RGPP - Réduire les déficits en réformant l'Etat et ses aides
Regroupements de services de l'Etat, ajustement des contrats aidés, recentrage de l'accès au logement social, révision des aides aux entreprises... le chef de l'Etat a présenté ce vendredi 4 avril, à l'issue du deuxième Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), un paquet de 166 mesures devant, selon Bercy, faire économiser 7 milliards d'euros à l'Etat d'ici 2011. Ceci, principalement, par le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite entre 2009 et 2011, mesure qui représenterait à elle seule une économie d'"à peu près 900 millions d'euros par an".
"Chaque ministre doit maintenant conduire les réformes décidées, dans le respect des objectifs qui lui sont assignés", a déclaré Nicolas Sarkozy lors de son intervention à Bercy devant plusieurs membres du gouvernement, dont Eric Woerth, ministre du Budget et rapporteur général de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Il a indiqué avoir demandé au Premier ministre de veiller à ce que les différentes réformes ne soient pas menées "sans coordination sur les territoires". Un déplacement en province, à Cahors, est prévu le 8 avril "pour évoquer l'avenir de l'organisation de l'Etat au niveau territorial".
Huit directions en région
Cet Etat territorial occupe d'ores et déjà une part non négligeable des mesures annoncées - ou, pour certaines, rappelées - vendredi, comme cela avait déjà été le cas lors du premier CMPP en décembre dernier. Le tout autour d'un rassemblement des structures de l'Etat en huit directions : une direction résultant de la fusion de la trésorerie générale et de la direction régionale des services fiscaux ; une direction régionale chargée de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt ; une direction régionale chargée des affaires culturelles ; une direction régionale correspondant au périmètre d'attributions du ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire également compétente en matière de logement ; une direction régionale chargée des entreprises, de l'emploi, de la consommation, du travail ; une direction régionale chargée de la cohésion sociale, de la jeunesse et des sports (entre autres chargée de l'application du plan banlieues) ; le rectorat ; la future agence régionale de santé (ARS).
Au niveau départemental, outre la fusion déjà engagée des DDE et des DDAF, de nouvelles directions devraient voir le jour : direction départementale traitant des questions de "protection des personnes", direction départementale de la cohésion sociale, etc.
Administrations centrales : attention fusions
La réforme de l'Etat touche évidemment aussi l'organisation des administrations centrales, avec la suppression d'une trentaine de structures par une série de rapprochements entre celles dont les missions sont jugées complémentaires. Ainsi, la direction générale des Finances publiques a été officiellement créée ce 4 avril, enterrant du même coup la direction générale des Impôts et la direction générale de la Comptabilité publique. Philippe Parini, trésorier-payeur général de la région Ile-de-France, devrait en prendre la tête.
La réforme de l'Etat entend également donner davantage de cohésion au ministère de l'Ecologie afin de "traduire dans l'organisation du ministère la nouvelle ambition de la France en matière de développement durable", précise le dossier du CMPP. "L'activité technique du ministère est encore trop tournée vers des domaines aujourd'hui moins prioritaires (routes) ou vers des activités où l'intervention de l'Etat ne se justifie plus (ingénierie concurentielle)", explique Bercy. Le ministère doit maintenant renforcer ses capacités d'expertise dans des domaines tels que la prévention des risques, l'énergie ou la biodiversité. Il pourra pour cela utiliser "les marges de manoeuvre issues du redéploiement d'une partie des effectifs de l'activité d'ingénierie concurentielle, l'Etat n'ayant pas vocation à concurrencer l'offre privée". Il pourra également profiter des effectifs du réseau scientifique et technique rendus disponibles par la réduction des activités routières.
Une loi de transfert des parcs de l'équipement
De son côté, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) devra, d'ici la fin 2008, se recentrer sur son rôle de "précurseur", notamment en finançant des "démonstrateurs", sortes de prototypes préalables au lancement éventuel de nouveaux programmes. La réforme doit également se traduire par une mutualisation des effectifs de police de l'eau (Office national de l'eau et des milieux aquatiques - Onema) et de la nature (Office national de la chasse et de la faune sauvage - ONCFS) sous l'autorité du directeur départemental de l'équipement et de l'agriculture (DDEA). Objectif : "Disposer d'une taille critique sur le terrain et renforcer les coopérations entre police administrative (DDEA) et police judiciaire (offices de l'eau et de la chasse)."
Concernant les infrastructures routières existantes, le CMPP a estimé qu'"une nouvelle étape doit être franchie par la promulgation d'une loi de transfert des parcs de l'Equipement aux départements" (voir article Localtis "Transfert des parcs de l'Equipement : un projet de loi au printemps"). Dans le domaine fluvial, "les efforts d'optimisation et de modernisation des méthodes d'exploitation de Voies navigables de France doivent être poursuivis pour tirer parti des travaux prévus de rénovation du réseau" (voir article Localtis "Le transport fluvial retrouve de l'attrait").
Contrats aidés : un contrat unique... et très resserré
S'agissant des décisions touchant les grandes politiques publiques, on retiendra notamment que le CMPP a confirmé un nouveau tour de vis sur les contrats aidés, dont le nombre est déjà restreint cette année.
Le rapport présenté par Eric Woerth évoque bien "la création du revenu de solidarité active (RSA)", sans donner de date, et réaffirme le projet de réforme des contrats aidés par la création d'un "contrat unique d'insertion".
Le CMPP est plutôt précis quant au contenu souhaité pour cette réforme prévue dans le cadre du Grenelle de l'insertion : les contrats aidés "seront limités aux seules personnes très éloignées de l'emploi, c'est-à-dire aux bénéficiaires de minima sociaux et aux demandeurs d'emploi relevant du parcours 3. Leur renouvellement au-delà d'une durée d'un an sera conditionné soit à un parcours d'insertion ou de formation, soit à une situation particulière". Ce qui risque par exemple d'exclure certains jeunes de moins de 25 ans, non éligibles au RMI. Les jeunes "vont être traités plus globalement dans le cadre du Grenelle", assure-t-on toutefois au Haut Commissariat aux solidarités actives.
Aides aux entreprises : halte aux doublons
Accusées de doublons et d'empilements par plusieurs rapports récents, les aides aux entreprises sont elles aussi dans le collimateur. L'objectif est d'économiser 200 millions d'euros en les recentrant sur l'innovation et les PME. Un comité des financeurs sera créé autour du préfet de région pour améliorer la coordination des acteurs de terrain. Le soutien à l'innovation sera réservé aux entreprises de moins de 5.000 salariés, excepté pour les projets lourds portés par les pôles de compétitivité.
En matière d'aide à la création d'entreprises, le plan confirme la suppression de l'avance remboursable Eden au profit d'un nouveau prêt d'honneur porté par la Caisse des Dépôts dans le cadre du plan "espoir banlieues". Les prêts à la création d'entreprise (PCE) seront limités à 15% du besoin de financement des projets. Le plan prévoit également de supprimer les doublons entre les chèques-conseils distribués par les directions départementales du travail pour l'accompagnement des porteurs de projets et ceux mis en place par certaines régions. Chaque créateur fera l'objet d'un dossier unique dématérialisé. Les dispositifs territoriaux d'aide à l'implantation ne devront pas dépasser cinq ans et feront l'objet d'une évaluation de leur rapport coût-bénéfice.
Logement social : expérimentation d'un loyer progressif
"Nous nous sommes interrogés sans tabou à partir d'un diagnostic qui montre certaines aberrations." Par ses propos introductifs, le président de la République a annoncé des mesures qui circulaient depuis quelques semaines voire quelques jours. Objectif : centrer l'effort en faveur du logement sur l'urgence des besoins. Première mesure : revoir à la baisse (10%) les seuils d'accès au logement social. Les professionnels du logement social pourraient d'une certaine façon être rassurés car des chiffres bien plus importants circulaient dans la presse. La question du surloyer, déjà abordée lors du dernier congrès HLM, retrouve une place importante, étant considéré comme une ressource supplémentaire "permettant d'accroitre les efforts de construction du logement social". Non seulement ce surloyer sera rehaussé mais le gouvernement est favorable à l'expérimentation d'un loyer progressif en fonction des revenus dans le parc HLM. Avec ces nouvelles ressources, les organismes HLM qui se sont engagés dans une politique de vente volontariste suite à l'accord de décembre dernier entre l'USH et l'Etat (voir article de Localtis : "Accord de principe sur la vente des HLM", 10/12/2007) auront aussi - cette piste fut lancée par Christine Boutin lors du dernier congrès HLM - l'obligation de mutualiser leurs ressources.
La question d'un soutien différencié en fonction des efforts des organismes est-elle aujourd'hui d'actualité ? Christine Boutin avait déclaré le 20 septembre 2007 que la solidarité passerait par la définition d'une charte d'utilité sociale pour aider les bailleurs opérant dans les zones tendues (voir article Localtis : "Une première confrontation traditionnelle ou une mise au pas du mouvement HLM ?", 20/09/2007). Cela pourrait passer par le conventionnement global défini dans la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales qui devrait, selon la révision générale des politiques publiques, être bouclé avec tous les opérateurs d'ici 2012.
Future réforme du 1%
Autre point essentiel et qui a fait l'objet d'une forte médiatisation : le 1% logement. Il y a quelques semaines, les organismes collecteurs du 1% étaient menacés de budgétisation : leurs ressources pouvaient alors glisser dans le budget de l'Etat. Les conclusions de la réunion du 4 avril se limitent à reprendre les conclusions et l'objectif d'une future réforme : "Les ressources importantes du 1% logement doivent être utilisées à meilleur escient et en cohérence avec les aides publiques. Sa gouvernance doit être revue, sauf à laisser perdurer une dispersion de moyens et des coûts de gestion très élevés." Sur ces annonces, les esprits étaient donc préparés. Il reste des inconnues : que signifie l'objectif de "recentrage des aides à l'investissement locatif sur les besoins prioritaires" ? La revision à la baisse du dispositif Robien qui date de 2003 (avantages fiscaux pour les investisseurs de logements neufs mis en location) est demandée depuis des années par les acteurs du logement social. Le dispositif Borloo populaire, créé par la loi ENL qui s'appuie sur un dispositif comparable mais qui concerne des loyers inférieurs de 30% au prix du marché, serait aussi concerné.
Par ailleurs, on retiendra qu'en matière de politique de la ville, le gouvernement a acté l'analyse critique récente de la Cour des comptes (voir article de Localtis : "L'efficacité de l'action de l'Etat est incertaine", 8/11/2007) ou encore celle du Conseil économique et social qui demandaient une clarification des missions de la DIV et le l'ACSE (Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances). Cette dernière renforcera donc, à l'image de l'Anru, sa fonction d'agence en récupérant les missions de gestion de la DIV. L'Etat envisage aussi "de mettre en place des dispositifs inspirés du dégagement d'office des fonds européens pour ses soutiens financiers".
Enfin, il est à noter que les finances locales n'ont pas été abordées par ce CMPP. Le sujet a apparemment été gardé pour le menu de la prochaine conférence nationale des exécutifs, prévue pour le 24 avril.
C.M. / C.V. / A.L. / M.T.