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Réduire le temps de parcours des trains : une nouvelle étude avance des solutions

Il ne suffirait pas d’augmenter la vitesse des trains pour réduire leurs temps de parcours. D’autres pistes sont à explorer, en optimisant leur exploitation, en améliorant la politique commerciale, en modernisant le matériel roulant ou en adaptant les infrastuctures, estime une nouvelle étude présentée ce 6 décembre par la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut). Ses propositions concernent aussi bien les TER que les Intercités et les lignes à grande vitesse.

Les voyageurs sont de plus en plus pressés. Et les usagers des trains ne font pas exception à la règle, y compris ceux qui prennent surtout les TER et les Intercités. Partant de ce constat, la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut) a commandé une nouvelle étude à Gérard Mathieu, économiste et expert ferroviaire, qui avait déjà travaillé en 2015-2016 sur les relèvements possibles de la vitesse maximale des trains sur les lignes classiques.
Les gains de temps liés à l’augmentation des vitesses s’étant avérés modestes, à de rares execeptions près (la ligne Lyon-Nantes, par exemple), la Fnaut lui a demandé d’explorer cette fois-ci de nouvelles possibilités de réduire les temps de parcours ferroviaires. "Tous les paramètres de l’exploitation ferroviaire ont été examinés, souligne la Fédération dans les conclusions de l’étude, présentée ce 6 décembre. Contrairement aux relèvements de la vitesse maximale, les propositions sont diverses, applicables à l’ensemble du réseau, parfois peu coûteuses – voire gratuites – et peuvent être mises en œuvre rapidement."

Optimiser l'exploitation

L’une des premières grandes pistes consisterait à optimiser l’exploitation, notamment en "retendant" les horaires des trains. Les horaires actuels intègrent en effet une marge de régularité permettant de rattraper les aléas de l’exploitation : pour les trains circulant sur les lignes classiques, cette marge est de +4,5 minutes par 100 km, soit 19 minutes sur Paris-Limoges ou Clermont (420 km) et 32 minutes sur Paris-Toulouse à laquelle s’ajoutent souvent des marges dites "commerciales", laissées à l’appréciation des concepteurs des horaires pour permettre de rattraper encore plus facilement les retards. Des marges jugées "trop rigides" par l’auteur de l’étude, qui préconise de les adapter aux caractéristiques des lignes et des trafics. D’autant que l’augmentation des détentes a selon lui "des effets pervers", l’exploitant de terrain intégrant plus ou moins consciemment l’idée que le train dispose de marges suffisantes pour lui permettre d’absorber quelques minutes de retard supplémentaires.
Autre proposition, liée à l’exploitation des trains : revoir la durée des arrêts. La norme est de trois minutes et jusqu’à quatre à 5cinqminutes dans les grandes gares. "Elle doit être revue pour l’adapter à la réalité (heures creuses ou de pointe, volume des trafics échangés, caractéristiques des matériels roulants et des quais)", estime l’étude. Pour cela, il y a des pré-requis, comme le fait d’indiquer systématiquement et de manière très visible le positionnement des voitures pour que le voyageur puisse se repérer plus facilement.

Repenser les arrêts et les correspondances

Une autre série de propositions concerne la politique commerciale. Dans cet ordre d’idées, il faudrait optimiser le nombre des arrêts et les correspondances. "L’arrêt d’un train dans une gare majore le temps de parcours de 3 à 8 minutes selon la vitesse autorisée en ligne et les caractéristiques de la gare, souligne l’étude de Gérard Mathieu. Il est donc souhaitable de diversifier l’offre avec des trains omnibus et des trains semi-directs sur un itinéraire donné." La durée des correspondances devrait aussi être réduite par une adaptation des horaires, une clarification des annonces et de la signalétique, la facilitation du cheminement entre les trains, "l’idéal étant la correspondance quai à quai", précise l’étude. Certaines correspondances pourraient aussi être supprimées en mettant les circulations bout à bout (Grenoble-Lyon ou Lyon-Dijon, par exemple) pour qu’elles soient assurées par un même train.
L’étude préconise aussi de renforcer les fréquences, pour réduire les temps d’attente en gare et en particulier la durée des correspondances. Mais il faut veiller pour cela à ce que les cadencements respectifs des trains grandes lignes et TER ou des TER de régions différentes ne soient pas décalés, prévient-elle. Autre aspect primordial : améliorer l’intermodalité. Le voyage en train ne constitue qu’une partie du déplacement. On peut encore gagner du temps en facilitant l’accès aux services permettant de réaliser les parcours terminaux (transports publics, taxis, voitures particulièrse, location de voitures ou de vélos, etc.).

Adapter le matériel roulant et les infrastructures

L’étude préconise également de moderniser le matériel roulant en le rendant plus accessible, de façon à réduire la durée des montées et des descentes, et plus performant. "De fortes capacités d’accélération et de freinage font gagner du temps en ligne lors des variations de vitesse maximale exigées par le tracé ou les points singuliers de la ligne, et surtout lors des arrêts, ce qui est crucial pour des TER assurant des dessertes à arrêts fréquents", souligne-t-elle. Enfin, il serait possible, estime-t-elle, d’ "adapter les infrastructures par des investissements modestes". C’est le cas des installations d’alimentation électrique qui pourraient être renforcées pour répondre aux besoins des nouveaux matériels roulants, plus puissants, et à la densité croissante des circulations. L’étude préconise également de relever de 30 à 60 km/h la vitesse de franchissement des aiguillages en entrée et sortie de gare pour les trains qui s’y arrêtent. Cela permettrait de gagner en moyenne 2 minutes.

Cas pratiques

L’étude s’achève par la présentation de plusieurs cas pratiques illustrant les gains de temps possibles. Le premier exemple est celui des trains TER Caen-Rouen, qui parcourent une ligne très sinueuse (162 km, soit 28% de plus que la liaison routière). Deux trains directs quotidiens, créés récemment, relient les deux métropoles normandes en 1h24 (contre 1h25 par la route, selon Mappy) mais leurs horaires sont mal positionnés et aucune publicité n’a été faite. Résultat : leur fréquentation est faible. Or, la réunification de la région Normandie ne peut qu’accroître les besoins de mobilité entre Caen (405.000 habitants dans l’aire urbaine) et Rouen (660.000 habitants), fait valoir l’étude. Pour Gérard Mathieu, il serait possible d’améliorer l’attractivité de la ligne en réduisant le temps de trajet de plusieurs manières. Tout d’abord, le relèvement des vitesses maximales permettrait de gagner 7 minutes et la diminution de la marge de régularité, qui pourrait être ramenée de 4,5 minutes à 3 minutes/100km, entraînerait un gain supplémentaire de 2 minutes. La desserte quotidienne de cette ligne comprend également 4 trains semi-directs (4 arrêts, soit un trajet d’1h33) et 3 omnibus (6 ou 8 arrêts, pour un trajet ou 1h38 ou 1h43). Un arrêt représentant 2,5 minutes, la suppression de 2 arrêts permettrait de gagner encore 5 minutes, préconise l’auteur de l’étude, mais elle n’est envisageable commercialement que si la desserte de la ligne est étoffée pour améliorer les relations des villes intermédiaires avec les deux métropoles et de mieux satisfaire les besoins de cabotage. C’est ce qui a été fait sur la ligne Lyon-Grenoble, avec 28 relations de bout en bout par jour et par sens, auxquelles il faut ajouter les dessertes de proximité de Lyon et de Grenoble.
Autre exemple éclairant : celui de la ligne Intercités Paris-Clermont-Ferrand. Le trajet le plus rapide (sans arrêt) se fait aujourd’hui en 3h21 contre 2h59 il y a quelques années, avant les relèvements de vitesse à 200 km/h entre Nevers et Saint-Germain-des-Fossés. Pour Gérard Mathieu, en jouant à la fois sur des relèvements de la vitesse maximale, au nord de Nevers notamment, sur la diminution de la détente horaire et sur l’augmentation de la vitesse aux entrées et sorties de gares, le meilleur temps sans arrêt pourrait être d’environ 2h50 et celui avec 4 arrêts – à Nevers, Moulins, Vichy et Riom – de 3h10.
La Fnaut entend diffuser largement cette étude auprès des acteurs concernés (Etat, autorités organisatrices, SNCF…). Pour Jean Sivardière, son vice-président, ses recommandations gagneraient à être suivies car "toutes les liaisons ferroviaires sont susceptibles d’avoir des temps de trajets raccourcis". "Avec le prix du billet, la fréquence des services et la régularité des circulations, cela fait aujourd’hui partie des principales exigences des voyageurs mais aussi des plus négligées", estime-t-il.

 

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