Réforme des retraites : une "opportunité" pour les agents publics ?
Voulue par l'exécutif, la mise en place d'un régime universel de retraite va remettre en cause les spécificités qui déterminent aujourd'hui le calcul des pensions des agents publics. Ces derniers doivent-ils s'en inquiéter ? Lors du Forum retraite organisé le 15 octobre par la Caisse des Dépôts, le haut-commissaire à la réforme, Jean-Paul Delevoye, a estimé qu'ils ont là au contraire une "opportunité".
La construction d'un régime universel de retraite, tel que voulu par le président de la République, va avoir pour effet de rapprocher les modalités de calcul des droits à la retraite des secteurs public et privé. "Les salariés et les fonctionnaires cotiseront au même niveau", ont ainsi indiqué le 10 octobre le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, et la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn. Par ailleurs, les primes des fonctionnaires entreront en compte dans le calcul des pensions. Elles en sont aujourd'hui exclues, ce qui constitue une différence majeure avec les retraites des salariés. Autre grande spécificité actuelle de la fonction publique : la prise en compte des six derniers mois d'activité, contre les vingt-cinq dernières années pour le secteur privé. Mais à ce stade, le gouvernement n'indique pas quel serait demain le nombre d'années de cotisation.
Venu clore la 21e édition du Forum retraite organisée ce lundi 15 octobre à Paris par la direction des retraites et de la solidarité de la Caisse des Dépôts, Jean-Paul Delevoye a vanté les avantages pour les fonctionnaires du système de retraite envisagé. Il leur offrira "l'opportunité" de ne plus être "stigmatisés", a-t-il dit. Aujourd'hui, "la plupart des gens pensent que les retraités du public sont bien mieux traités que les retraités du privé", avait indiqué en introduction le président du Conseil d'orientation des retraites, Pierre-Louis Bras. Cette opinion ne serait fondée que sur des a priori. Des études de la Drees effectuées sur la génération 1958 ont en effet montré que si l'on applique aux fonctionnaires les règles de calcul des droits à pension du secteur privé, ils se retrouvent globalement dans une situation "relativement équivalente" à celle des salariés.
La mobilité sera facilitée
Avec la réforme, les agents ayant peu de primes, à l'exemple des enseignants, pourraient toutefois être pénalisés. Ce résultat n'est pas vraiment en phase avec l'objectif d'une réforme qui se veut juste. Le Haut-commissaire à la réforme des retraites va donc s'employer, au cours de la deuxième séquence de la concertation avec les représentants des personnels, des employeurs et des caisses de retraite, qui doit durer "six mois", à trouver les moyens de "corriger cette inégalité". L'exercice se déroulera à peu près simultanément à la concertation sur les déterminants de la rémunération des agents publics, conduite sous la responsabilité du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics.
Le haut-commissaire compte également "revisiter la totalité des éléments de solidarité" s'appliquant aux droits familiaux. Des mécanismes qui aujourd'hui ne jouent pas toujours en faveur des agents publics. Exemple : dans le secteur privé, la naissance d’un enfant permet d’acquérir 8 trimestres de majoration de durée d’assurance, contre seulement 2 dans le secteur public. Dans cet exemple, l'harmonisation prévue devrait donc être favorable à la fonction publique.
La semaine dernière, le gouvernement faisait valoir qu'actuellement, "la superposition" de régimes fonctionnant avec des règles différentes "pénalise les mobilités et les transitions professionnelles." En définissant des règles communes à tous les salariés et agents, la réforme permettra de lever cette difficulté. Cet objectif est aussi celui de la réforme des ressources humaines dans la fonction publique, a fait remarquer Carine Soulay, adjointe au directeur général de l'administration et de la fonction publique. Elle s'est félicitée de la "convergence" des deux processus de réforme au regard de ce but. Selon elle, tous les deux doivent permettre également de favoriser la reconversion des agents reconnus inaptes du fait de leur état de santé et d'éviter qu'un certain nombre ne soient placés en retraite de manière prématurée, avec des droits réduits.
Accompagner les affiliés au cours de la transition
Forte de la gestion de 23 régimes et fonds de retraite représentant 3,8 millions de retraités, la Caisse des Dépôts "met dès à présent toute son énergie" au service d'une réforme "sans précédent depuis la création du système de sécurité sociale en 1945", a déclaré Eric Lombard, directeur général de l'établissement. Rappelant que la lutte contre les inégalités sociales est "une des missions essentielles" de l'institution qu'il dirige, il a souligné que le chantier représente "un travail considérable sur le plan technique et humain". Il s'agit d'"accompagner les régimes, les affiliés et les employeurs". La Caisse des Dépôts sera "très attentive" à cet enjeu, avait affirmé lors de la table ronde Laure de la Bretèche, directrice déléguée des retraites et de la solidarité du groupe public. En la matière, ce dernier a déjà une solide expérience, a-t-elle fait valoir. Dès 2013, un assistant virtuel intelligent a accompagné les affiliés de la CNRACL et de l'Ircantec sur les sites internet des deux régimes de retraite. Cet outil, qui a été récompensé cette année par le second prix du concours "Best Robot Experience", "montre la voie à suivre", a déclaré celle qui a été entre 2014 et 2017 la secrétaire générale pour la modernisation de l'action publique.
Fondé comme aujourd'hui sur le principe de répartition cher aux Français, mais universel, le système sera plus équitable, a répété Jean-Paul Delevoye : "un euro cotisé vaudra les mêmes droits pour chaque Français." La réforme n'a pas pour but de générer des économies, mais elle se fera "à enveloppe constante", a-t-il aussi assuré. Les droits déjà acquis par les salariés dans le cadre actuellement en vigueur seront donc reconvertis dans le nouveau système (sous la forme de points). Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT, a considéré que ces préalables facilitent la concertation engagée par le haut-commissaire. Il a aussi estimé qu'en ayant ouvert une autre concertation, cette fois sur les carrières et les rémunérations dans la fonction publique, le gouvernement offre "un cadre qui permet d'avancer." Mais le responsable syndical a jugé indispensable la création de droits nouveaux en matière de retraite à l'occasion de cette réforme. C'est seulement avec ce "genre de marqueur" que les Français "se laisseront embarquer", a-t-il dit. De son côté, Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) a suggéré que le futur régime de retraites soit bâti sur "deux piliers" - l'un pour le secteur privé et les indépendants et l'autre pour le public – et prenne en compte les spécificités de certains secteurs professionnels. La réforme devra en particulier "rétablir la confiance à l'égard de la solidarité intergénérationnelle", en rassurant notamment les jeunes générations sur "la solidité du régime", a-t-il estimé.
Une nouvelles convention d’objectifs et de gestion pour la CNRACL
Les représentants de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), de l’État et de la Caisse des Dépôts ont signé ce même 15 octobre au Forum des images la quatrième Convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNRACL.
La nouvelle COG de la CNRACL s’articule autour de 3 axes : "faciliter l’accès à une information plus complète et plus personnalisée des affiliés et renouveler la relation à l’employeur", simplifier les traitements et renforcer la performance de gestion du régime
Cette COG 2018-2022, dont le projet a été approuvé fin septembre par le conseil d'administration du régime, entend "répondre aux enjeux de l’inter régime et d’expérimenter de nouvelles modalités de liquidation afin d’établir une relation plus directe avec les actifs", indique la CNRACL. " Les attentes des affiliés en matière d’information constituent l’un des enjeux majeurs auxquels doivent répondre les régimes de retraite. La complexité du système et l’individualisation croissante des conditions de départs en sont les causes premières", explique-t-elle.
Avec 3,5 millions d’assurés, la CNRACL, dont la gestion a été confiée à la Caisse des dépôts, est l’un des tous premiers régimes de retraite en France.
Cette information concerne notamment les données conservées dans les “comptes individuels retraite” (CIR) dont la gestion évoluera fortement d’ici 2023, mais aussi par exemple les facilités d'accès au centre d’appel et aux services dématérialisés. En outre, l’automatisation du traitement des liquidations dites simples sera expérimentée.
C.M.