégrées face au tollé que cette exclusion avait suscité...
"Mort lente"
Instaurée par la loi Pasqua en 1995 dans une logique de discrimination positive en faveur des territoires fragiles, les ZRR représentent aujourd’hui 14.691 communes, soit 40% du total, pour plus de 6 millions d’habitants, a rappelé Jean-Pierre Vigier, devant la commission. Ces communes sont essentiellement réparties le long d’un axe Sud-Ouest / Nord-Est, de l’Aquitaine à la Champagne-Ardenne. "Le nombre de communes classées en ZRR a cru mécaniquement depuis 2009 sous l’effet de l’essor de l’intercommunalité (depuis 2005, l’appartenance à une intercommunalité est une des conditions pour être classé, ndlr). Mais le classement en ZRR ne reflète plus l’évolution démographique et socio-économique des territoires ruraux", souligne le rapport. Or, selon Jean-Pierre Vigier, la carte actuelle comprend "10% des communes urbaines qui n’ont rien à faire en ZRR". Le dispositif ne permet donc plus de se concentrer sur les territoires les plus fragiles, alors que les crédits globaux du dispositif sont en baisse. En cinq ans, ils ont chuté de 50%. "Le dispositif en faveur des ZRR est en 'mort lente' avec un risque désormais réel de le voir s’éteindre progressivement", avertissent les députés.
Des critères "simples et lisibles"
En ce qui concerne le zonage tout d'abord, les députés ont travaillé à partir de simulations produites par le CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires). Ils proposent d’abandonner le critère institutionnel (l’appartenance à une intercommunalité) qui ne sera plus pertinent du fait de l’achèvement de la carte intercommunale, et de remplacer le critère dynamique d’évolution démographique et les critères socio-économiques actuels par des critères "simples et lisibles", "correspondant mieux à la réalité des territoires".
Ils suggèrent en premier lieu un critère de densité démographique : seraient zonées toutes les communes d’un EPCI à fiscalité propre dont la densité est inférieure à 50% de la densité moyenne nationale, soit 58 habitants au km2. Les députés appuient leurs calculs sur la base d’un EPCI fictif. Deux hypothèses seraient alors possibles : dans le périmètre de l’EPCI, on ne retiendrait que les communes de moins de 10.000 habitants ; ou alors, on enlèverait celles de plus de 10.000 habitants, mais aussi celles de plus de 2.500 habitants contiguës à celles-ci, puisqu’elles bénéficient d’une série de services fournis par la commune-centre.
Le deuxième critère est lié à la richesse des habitants. Seraient zonées les communes de ce même EPCI fictif dont les revenus sont inférieurs ou égaux à la médiane des revenus nationaux, soit 19.120 euros.
Une telle révision permettrait de recentrer le dispositif dans une fourchette de 12.000 à 13.000 communes, pour 5 millions de personnes environ. C’est quand même nettement plus que ce que les deux députés envisageaient dans leur rapport d’étape de février dernier, dans lequel ils préconisaient de s'en tenir de 7.000 à 9.000 communes.
Sortie progressive
Les députés proposent d’établir le nouveau zonage au 1er janvier 2015 (ce qui implique de modifier la loi avant la fin de cette année) pour une période de six ans, et de prévoir un délai de deux ans pour une sortie progressive des communes déclassées. Les communes sortantes du dispositif continueraient à bénéficier des effets du classement pour une durée :
- de deux ans à partir du 1er janvier 2015 pour celles qui ne seront pas retenues dans le futur zonage ;
- de huit ans (six + deux) pour celles qui ne seront pas retenues dans la révision du zonage au 1er janvier 2021.
Une révision interviendrait à mi-parcours en 2018 pour tenir compte des modifications des périmètres des EPCI. "Cette révision ne concernerait que l’entrée des communes dans le dispositif jusqu’à la fin de la période de classement (2015-2020)", a précisé Jean-Pierre Vigier.
Révision des aides
Concernant la révision des aides, qui constituent le cœur du dispositif, les députés ont comptabilisé pas moins de 18 exonérations fiscales et 3 exonérations sociales, toutes listées en annexe du rapport. Ils proposent de supprimer l’exonération de cotisations sociales pour embauche à partir du 1er janvier 2015, mais de poursuivre les exonérations de cotisations sociales pour les OIG (organismes d’intérêt général). "Il est apparu qu’il n’était pas envisageable de supprimer le dispositif en raison des conséquences immédiates sur les organismes bénéficiaires et sur les collectivités", a expliqué Jean-Pierre Vigier.
Le rapport propose aussi de proroger les exonérations fiscales pour une durée de six ans, notamment les exonérations sur les bénéfices et les exonérations de plein droit de la contribution économique territoriale. "Les deux mesures jouent pleinement leur rôle en milieu rural", a justifié le député. Les rapporteurs envisagent aussi le maintien du dispositif d’exonérations facultatives de la fiscalité à l’initiative des collectivités locales.
Un fonds unique pour la revitalisation rurale
Au-delà des exonérations, jugées insuffisantes pour renforcer l’attractivité des territoires, les députés appellent à un "changement de logique" passant par une "sanctuarisation" des dotations de l’Etat, notamment de la DGF (dotation globale de fonctionnement), au profit des communes classées en ZRR. "En 2014, la DGF variait de 125 euros par habitant dans les communes de 500 à 1.000 habitants à 314 euros pour celles de plus de 200.000 habitants", a justifié Alain Calmette.
Les députés proposent aussi de prendre en compte l’appartenance des EPCI aux ZRR pour le calcul de la dotation de solidarité rurale (DSR) et d’engager une refonte de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), aujourd'hui limitée aux investissements, de manière à ce que les préfets de départements puissent l’ouvrir au financement de l’ingénierie territoriale…
A côté de ces aménagements, les députés proposent de fondre les différents mécanismes financiers (DETR, FNADT, Fisac…) au sein d’un fonds unique de revitalisation rurale. Ce fonds serait géré de manière déconcentré au niveau départemental.
Le rapport préconise par ailleurs une politique dérogatoire en matière de normes, alors que celles-ci "peuvent apparaître comme extrêmement lourdes en milieu rural, que ce soit au niveau de l’accessibilité ou au niveau de l’environnement", a indiqué Alain Calmette.
Alors que l’impact réel des ZRR sur l’économie locale est difficile à évaluer, les députés proposent de mettre en place un observatoire national des ZRR rattaché à l’observatoire des territoires, au sein du CGET.
Enfin, les députés souhaitent faire des ZRR "la clef d’entrée et la carte de référence de la prise en compte des territoires ruraux fragiles par les politiques publiques, qu’elles soient à l’initiative de l’État ou des collectivités locales". Selon Alain Calmette, "la région pourrait ainsi avoir un rôle d'aménagement du territoire infra-régional".