Référent déontologue des élus locaux : "L'intervention des centres de gestion est légitime"

Le 11 juin dernier, le tribunal administratif de Nancy a rendu une décision défavorable concernant le service de déontologie destiné aux élus locaux, créé par le centre de gestion de la Meuse. Le jugement est-il de nature à remettre en cause les fondements des missions d'assistance au référent déontologue des élus proposé par les autres centres de gestion ? Réponse de Louis Mathevet-Bidini, secrétaire général du réseau des référents déontologues des centres de gestion.

Dans une décision rendue publique le 11 juin dernier, le tribunal administratif de Nancy a annulé la délibération du centre de gestion (CDG) de la Meuse, par laquelle ce dernier avait créé un service de déontologie à destination des élus. Le préfet de la Meuse avait déféré la délibération au motif qu'elle était illégale "au regard des missions d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale, ainsi que des dispositions du code général des collectivités territoriales concernant le référent déontologue des élus". Il contestait notamment la possibilité pour le CDG de fonder son intervention dans ce domaine sur le droit que lui confère le code général de la fonction publique de réaliser des "tâches administratives complémentaires", en sus de ses missions obligatoires. Sans même examiner les autres arguments du préfet, le tribunal lui a donné raison. Selon lui, il ressort du code général de la fonction publique que "les tâches administratives complémentaires doivent concerner exclusivement les personnels des collectivités territoriales et des établissements publics en relevant et ne peuvent donc s'adresser aux élus".

Référent désigné par la collectivité

La décision va-t-elle faire jurisprudence, alors que nombre de collectivités, en mal de référent déontologue pour leurs élus, ont recours au service d'assistance proposé par les centres de gestion ? Le risque est très faible, selon Louis Mathevet-Bidini, secrétaire général du réseau national des référents déontologues, créé à l'initiative de l'Association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion (ANDCDG).

Interrogé par Localtis, il assure que les centres de gestion ont pris grand soin de respecter le cadre juridique de leur intervention et le décret du 6 décembre 2022, qui a précisé les modalités et les critères de désignation des référents déontologues des élus locaux. Pour rappel, ce décret pris en application de la loi "3DS" de février 2022 est entré en vigueur le 1er juin 2023.

Les CDG proposent un "service d'assistance", par exemple en mettant à la disposition des référents déontologues des élus locaux des outils informatiques et des assistants chargés du traitement des saisines, de la communication sur le dispositif, etc. Ces missions effectuées pour le compte des collectivités (et non des élus locaux) sont bien du ressort des missions administratives complémentaires des centres de gestion autorisées par la loi (tout comme les services en matière d'archivage ou de numérisation proposés par certains centres de gestion).

Le référent est quant à lui désigné par l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement, comme le prévoit le décret.

Compléter le décret ?

"Là où le bât blesse, c'est par rapport au financement de la mission" par les centres de gestion, estime Louis Mathevet-Bidini. Étant de nature facultative, cette mission doit être financée par "une cotisation ou une facturation" qui n'est prévue ni par le décret du 6 décembre 2022 ni par l'arrêté ministériel du même jour. Mais le contrôle de légalité préfectoral n'a pas retoqué les délibérations des centres de gestion au regard de cet argument.

Le CDG des Côtes-d'Armor a dû l'année dernière réécrire son projet de délibération, après un avis négatif rendu par le préfet, qui avait été consulté par l'intéressé. Quant au CDG de La Réunion, il a dû se mettre en conformité avec des avis rendus récemment par le préfet et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) concluant à une organisation inadéquate du service mis en place par le CDG. Ce dernier est à l'origine de la saisine des deux institutions. Parmi les délibérations prises en 2023 par les CDG au sujet du référent déontologue des élus locaux, la délibération du CDG de la Meuse est finalement la seule qui devrait être annulée en justice, selon l'expert. 

Sur 64 CDG ayant répondu en mars 2023 à une enquête de l'ANDCDG, plus de la moitié (33) comptaient s'engager dans la mission de référent déontologue des élus locaux. Depuis, d'autres se sont lancés, sans que l'on sache exactement combien. 

Ils ont fait valoir des arguments juridiques, qui, s'ils sont fondés (la plupart du temps), n'en relèvent pas moins d'une forme de bricolage. Il aurait été plus simple que le décret de décembre 2022 mentionne le rôle des centres de gestion dans le dispositif. Mais à la surprise générale, le pouvoir réglementaire est resté silencieux sur ce point. Le réseau des référents déontologues des CDG agit donc pour que ce qui constitue un oubli aux yeux de ses membres soit réparé. C'est d'autant plus nécessaire, souligne Louis Mathevet-Bidini, que les petites communes ont le plus grand mal à trouver un référent déontologue si elles ne sont pas aidées. Dans ce contexte, certaines d'entre elles n'auraient toujours pas désigné leur référent – en dépit de l'obligation qui pèse sur elles.

Référence : décision du tribunal administratif de Nancy, n° 2303191, 11 juin 2024.