Réforme de la loi ESS de 2014 : le nouveau Mouvess écrit aux députés
Dénonçant des "corporatismes", le nouveau Mouvement des entreprises écologiques, sociales et solidaires (Mouvess) s’oppose à la voix majoritaire au sein de l’économie sociale et solidaire et demande aux députés de s’atteler à une réforme ambitieuse de la loi de 2014. Une définition plus précise de l’ESS est demandée, avec une exigence renforcée sur l’impact social et environnemental et les écarts de rémunération.
Saisi en novembre dernier par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État en charge de l’économie sociale et solidaire (ESS) et de la vie associative, le Conseil supérieur de l’ESS a récemment remis son avis au gouvernement sur le bilan de la loi de 2014. Dans cet avis dont s’était fait l’écho Localtis (voir notre article), des ajustements étaient demandés sur divers points mais les acteurs semblaient s’accorder sur une demande de continuité en ce qui concerne la définition et le périmètre de l’ESS. Les voix discordantes de plusieurs anciens dirigeants du Mouvement impact France (MIF) – à l’époque où il s’appelait le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) – s’étaient toutefois fait entendre, sous la houlette de Jonathan Jérémiasz, fondateur de plusieurs entreprises sociales, et Christophe Itier, ancien Haut-commissaire à l’ESS et à l’innovation sociale. Ces derniers appelaient à une clarification de la définition et du périmètre de l’ESS, estimant que cet ensemble recouvre des entreprises trop différentes, notamment concernant l’impact social et environnemental et les écarts de rémunération.
Contestant également la nouvelle direction du MIF (voir notre article), ce collectif d’entrepreneurs sociaux a cet été créé officiellement son propre mouvement : le Mouvement des entreprises écologiques, sociales et solidaires (Mouvess). Alors que les principaux mouvements de l’ESS – dont ESS France, le Mouvement associatif, le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES), l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) – ont déclaré conjointement en mai dernier "[faire] bloc" autour de la définition de l’ESS de 2014 (voir notre article), le Mouvess n’en démord pas et a adressé ce 7 septembre 2023 une lettre ouverte aux députés.
"Pourquoi l’ESS, qui ambitionne légitimement d’être au cœur des défis sociaux et écologiques de ce siècle, demeure encore et toujours si peu visible et lisible du grand public, des médias comme des décideurs politiques et économiques ?", interpelle Jonathan Jérémiasz, élu cet été président du nouveau Mouvess. Ces "problèmes de cohérence et de lisibilité de l’ESS" découlent selon le Mouvess de la prédominance du statut juridique dans la définition retenue. "Peu importe l’utilité sociale ou environnementale de l’activité, les conditions de partage interne de la richesse, le statut d’association, de coopérative, de mutuelle ou de fondation suffit en soi pour être une entreprise de l’ESS", est-il pointé. Dans cet ensemble disparate, on trouve certes "nombre d’entreprises porteuses d’innovations sociales et écologiques, nombre d’acteurs de la solidarité" ou encore des "pionniers de l’économie circulaire ou de l’insertion professionnelle", selon le courrier, dans lequel sont par exemple cités la Croix Rouge, APF-France Handicap et Emmaüs. "Cependant l’ESS compte aussi des entreprises – et non des moindres en termes de chiffres d’affaires – qui sont pour le moins éloignées des précédentes comme de la promesse d’incarner 'l’économie de demain', tant par le caractère peu solidaire et peu écologique de leurs activités, que par leur modèle économique et social", est-il relevé, avec une référence à "certains groupements coopératifs agricoles" ayant récemment "[défrayé] la chronique médiatique voire judiciaire".
Le Mouvess demande ainsi aux députés d’engager "une réforme de la loi du 31 juillet 2014, et tout particulièrement celle de son article 1 portant définition de ses entreprises", pour introduire "l’obligation - a minima - de se fixer des objectifs sociaux et environnementaux" pour les entreprises de l’ESS et "un encadrement légal de la rémunération des dirigeants de ses plus grandes entreprises" sur le modèle des entreprises publiques. "Si elles sont aujourd’hui minoritaires au sein des instances actuelles de représentation des têtes de réseaux de l’ESS", du fait de "corporatismes", ces propositions "sont indéniablement soutenues par les acteurs de terrain de l’ESS" et recevront forcément l’assentiment des "citoyens français", est-il estimé. "Une ESS exigeante et cohérente donnerait enfin un vrai exemple à suivre pour l’ensemble de l’économie, et serait un partenaire décisif pour les pouvoirs publics", conclut le président du Mouvess.
A noter qu’ESS France animera ce 11 septembre 2023 une conférence de rentrée intitulée "10 ans après la loi ESS, développer le pouvoir transformateur de l'ESS".