Le Mouvement Impact France, alternative "green et sociale" au Medef ? Une ambition contestée

Tempête dans le monde de l'économie sociale et solidaire (ESS) et des entreprises sociales. En jeu : la définition, les contours et la représentation d'une branche de l'ESS : celle de l'entrepreneuriat social ou bien de l'économie dite "à impact".

Le 7 mai 2023, dans une tribune publiée dans Le Journal du dimanche, des fondateurs et anciens responsables du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves, devenu en 2020 Mouvement Impact France) ont dénoncé le virage stratégique du Mouvement Impact France (MIF). Créé en 2010, le Mouves a permis selon eux d'œuvrer à la reconnaissance de l'entrepreneuriat social au sein de l'ESS dans le cadre de la loi de 2014, "via notamment la création de l’agrément Esus (entreprise solidaire d’utilité sociale) qui le définit précisément : un modèle entrepreneurial entièrement dédié à la résolution d’une problématique sociale ou environnementale, une gouvernance partagée, une lucrativité limitée, un encadrement clair des rémunérations : 10 Smic maximum".

Mais aujourd'hui, le Mouvement Impact France ambitionne de fédérer bien au-delà de ce périmètre jugé trop restrictif et de rassembler, selon son dossier de presse de présentation, un vaste ensemble d'"acteurs du changement" ou encore d'"entrepreneurs à impact positif" (y compris des entreprises désignées "impact first", des entreprises  dites "engagées" telles que des entreprises à mission et des entreprises "profit first" ayant une stratégie de RSE). L'ambition pour le MIF : "contribuer à faire de l'économie française la première économie à impact en Europe" et, pour cela, incarner "l'alternative green et sociale du Medef". Ce virage stratégique doit s'appuyer sur l'élection probable, le 24 mai prochain, d'un nouveau duo à la présidence du Mouvement : Pascal Demurger, directeur général de la Maif, et Julia Faure, cofondatrice de la marque de vêtements Loom.

"Seule l’Udes peut prétendre être l’organisation patronale de l’économie sociale et solidaire", a recadré ce 10 mai 2023 l'Union des employeurs de l'économie sociale (Udes), forte des 30.000 entreprises - employant 1 million de salariés - qu'elle représente. "Être reconnu comme partenaire social ne se décrète pas et signifie avoir acquis la reconnaissance de sa représentativité en permettant à chaque organisation qui en bénéficie, d’être associée dans le dialogue social et économique", affirme l'Udes dans son communiqué. Alors que des travaux d'évaluation de la loi de 2014 sont en cours, l'Udes s'inquiète d'"approximations" et de positions "préjudiciables à la reconnaissance même de l’économie sociale et solidaire en tant qu’acteur économique". Bien qu'étant adhérent à ESS France, le MIF "souhaite fédérer en son sein des entreprises qui n’ont rien à voir avec l'ESS", pointe  en particulier l'Udes.

Pour Pascal Demurger et Julia Faure, qui s'exprimaient le 17 avril 2023 dans Les Echos, le MIF a vocation à “réunir le plus grand nombre d’entreprises déterminées à changer le système plutôt qu’une minorité d’acteurs exemplaires”. "Quand tout est 'à impact', plus rien n’a d’impact", répondent les signataires de la tribune du 7 mai, dont Jonathan Jérémiasz, ancien président du Mouves, et Christophe Itier, ancien Haut-commissaire à l'ESS et à l'innovation sociale. Estimant qu'"un élargissement non maîtrisé vers ceux qui se réclament trop légèrement de l’impact" est une "source inévitable à terme de socialgreen, ou impact washing", ces acteurs annoncent la création d'un nouveau Collectif des entrepreneurs sociaux se déclarant prêt à "redonner d’urgence une représentation forte et authentique aux entrepreneurs sociaux à la hauteur de leur puissance transformatrice et de leur niveau d’engagement".

 

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