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Formation professionnelle - Réforme de la formation : vers 25.000 fermetures d'organismes et 75.000 chômeurs en plus ?

D'après le mouvement des Hiboux, créé en avril 2015, la réforme de la formation professionnelle pourrait entraîner la fermeture de 25.000 organismes de formation. La CGPME partage ses inquiétudes. Elle propose une mesure d'urgence.

25.000 organismes de formation fermés et 75.000 personnes de plus au chômage… D'après le mouvement des Hiboux, les répercussions de la réforme de la formation professionnelle risquent d'être lourdes. Ce mouvement, qui regroupe des organismes de formation, s'est mis en place en avril 2015, à la suite de nombreuses critiques et signes de colère ou d'incompréhension face à la réforme, émises sur le site CPFormation. Au cœur des préoccupations : la mise en place du compte personnel de formation (CPF). Depuis son lancement, 1.000 dossiers seulement, dont 900 issus de personnes actives, ont été validés. Un chiffre très faible, comparé aux 250.000 dossiers qu'enregistrait sur la même période le droit individuel à la formation (DIF) que le CPF remplace. "Il va y avoir un impact énorme sur les personnes qui souhaitent se former, salariés comme demandeurs d'emploi, mais aussi sur les organismes de formation", détaille Guillaume le Dieu de Ville, fondateur d'un organisme de formation linguistique, Lingueo, et initiateur des Hiboux.
Le démarrage très lent du CPF fait en effet craindre des fermetures de centres de formation. La constitution des listes éligibles au CPF représente aussi un handicap. Les seules formations éligibles sont celles qui permettent d'acquérir le socle commun de connaissances et de compétences, dont le contenu est défini par décret, les actions d'accompagnement à la validation des acquis et de l'expérience (VAE) et les formations inscrites sur une liste nationale de branche, une liste nationale interprofessionnelle, ou une liste régionale interprofessionnelle. Tous les organismes ne proposent pas des formations éligibles, ou pas seulement… "Toute leur activité ou une partie risque ainsi d'être supprimée", souligne Guillaume le Dieu de Ville.
D'après le mouvement, les organismes de formation les plus touchés sont ceux qui proposent des bilans de compétences, mais aussi ceux du secteur de l'informatique et de la bureautique (formation à word, excel…), du secteur juridique, des ressources humaines, et les organismes spécialistes linguistiques (apprentissage du chinois par exemple). Une centaine d'organismes de formation auraient déjà fermé leurs portes.
Pour Arnaud Portanelli, porte-parole des Hiboux, la réforme est une "usine à gaz, avec des stades de validation énormes, complètement déconnectés de la réalité", et une sorte de discrimination. "Une personne à Marseille n'aura pas accès à la même formation qu'une personne à Paris", détaille-t-il, en allusion aux listes régionales interprofessionnelles de formation.
"Il y a une rupture très brutale, or, nous aurions souhaité une transition pour permettre à tout le monde de se mettre à la page", explique Guillaume le Dieu de Ville. Le mouvement compte poursuivre son dialogue avec le gouvernement pour trouver des solutions. Il n'est pas le seul à être inquiet de la situation.

La proposition de la CGPME

Dans un communiqué publié le 28 mai 2015, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) alerte elle aussi sur les conséquences néfastes de la réforme de la formation professionnelle. "Plus de cinq mois après l'entrée en vigueur de ce que certains présentaient comme 'la grande réforme de la formation professionnelle', les premiers résultats sont là : le marché de la formation a chuté de 15% en moyenne au premier trimestre 2015 et l'on s'oriente vers une baisse de 30% à fin mai. Un véritable 'désinvestissement formation'", s'alarme ainsi la CGPME. La complexité des nouveaux dispositifs mis en place, dont le CPF, mais aussi le quasi abandon des mutualisations sont pointés du doigt. Pour éviter d'assister à un effondrement du taux d'accès à la formation des salariés des PME, la CGPME propose une mesure d'urgence : attribuer un financement aux entreprises qui s'engagent à mettre en place des actions de formation au moins à hauteur de 0,9% de leur masse salariale. Cette contribution, qui atteindrait un tiers de la dépense totale (coûts pédagogiques et salariaux), serait financée sur les excédents disponibles au titre du CPF, encore en cours de démarrage…
La CGPME aimerait faire valider la mesure le 3 juin, lors de la prochaine réunion organisée par le ministère du Travail pour évaluer les actions menées dans le cadre de la réforme. Elle a été proposée au Comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation professionnelle (Copanef) le 26 mai dernier et devrait être examinée lors de la prochaine séance, le 7 juillet.